Date de début de publication du BOI : 26/05/1998
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 98 du 26 MAI 1998


  III. La saisie-attribution entre les mains d'un comptable public


162La raison d'être d'une procédure spéciale, lorsqu'une saisie de créance est pratiquée entre les mains d'un comptable public, est que la personnalité très particulière du tiers saisi met le saisissant à l'abri tant d'une éventuelle insolvabilité que d'une collusion frauduleuse avec le débiteur saisi. Dès lors, la procédure de droit commun aurait imposé des formalités inutiles. Par ailleurs, les règles propres à la comptabilité publique exigent certaines adaptations.

163Le Code de procédure civile de 1806 avait consacré deux de ses articles au cas particulier des saisies auprès des comptables publics : l'article 561 relatif à la signification de l'exploit et l'article 569 relatif à la déclaration affirmative. Par la suite, de nombreux textes (lois et décrets cités en annexe III) ont réglementé cette procédure de façon plus détaillée. Pour sa part, la loi du 9 juillet 1991 n'a prévu aucune disposition spéciale sur cette saisie, se limitant à l'abrogation des articles 561 et 569 précités. Le décret du 31 juillet 1992, pris en application de la loi de 1991, n'a apporté aucun élément nouveau sur cette question.

164 Toutefois un décret n° 93-977 du 31 juillet 1993 (cf. annexe III), après avoir abrogé plusieurs des textes susvisés, a énoncé dans son article 2 que le décret du 31 juillet 1992 précité était applicable aux saisies et cessions notifiées aux comptables publics, aux centres de chèques postaux ou la Caisse nationale d'épargne.

La situation juridique du comptable public tiers saisi doit donc être examinée au regard de la combinaison de ces différents textes.

  1. L'acte de saisie-attribution

a) Forme de l'acte.

165L'acte doit comporter les mentions prévues à l'article 56 du décret du 31 juillet 1992 (cf. supra n° 30 et s. ).

Mais le décret de 1993 précise qu'indépendamment de ces mentions, l'acte doit contenir, à peine de nullité, la désignation précise de la créance saisie (art. 3 du décret).

b) La signification de l'acte de saisie au comptable public

166Conformément à l'article 4 du décret du 31 juillet 1993, l'acte de saisie doit être signifié par huissier de justice au comptable public assignataire de la dépense.

Ainsi, pour les sommes dues par l'Etat, la signification est faite au trésorier-payeur général. Toutefois, si la créance sur laquelle porte la saisie est payable à PARIS, l'organisme destinataire de l'acte est soit la Paierie Générale du Trésor, soit l'Agence Comptable Centrale du Trésor, soit l'Agence Comptable des Impôts de PARIS.

167Ces règles de signification doivent être respectées à peine de nullité (Cass. civ. 2ème, 10 juillet 1985, Bull. civ. II n° 137 ; D 1986, 2, 59 note MONTAGNIER : sur la nullité d'une signification faite à un directeur de service qui n'a pas la qualité de comptable public).

168.Afin d'éviter des erreurs dans la recherche du comptable compétent, l'huissier, s'il est porteur d'un titre exécutoire ou d'une autorisation de mesure conservatoire, peut requérir de l'ordonnateur qu'il lui indique ce comptable ainsi que tous les renseignements nécessaires à la mise en oeuvre de la mesure (cf. art. 25 loi 9 juillet 1991).

169 IMPORTANT : Les règles particulières aux saisies effectuées entre les mains d'un comptable public s'appliquent également aux services de chèques postaux et caisses nationales d'épargne.

L'acte de saisie doit donc être signifié au centre de chèques postaux où sont tenus les comptes frappés de la saisie. La saisie ne frappe pas tous les comptes ouverts dans d'autres centres. Il en est de même pour la Caisse nationale d'épargne.

c) La nullité de l'acte de saisie.

170Les obligations relatives à la forme de l'acte et à sa signification sont prescrites à peine de nullité.

Dans un premier temps, la Cour de cassation avait affirmé que de telles prescriptions pouvaient être invoquées par les tiers dans leurs rapports entre eux (Cass. civ. 7 janvier 1920, DP 1924, I, 63). Toutefois, elle a, depuis, considéré que ces formalités ont été instaurées dans le seul intérêt de l'Administration et que le débiteur saisi n'était donc pas fondé à s'en prévaloir (Cass. civ. 2ème, 21 avril 1982, G.P. 1982, Pan. 310).

Cette dernière jurisprudence reste applicable sous l'empire des nouveaux textes.

d) Particularité du visa porté par le comptable public sur l'original de l'acte de saisie

171Le comptable public assignataire doit viser l'original de l'acte (art. 5, 1er al. du décret du 31 juillet 1993). La signification doit être faite au comptable compétent en son bureau.

L'original de l'acte doit rester déposé jusqu'au lendemain au bureau où la saisie a été effectuée ; le visa qui y est apposé est daté de ce dernier jour.

Il est admis que le comptable peut déléguer cette fonction à tout agent de son service habilité à cet effet, sous réserve du respect des règles relatives à la délégation de signature. Toutefois, le nouveau texte ne prévoit plus, comme c'était le cas auparavant, qu'en cas de refus le visa peut être apposé par le procureur de la République (cf. art. 561 ancien du Code de procédure civile).

Il faut noter que l'exigence du visa n'est pas expressément prescrite à peine de nullité.

172 Remarque :

Le Conseil d'Etat a dénié au comptable public tout pouvoir d'appréciation sur la validité d'un acte de saisie et ce quels qu'en soient les motifs, de fond ou de forme (CE 15 octobre 1969, req. n° 75.010). Dès lors, le comptable public qui refuserait de viser l'original de l'acte commettrait une faute de nature à engager sa responsabilité.

Cette neutralité exonère le comptable tiers saisi de toute responsabilité quant à l'irrégularité éventuelle de la procédure d'exécution engagée.

A cet égard, un juge de l'exécution a pu affirmer que « le tiers saisi, qui ne saurait être tenu d'imposer, de lui-même, aux parties, les règles de saisissabilité applicables en l'espèce, sera déchargé de toute responsabilité » (TGI MARSEILLE, 3 août 1995, inédit). En l'espèce, il s'agissait de la mise en cause d'un trésorier-payeur général qui avait effectué le versement d'une pension de retraite au profit d'un créancier saisissant à la suite d'une saisie-attribution qui n'avait jamais fait l'objet d'une contestation dans les délais requis de la part du débiteur, alors que cette pension était légalement insaisissable (art. L 56 du Code des pensions).

  2. La procédure de saisie-attribution

173La procédure de saisie entre les mains d'un comptable public obéit aux règles de droit commun (cf. supra n° 27 et s. ). Le comptable public est seulement tenu d'une obligation de renseignement à l'égard du saisissant, comme pour la procédure de droit commun.

a) Obligation d'informer le créancier saisissant et l'huissier

174 Par dérogation à l'article 59 du décret du 31 juillet 1992 qui exige une communication « sur le champ » par le tiers saisi, l'article 5 al. 2 du décret du 31 juillet 1993 prévoit que le comptable public assignataire de la dépense dispose d'un délai de vingt quatre heures pour fournir à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991 (l'étendue des obligations du tiers saisi envers le saisi) et pour lui communiquer les pièces justificatives. Si d'autres saisies ou des oppositions ont été effectuées antérieurement, il doit donner les précisions les concernant. Un certificat contenant tous ces renseignements doit être remis à l'huissier, même si le décret de 1993 ne le vise plus.

175 NOTA : Il semble qu'il ne soit pas possible d'opposer à l'huissier le secret professionnel prévu à l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 relative au statut de la fonction publique d'Etat. La Cour de cassation a déjà considéré que le secret professionnel n'était pas un motif légitime pour refuser de communiquer les renseignements nécessaires à l'huissier pour procéder à l'exécution forcée d'une décision de justice (Cass. civ. 1ère, 30 juin 1992, Ministre délégué des PTT c/X... , JCP 1993, 22001).

176Tout manquement aux obligations du comptable public tiers saisi doit être signalé au Service central (Bureau III C 3) :

b) Les effets de cette saisie

177Ils sont identiques à ceux de la saisie-attribution de droit commun (cf. supra n° 48 et s. ). L'Administration peut notamment se libérer de toutes sommes dépassant les causes de la saisie puisqu'elles ne sont pas indisponibles.

178 IMPORTANT : L'indisponibilité de la créance saisie cesse s'il n'a pas été donné suite à la procédure dans les cinq ans qui ont suivi la signification. Cette prescription spéciale quinquennale n'est pas mentionnée expressément par le décret du 31 juillet 1993, mais, à défaut d'abrogation explicite des textes qui la prévoyaient, elle reste valable. A l'expiration de ce délai, le comptable public peut rayer d'office la saisie pratiquée entre ses mains sans qu'il y ait besoin d'un jugement de mainlevée.

c) Cas particuliers

* Saisie-attribution des rémunérations des fonctionnaires civils et militaires

179Les règles de la saisie des rémunérations du travail sont applicables dans ce cas avec, toutefois, certaines particularités résultant du décret du 31 juillet 1993 (art. 7 à 11) et notamment l'article 8 : « la déclaration qui incombe au tiers saisi sur la situation de droit existant entre lui-même et le débiteur est faite par le service employeur au secrétariat-greffe du tribunal d'instance ».

* Saisie-attribution des pensions de retraite et des rentes viagères d'invalidité attribuées aux fonctionnaires civils et militaires

180L'article L 56 alinéa 1er du Code des pensions civiles et militaires de l'Etat (loi 26 décembre 1964) dispose que :

« les pensions et les rentes viagères d'invalidité instituées par le présent code sont insaisissables, sauf en cas de débit envers l'Etat, les départements, les communes ou établissements publics, les territoires d'Outre-Mer, ou pour les créances privilégiées de l'article 2101 du Code civil (privilèges généraux mobiliers) ou dans les circonstances prévues aux articles 203, 205, 206, 207 et 214 du même Code » (créances alimentaires).

Lorsqu'elles sont saisissables, les pensions de retraite et les rentes viagères d'invalidité attribuées aux fonctionnaires civils et militaires peuvent être appréhendées dans la limite d'un cinquième de leur montant pour débet envers l'Etat et les autres collectivités publiques ou pour les créances privilégiées de l'article 2101 du Code civil.

Elles le sont aussi dans la limite d'un tiers de leur montant, pour les créances alimentaires prévues par le Code civil et pour les créances familiales découlant du mariage (C. civ. art. 203 s. et voir aussi 12 C 221 n° 40).

Ces diverses retenues peuvent s'exercer simultanément (Code des pensions, art. L 56 al. 3). Toutefois, en cas de débets simultanés envers l'Etat d'une part, et d'autres collectivités publiques d'autre part, les retenues doivent être effectuées en premier lieu au profit de l'Etat (Code des pensions art. L 56 al. 4).

181Lorsque la saisie est effectuée par un comptable des impôts, ce dernier établit en double exemplaire une « demande tendant à faire exercer une retenue sur la pension d'un redevable reliquataire » (imprimé n° 3737, cf. annexe IX) à l'adresse du trésorier-payeur général sur la caisse duquel est assigné le paiement de la pension. A cet envoi doit être jointe une copie des avis de mise en recouvrement et mise en demeure notifiés au redevable. La nature et les caractéristiques de la pension doivent figurer sur l'imprimé n° 3737.

Ces renseignements relatifs à l'existence d'une pension et aux caractéristiques de cette dernière peuvent être demandés au Service des Pensions (cf. annexe IV).

182La loi du 9 juillet 1991 abandonne le principe de fongibilité des sommes entrant dans un compte bancaire et dispose que « les créances insaisissables dont le montant est versé sur un compte demeurent insaisissables » (art. L 15).

NOTA : Il en résulte, que lorsque les pensions de l'espèce sont versées directement à un compte bancaire ou postal, les comptables ne sont plus obligatoirement tenus d'adresser leur demande de prélèvement au comptable assignataire de la pension à qui il incombe d'appliquer les règles légales d'insaisissabilité (cf. 12 C 221 n° 43). L'établissement bancaire est en effet en mesure d'appliquer ces règles sur demande du débiteur saisi.

Le Sous-Directeur

Alain FONT