Date de début de publication du BOI : 07/04/2003
Identifiant juridique : 7G-1-03
Références du document :  7G-1-03

B.O.I. N° 64 du 7 AVRIL 2003


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

7 G-1-03

N° 64 du 7 AVRIL 2003

SUCCESSIONS - ASSIETTE - TARIFS ET LIQUIDATION DES DROITS
(LOI N° 2001-1135 DU 3 DECEMBRE 2001 RELATIVE AUX DROITS DU CONJOINT SURVIVANT ET DES ENFANTS
ADULTÉRINS ET MODIFIANT DIVERSES DISPOSITIONS DE DROIT SUCCESSORAL)

NOR : BUD F 03 10010 J

Bureau B 2-2



PRESENTATION


La loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 (JO du 4 décembre 2001) s'attache notamment à promouvoir les droits du conjoint survivant et modifie diverses dispositions du droit successoral.

Les droits successoraux du conjoint survivant ont été revalorisés en faisant remonter le conjoint dans l'ordre successoral et en lui reconnaissant la qualité d'héritier réservataire dès lors qu'il n'existe pas de descendants ou d'ascendants du défunt. Cette loi a en outre renforcé les droits du conjoint survivant sur le logement qu'il occupait à titre d'habitation principale au moment du décès.

Ainsi, la loi du 3 décembre 2001 apporte plusieurs innovations essentielles en faveur du conjoint survivant que sont, l'attribution de droits en pleine propriété, la garantie temporaire d'un maintien dans la résidence principale, la faculté de bénéficier de droits viagers d'habitation sur le logement principal et d'usage sur le mobilier qui le garnit.

La présente instruction précise les innovations ainsi apportées sur le plan civil et les conséquences fiscales qui en découlent.



Section 1 :

Le dispositif civil



  A. DES DROITS DU CONJOINT SURVIVANT


  1. Rappel des dispositions applicables avant l'entrée en vigueur de la loi relative aux droits du conjoint survivant

a) Droits successoraux

Il résulte des dispositions des articles 765, 766 et 767 anciens du code civil que les droits du conjoint survivant sont limités à :

- l'usufruit du quart lorsque le défunt laisse un ou plusieurs enfants soit légitimes, issus ou non du mariage, soit naturels ;

- l'usufruit de la moitié lorsque le défunt laisse des frères et soeurs, des descendants de frères et soeurs, des ascendants ou des enfants naturels conçus pendant le mariage ;

- la totalité en toute propriété lorsque le défunt ne laisse pas de parenté au degré successible, ou s'il ne laisse que des collatéraux autres que des frères et soeurs ou des descendants de ceux ci.

- la moitié de la succession en toute propriété lorsque le défunt ne laisse dans une ligne, paternelle ou maternelle, aucun parent au degré successible, ou s'il ne laisse, dans cette ligne, que des collatéraux autres que des frères ou soeurs ou des descendants de ceux ci ;

Ainsi, le conjoint survivant n'hérite jamais en pleine propriété en présence de descendants sauf lorsque le conjoint survivant hérite en concours avec un enfant adultérin et il ne prime que les héritiers du quatrième ordre (les collatéraux ordinaires) en présence desquels il recueille la totalité de la succession en pleine propriété.

b) Quotité disponible entre époux

Quotité disponible en présence de descendants.

En présence de descendants, légitimes, ou naturels, l'époux peut disposer au profit de son conjoint soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité en usufruit seulement (Code civ., art. 1094-1).

Quotité disponible en présence d'enfants naturels adultérins.

Si l'époux ne laisse que des enfants naturels qu'il a eus pendant le mariage, il peut disposer, en faveur de son conjoint, soit des trois quarts de ses biens en propriété, soit de la moitié en propriété et de l'autre moitié en usufruit, soit encore de la totalité en usufruit (Code civ., art. 1097).

Quotité disponible en présence d'ascendants.

L'époux peut disposer, en faveur de son conjoint, de ce dont il aurait pu disposer au profit d'étrangers et, en outre, de la nue-propriété de la réserve des ascendants (Code civ., art. 1094).

Quotité disponible en l'absence d'héritier réservataire.

Elle s'étend à la totalité de la succession (Code civ., art. 1094).

Quotité disponible en présence d'enfants légitimes nés d'un précédent mariage.

Si l'époux laisse des enfants qu'il a eu d'un précédent mariage, il peut disposer en faveur de son conjoint soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois quarts en usufruit, soit encore de la totalité en usufruit seulement (Code civ., art. 1094-1).

Mais chacun des descendants d'un précédent lit peut substituer à la libéralité en pleine propriété l'usufruit de la part qu'il eût recueillie en l'absence de conjoint survivant, à moins que le défunt n'ait exprimé sans équivoque la volonté contraire (Code civ., art. 1098).

  2. Aménagements et innovations issus de la loi relative aux droits du conjoint survivant

a) Accroissement des droits successoraux accordés au conjoint survivant

La loi nouvelle accorde désormais au conjoint survivant des droits en pleine propriété quel que soit le parent laissé par le défunt.

Ainsi, aux termes de l'article 757 nouveau du code civil, le conjoint survivant recueille en présence de descendants de l'époux prédécédé :

- lorsque tous les enfants sont issus des deux époux, à son choix l'usufruit de la totalité des biens existants ou la pleine propriété du quart des biens ;

- en présence d'un ou plusieurs enfants non issus des deux époux, le quart de la pleine propriété des biens.

Par ailleurs, en présence d'ascendants privilégiés (père et mère du défunt) ou de collatéraux privilégiés (frères et soeurs du défunt), le conjoint recueille également des droits en pleine propriété.

Ainsi, désormais le conjoint survivant prime les collatéraux privilégiés et recueille la totalité des biens successoraux en leur présence dès lors que le défunt ne laisse ni descendants ni ascendants privilégiés (article 757-2 nouveau du code civil).

Toutefois, dans cette hypothèse afin que le patrimoine familial n'échappe pas totalement à la famille du défunt, le législateur a institué au bénéfice des frères et soeurs du défunt ou de leurs descendants, eux mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission, un droit de retour légal portant sur une partie des biens du défunt.

Ce droit de retour atteint les biens reçus par le défunt de ses père et mère par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans sa succession. Prévu par l'article 757-3 nouveau du code civil, il ne porte cependant que sur la moitié des biens concernés, l'autre moitié revenant au conjoint survivant.

En outre, en présence d'ascendants privilégiés le conjoint survivant recueille :

- la pleine propriété de la moitié des biens lorsque le défunt laisse ses père et mère qui eux reçoivent chacun un quart en pleine propriété ;

- la pleine propriété des trois quarts de la succession lorsque le défunt ne laisse que son père ou sa mère.

b) Vocation héréditaire en réserve du conjoint survivant

L'article 914-1 nouveau du code civil institue un droit de réserve en faveur du conjoint survivant en disposant que :« Les libéralités, par actes entre vifs ou par testament, ne pourront excéder les trois quarts des biens si, à défaut de descendant et d'ascendant, le défunt laisse un conjoint survivant, non divorcé, contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée et qui n'est pas engagé dans une instance en divorce ou séparation de corps ».

c) Aménagement des règles relatives à la quotité disponible entre époux

Afin de supprimer l'ensemble des discriminations successorales subies par les enfants naturels adultérins, les articles 1094-2, 1097 et 1097-1 du code civil ont été abrogés par la loi du 3 décembre 2001 précitée.

Les quotités disponibles en faveur de l'époux en présence de descendants ou d'ascendants prévues respectivement aux articles 1094 et 1094-1 du code civil ne sont pas modifiées par la loi du 3 décembre 2001.

d) Le droit temporaire au logement et au mobilier qui le garnit

Le conjoint survivant qui à l'époque du décès, occupe effectivement à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux deux époux ou dépendant totalement de la succession (c'est-à-dire que le logement est un bien propre ou personnel du mari) a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement ainsi que du mobilier compris dans la succession qui le garnit - article 763 alinéa 1 nouveau du code civil - (exécution en nature).

Par ailleurs, dans l'hypothèse où le logement serait assuré au moyen d'un bail à loyer, le second alinéa de l'article 763 nouveau du code civil dispose que les loyers de celui-ci lui seront remboursés par la succession pendant l'année, au fur et à mesure de leur acquittement (exécution en espèces).

Les droits prévus par cet article sont réputés effets directs du mariage. En outre, le dernier alinéa de l'article 763 du code civil prévoit que celui-ci est d'ordre public. Ainsi, toute possibilité d'en priver le conjoint survivant est exclue.

e) Le droit viager au logement et au mobilier qui le garnit

En application de l'article 764 nouveau du code civil, le conjoint survivant qui à l'époque du décès, occupait effectivement à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux deux époux ou dépendant totalement de la succession a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.

Selon les dispositions de l'article 765-1 nouveau du code civil, le conjoint survivant dispose d'un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d'habitation et d'usage.

Cela étant, ces droits viagers peuvent être écartés par une manifestation de la volonté contraire du défunt exprimée aux termes d'un acte authentique reçu en la forme solennelle (article 764 alinéa 1 du code civil). Si le défunt décide de priver son conjoint de ce droit viager d'habitation et d'usage, sa décision n'affecte pas les droits en usufruit que le conjoint survivant recueille en vertu de la loi ou d'une libéralité sur la succession.

En outre, selon les termes de l'article 764 alinéa 5 du code civil, lorsque la situation du conjoint fait que le logement grevé du droit d'habitation n'est plus adapté aux besoins du conjoint survivant, ce dernier ou son représentant peut le louer à usage autre que commercial ou agricole afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d'hébergement.

Enfin, le conjoint survivant et les héritiers peuvent, par convention, convertir les droits viagers d'habitation et d'usage en une rente viagère ou en capital en application des dispositions de l'article 766 nouveau du code civil.

Par ailleurs, lorsque le logement faisait l'objet d'un bail à loyers, le conjoint successible qui, à l'époque du décès, occupait effectivement les lieux à titre d'habitation principale bénéficie du droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant (article 765-2 nouveau du code civil).

f) Conversion de l'usufruit du conjoint survivant

En application de l'article 759 nouveau du code civil, tout usufruit appartenant au conjoint sur les biens du prédécédé, qu'il résulte de la loi, d'un testament ou d'une donation de biens à venir, donne ouverture à une faculté de conversion en rente viagère, à la demande de l'un des héritiers nus-propriétaires ou du conjoint successible lui-même.

La faculté de conversion n'est pas susceptible de renonciation. Les cohéritiers ne peuvent en être privés par la volonté du prédécédé (article 759-1 nouveau du code civil).

A défaut d'accord entre les parties, la demande de conversion est soumise au juge. Elle peut être introduite jusqu'au partage définitif. Si le juge fait droit à la demande de conversion, il détermine le montant de la rente, les sûretés que devront fournir les cohéritiers débiteurs, ainsi que le type d'indexation propre à maintenir l'équivalence initiale de la rente à l'usufruit. Toutefois, le juge ne peut ordonner contre la volonté du conjoint la conversion de l'usufruit portant sur le logement qu'il occupe à titre de résidence principale, ainsi que sur le mobilier le garnissant (article 760 nouveau du code civil).

En outre, par accord entre les héritiers et le conjoint, il peut être procédé à la conversion de l'usufruit du conjoint en un capital (Article 761 nouveau du code civil).

La conversion de l'usufruit est comprise dans les opérations de partage. Elle ne produit pas d'effet rétroactif, sauf stipulation contraire des parties (Article 762 nouveau du code civil).


  B - DISPOSITIONS DIVERSES RESULTANT DE LA LOI


  1. Réaffirmation du droit à pension du conjoint survivant dans le besoin

La loi reprend à l'article 767 nouveau du code civil, le droit à pension qui est prévu à l'article 207-1 ancien du code civil. Ainsi, la succession de l'époux prédécédé doit une pension au conjoint successible qui est dans le besoin.

Le délai pour réclamer cette pension est d'un an à compter du décès. Toutefois, cette pension peut également être réclamée pendant un an à partir du moment où les héritiers cessent d'acquitter les prestations qu'ils fournissaient auparavant au conjoint. Ce délai se prolonge, en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage.

Cette pension alimentaire est prélevée sur l'hérédité. Elle est supportée par tous les héritiers et, en cas d'insuffisance par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument.

Toutefois, si le défunt a expressément déclaré que tel legs sera acquitté de préférence aux autres, il sera fait application de l'article 927 du code civil qui dispose que cette préférence aura lieu et le legs qui en sera l'objet, ne sera réduit qu'autant que la valeur des autres ne remplirait pas la réserve légale.

  2. Créance d'aliments en faveur de certains ascendants

L'article 758 nouveau prévoit que lorsque le conjoint survivant recueille la totalité ou les trois quarts des biens de la succession en pleine propriété, les ascendants du défunt, autres que les père et mère, qui sont dans le besoin bénéficient d'une créance d'aliments contre la succession du prédécédé.

Le délai pour la réclamer est d'un an à partir du décès ou du moment à partir duquel les héritiers cessent d'acquitter les prestations qu'ils fournissaient auparavant aux ascendants. En outre, ce délai se prolonge en cas d'indivision jusqu'à l'achèvement du partage.

Cette pension est prélevée sur l'hérédité. Elle est supportée par tous les héritiers et, en cas d'insuffisance, par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument.

Toutefois, si le défunt a expressément déclaré que tel legs sera acquitté de préférence aux autres, il sera fait application de l'article 927 du code civil.

  3. Suppression de la théorie des comourants

Les dispositions des articles 720, 721 et 722 du code civil, qui établissaient une présomption relative à l'ordre des décès en fonction des circonstances de fait, de l'âge et du sexe en cas de décès dans un même événement de personnes respectivement appelées à la succession l'un de l'autre, ont été remplacées.

L'article 725-1 nouveau du code civil dispose que désormais lorsque deux personnes, dont l'une avait vocation à succéder à l'autre, périssent dans un même événement, l'ordre des décès est établi par tous moyens.

Si cet ordre ne peut être déterminé, la succession de chacune d'elles est dévolue sans que l'autre y soit appelée.

Toutefois, si l'un des codécédés laisse des descendants, ceux-ci peuvent représenter leur auteur dans la succession de l'autre lorsque la représentation est admise.