Date de début de publication du BOI : 30/04/1996
Identifiant juridique : 13O1211
Références du document :  13O121
13O1211
Annotations :  Lié au BOI 13O-2-04

SECTION 1 CHARGE DE LA PREUVE


SECTION 1  

Charge de la preuve


1Suivant la nature et l'objet de chaque litige et plus particulièrement selon la procédure d'imposition employée, la charge de la preuve peut incomber tantôt au contribuable, tantôt à l'Administration, tantôt à chacune des deux parties mais sur des points différents.

2Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État (CE, arrêt du 12 mars 1980, n° 15168), les dispositions législatives qui régissent la nature de la preuve à apporter et la désignation de la partie à qui incombe la charge de la preuve sont indissociables des règles relatives au fond de l'imposition.

Dès lors, la nature de la preuve à apporter comme la désignation de la partie à qui incombe la charge de la preuve sont régies par la législation applicable à la période d'imposition litigieuse et non par la législation en vigueur au moment de l'instance contentieuse.

3Par ailleurs, le problème de la charge de la preuve ne se pose pas dans les litiges qui portent sur l'interprétation des textes, le juge de l'impôt définit alors lui-même une interprétation indépendamment des prétentions des deux parties. En outre, quelles que soient les obligations d'une partie au regard de la charge de la preuve, le juge administratif est toujours en droit d'ordonner une expertise (CE, arrêt du 13 mars 1974, req. n° 88272 et req. n° 87408).

4D'une manière générale c'est à la partie (contribuable ou Administration) qui invoque un fait à l'appui de sa thèse d'établir la réalité de ce fait. Il en est toutefois autrement lorsque l'existence du fait en cause n'est pas mise en doute par l'autre partie. Le Conseil d'État considère alors cette existence comme établie 1 .

5Il est rappelé à cet égard que le service doit avant toute discussion juridique, s'attacher à examiner si les faits invoqués par le contribuable sont effectivement indiscutables 2 .

6Au regard de la charge de la preuve, il sera traité des règles propres aux procédures d'imposition d'office et à certains modes particuliers d'imposition.


SOUS-SECTION 1

Partie à qui incombe la charge de la preuve



  A. PREUVE À LA CHARGE DU CONTRIBUABLE


La charge de la preuve incombe au contribuable devant la juridiction contentieuse dans les cas suivants :

1- lorsque l'imposition contestée a été établie selon la procédure forfaitaire (bénéfices industriels et commerciaux, chiffre d'affaires) ou d'évaluation administrative (bénéfices non commerciaux) avec son accord exprès ou tacite, ou après décision de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CGI, art. 1651) qui a fixé le montant du bénéfice, dans les conditions prévues aux articles L 5 et L 7 du Livre des procédures fiscales (art. L 191 du même livre et cf. 13 M 2621) ;

2- lorsque l'imposition a été établie d'office selon les procédures de taxation ou d'évaluation [LPF, art. L 193 ] ; ainsi en a-t-il été jugé en matière de :

• taxation d'office du revenu global (LPF, art. L 66 ; CE, arrêt du 17 février 1982, n° 18830),

• taxation d'office pour défaut de réponse à une demande de justifications (LPF, art. L 16 et L 69 ; CE, arrêt du 9 décembre 1981, req. n° 23194 ; CE, arrêt du 4 juin 1982, n° 24318 ; CE, arrêt du 25 mars 1983, n°s 33110, 33111 et 33112),

• taxation d'office pour défaut de déclaration de chiffre d'affaires (LPF, art. L 66-3° ; CE, arrêt du 7 juillet 1982, n°s 10903 et 10907),

• taxation d'office pour défaut de déclaration d'impôt sur les sociétés (LPF, art. L 66-2° ; CE, arrêt du 27 octobre 1982, n° 21610),

• évaluation d'office du bénéfice industriel et commercial réel (LPF, art. L 73-1°), alors même que le contribuable se serait placé à tort sous le régime d'imposition forfaitaire (CE, arrêt du 4 juin 1982, n° 12871 ; du 6 octobre 1982, n° 24221) ou dès lors que la mise en oeuvre d'une procédure de caducité permet d'établir que le chiffre d'affaires réalisé par l'intéressé dépasse le seuil au-delà duquel le régime du forfait cesse d'être applicable (CE, arrêt du 29 septembre 1982, n° 27724),

• évaluation d'office du bénéfice réel agricole (LPF, art. L 73-1° ; CE, arrêt du 29 septembre 1982, req. n° 22591),

• évaluation d'office du bénéfice non commercial (LPF, art. L 73-2° ; CE, arrêt du 14 juin 1982, req. n° 25055),

• évaluation d'office des bases d'imposition, en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, à la suite d'une opposition à l'exercice du contrôle fiscal ou d'un refus de communication (LPF, art. L 74 ; cf. 13 0 1212, n° 19 ; CE, arrêt du 7 décembre 1977, n° 3071) ;

3- lorsque, à la suite du redressement apporté à une déclaration ou aux énonciations d'un acte, l'imposition est établie d'après les bases régulièrement notifiées par le service, mais seulement si l'intéressé a donné son accord dès lors que son acceptation n'était assortie d'aucune réserve qui en limitait la portée (CE, arrêts du 22 janvier 1982, n°s 21775 et 21776) ou s'il s'est abstenu de répondre dans le délai de trente jours qui lui a été imparti (CE, arrêt du 7 mai 1982, n° 25791 ; LPF, art. R* 194-1 , 1er al.) ;

4- lorsque l'imposition contestée a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par le contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement (LPF, art. R*194-1 , 2e al. ; CE, arrêt du 26 mars 1980, n° 12008) ;

5- lorsque, dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit (LPF, art. L 64), l'Administration a saisi le comité consultatif et suivi l'avis émis par cet organisme (cf. 13 L 153 et 13 M 53 ; CE, arrêt du 4 décembre 1981, n° 29742) ;

6- lorsque, s'agissant d'un différend sur l'interprétation de la législation fiscale, l'intéressé soutient que l'imposition contestée a été établie en méconnaissance d'une première décision le concernant et qui a été, à l'époque, formellement admise par l'Administration (LPF, art. L 80 A ; cf. 13 L 1343) ;

7- lorsque le contribuable, usant du droit de compensation, invoque une surtaxe commise à son préjudice (LPF, art. L 205) ;

8- lorsque l'imposition contestée a été établie en application d'une présomption légale prévue notamment en matière de droits d'enregistrement, d'impôt de solidarité sur la fortune et d'impôts directs (cf. 13 O 1213, n°s 11 et suiv. ) ;

9- lorsque l'intéressé fait état dans sa déclaration de revenus de charges ou de situations de fait entraînant par elles-mêmes un allégement de l'impôt (situation et charges de famille, charges déductibles du revenu global). En effet, l'Administration peut être appelée à demander des précisions au contribuable.sur certains éléments mentionnés dans sa déclaration de revenus (situation et charges de famille, charges déduites du revenu global) sans recourir à la procédure visée à l'article L 16 du Livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, la taxation d'office prévue à l'article L 69 du même livre n'est pas applicable, mais, en cas de litige concernant la réalité des éléments susvisés, la charge de la preuve incombe au contribuable ;

10- lorsque l'intéressé entend, en matière de bénéfice industriel et commercial, déduire de son résultat imposable, des pertes de créances, des amortissements, des provisions, ou des dépenses portées en frais généraux, quelle qu'ait été la procédure utilisée (CE, arrêt du 16 avril 1982, n° 17218).

11En application des dispositions de l'article L 192 , alinéa 1er du LPF et quel que soit l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'Administration supporte la charge de la preuve 3 sauf dans les cas expressément prévus aux alinéas 2 et 3 dudit article (cf. 13 M 2622).

12Ainsi, dans l'hypothèse où le contribuable présente une comptabilité comportant de graves irrégularités, la charge de la preuve lui incombe si l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. Lorsque l'imposition établie est supérieure au chiffre résultant de l'avis de la commission, la charge de la preuve incombe à l'Administration.

Si le contribuable n'a pas présenté de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, il supporte la charge de la preuve, quel que soit l'avis de la commission.

La charge de la preuve incombe également au contribuable en cas de taxation d'office à l'issue d'un ESFP en application des articles L 16 et L 69 du LPF, même si celle-ci n'est pas conforme à l'avis de la commission appelée à se prononcer.

13Lorsque l'avis de la commission départementale de conciliation est postérieur au 9 juillet 1987, l'Administration supporte la charge de la preuve, en cas de réclamation, quel que soit cet avis (cf. 13 M 362).


  B. PREUVE À LA CHARGE DE L'ADMINISTRATION


La charge de la preuve incombe à l'Administration dans les cas suivants :

14- lorsque la réclamation porte sur un impôt qui doit normalement être établi sur la seule initiative du service et sans intervention d'une déclaration du contribuable ou d'un acte présenté à la formalité de l'enregistrement ;

15- lorsque, l'impôt contesté devant normalement être établi d'après une déclaration à souscrire ou un acte à présenter à l'enregistrement, le contribuable soutient qu'il n'avait, selon le cas, ni l'obligation de souscrire une déclaration ni celle de soumettre un acte à la formalité 4  ;

16- lorsque pour restituer le caractère des stipulations d'un contrat ou d'une convention, l'Administration s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit visé à l'article L 64 du Livre des procédures fiscales ou n'a pas suivi l'avis émis par ce comité (cf. 13 L 1532 et 13 M 53 ; CE, arrêt du 25 mars 1983, n° 30787) ;

17- lorsqu'il y a lieu d'établir l'existence d'une opposition à contrôle fiscal ou d'un refus de communication en vue de justifier la régularité d'une évaluation d'office prévue dans ce cas par l'article L 74 du Livre des procédures fiscales (cf. 13 L 154 et 13 O 1212, n° 19 ) ;

18- lorsque l'Administration demande la compensation entre un dégrèvement reconnu justifié et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul des impositions contestées (LPF, art. L 80) ;

19- lorsqu'en cas de contestation des pénalités fiscales, l'administration doit établir la mauvaise foi ou les manoeuvres frauduleuses (LPF, art. L 195 A ) ;

20- dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire, sous les conditions définies n°s 21 et suiv.

* Procédure de redressement contradictoire

La charge de la preuve s'apprécie dans les conditions suivantes.

21Aux termes de l'article L 192 du LPF, lorsque l'une des commissions visées à l'article L 59 s'est régulièrement prononcée sur le redressement ou le litige dont elle a été saisie, l'Administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation contre l'imposition correspondante, quel que soit l'avis rendu par cet organisme 5 .

22Toutefois, lorsque la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a été saisie du litige, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque l'imposition est établie conformément à l'avis de cette commission et que la comptabilité comporte de graves irrégularités (cf. 13 M 2622).

La preuve reste dès lors à la charge de l'administration lorsque la comptabilité présentée est régulière ou que la comptabilité présentée étant gravement irrégulière, l'avis de la commission n'a pas été suivi.

La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge.

De même, lorsque le service invoque le fait que le contribuable n'a pas présenté de comptabilité, il lui appartient de prouver ces affirmations.

23Lorsque la commission départementale de conciliation a été saisie du litige, la charge de la preuve incombe à l'administration, quel que soit le sens de l'avis rendu.

24L'absence d'avis, ou son irrégularité, n'a pas pour effet de vicier la procédure d'imposition. Elle a pour conséquence de laisser le litige en l'état où il serait resté sans l'intervention de la commission, c'est-à-dire de faire supporter, en cas de recours contentieux, la charge de la preuve du bien-fondé des impositions correspondantes à l'Administration (cf. 13 M 2622 n° 11 et 13 M 362).

Il en est d'ailleurs ainsi, que l'on se place avant ou après la publication de la loi du 8 juillet 1987, de même que dans les situations visées ci-dessous :

25- lorsque l'appréciation donnée par l'une où l'autre des commissions départementales susvisées est entachée d'irrégularité, soit que cette commission n'ait pas été régulièrement constituée, soit que ses règles de fonctionnement n'aient pas été observées, etc. D'une manière générale, seuls les vices de forme ou de procédure, à l'exclusion des erreurs de fait, d'appréciation ou de raisonnement, peuvent être utilement invoqués pour faire obstacle aux conséquences que la loi attache, quant à la charge de la preuve, à la consultation de la commission ; cf. également arrêts du 15 octobre 1980, n° 12519, du 10 juillet 1981, n° 28325) ;

26- lorsque l'imposition contestée a été établie après que la commission compétente, saisie du désaccord existant entre l'Administration et le contribuable, ait refusé de donner son avis (CE, arrêt du 11 juin 1982, n° 16187) ;

27- lorsque, le service s'étant abstenu de prendre l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou de la commission départementale de conciliation ou dans les matières non susceptibles de donner lieu à l'intervention de l'une ou l'autre des commissions départementales susvisées, l'imposition a été établie malgré les observations présentées par le contribuable dans le délai de trente jours qui lui a été imparti au cours de la procédure de redressement contradictoire (LPF, art. R* 57-1 ; CE, arrêt du 16 avril 1982, n° 29498).

* Impositions établies d'office

(Voir également pour plus de précisions 13 O 1212)

28Lorsque les impositions contestées sont établies d'office, l'administration n'a pas à établir le bien-fondé de ces impositions (c'est le contribuable qui supporte la charge de la preuve, cf. n° 2 ), mais elle reste tenue de justifier que la procédure employée était bien applicable et que celle-ci a été régulièrement mise en oeuvre.

Devant le juge de l'impôt, le service doit notamment être en mesure :

- d'apporter la preuve que le contribuable était bien dans la situation d'être imposé d'office et que la mise en demeure et la notification prévues par la loi, le cas échéant, ont bien été effectuées ;

- d'établir l'existence d'une opposition à contrôle fiscal en vue de justifier la régularité de la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L 74 du LPF ;

- de justifier que les bases d'imposition ont été fixées à des montants qui se situent dans la limite des présomptions susceptibles d'être tirées des renseignements recueillis.


  C. PREUVE À LA CHARGE DES DEUX PARTIES


29Il existe de nombreuses situations où le problème de la preuve doit être décomposé, l'une des parties ayant la charge de la preuve sur certains points et la seconde sur d'autres ; il y a donc lieu de bien analyser chaque affaire avant de se prononcer en la matière.

30Exemples.

• Lorsque le litige porte à la fois sur la nature des biens compris dans une cession et sur l'évaluation du profit imposable résultant de cette cession.

La charge de la preuve peut incomber à l'une des parties sur le premier point (nature des biens) et à l'autre partie sur le second (évaluation du profit) [cf. notamment CE, arrêt du 26 mai 1976, n° 98898].

• Lorsque le contribuable conteste le montant d'un redressement en invoquant des faits peu plausibles.

Le contribuable doit prouver la réalité des faits qu'il invoque même si la charge de la preuve du bien-fondé du redressement incombe en principe à l'Administration (CE, arrêt du 18 juillet 1973, n° 79340) 6 .

• Lorsque l'Administration a établi l'existence d'un revenu imposable, il appartient au contribuable, taxé à ce titre, de prouver la réalité des dépenses qu'il invoque en vue de l'acquisition ou de la conservation de ce revenu (CE, arrêts des 23 avril 1975, n° 92923 et 1er octobre 1975, n° 95437).

• Lorsque l'Administration a fixé d'office une base d'imposition, elle doit démontrer qu'elle était fondée à le faire et qu'elle n'a pas tiré de conclusion excessive des renseignements recueillis ; lorsque cette preuve préalable a été apportée, le contribuable a lui-même la charge de prouver l'exagération de la base retenue.

 

1   En ce sens, cf. notamment arrêt du Conseil d'État du 26 juin 1982, n° 25426.

2   Par exemple, si le bénéficiaire d'une pension alimentaire se trouve effectivement dans l'impossibilité de subvenir par son travail aux nécessités de l'existence.

3   Dispositions applicables lorsque l'avis de la commission est postérieur à la publication de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 (JO du 9 juillet, page 7470).

4   Toutefois, en ce qui concerne l'impôt de solidarité sur la fortune, il appartient au contribuable présumé de faire la preuve qu'il n'a pas à souscrire de déclaration.

5   Dispositions applicables lorsque l'avis de la commission est postérieur à la publication de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 (JO du 9 juillet, page 7470).

6   En principe, dans tout litige, la charge de la preuve incombe à celui qui plaide contre la vraisemblance ou plutôt les présomptions découlant soit des circonstances propres à l'espèce, soit de ce que le droit commercial appelle les « usages loyaux et constants » (conclusions de M. le commissaire du Gouvernement Delmas-Marsalet sous l'arrêt susvisé).