SECTION 2 AUTRES DOCUMENTS ADMINISTRATIFS
SECTION 2
Autres documents administratifs
A. PRINCIPES GÉNÉRAUX
1La loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (titre 1er) modifiée par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal permet à toute personne de demander à l'administration communication des documents administratifs qu'elle détient, quelle que soit la forme de ces documents.
I. La notion de document administratif
1. Document non nominatif.
2Aux termes de l'article 1er de la loi précitée, « le droit de toute personne à l'information est garanti par la liberté d'accès aux documents administratifs de caractère non nominatif ».
Tous les documents détenus par l'administration, quelle que soit leur origine, ont en principe un caractère administratif dès lors que, par leur nature, leur objet ou leur utilisation, ils se rattachent à l'exécution d'une activité de service public.
La loi elle-même comporte une énumération non limitative des documents non nominatifs que les administrations doivent communiquer. Il s'agit de « tous dossiers, rapports, études, comptes-rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives, avis, à l'exception des avis du Conseil d'État, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs, prévisions et décisions ».
3En revanche, n'ont pas le caractère de document administratif les documents qui présentent un caractère juridictionnel ou tout simplement qui ne relèvent pas d'une activité de service public.
Parmi les documents à caractère juridictionnel, figurent les jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou par celles de l'ordre administratif (CE, 27 juillet 1984, Association SOS Défense, pour les juridictions judiciaires ou CE, 27 février1987, Association SOS Défense, pour les juridictions administratives).
De la même façon, ne sont pas administratifs et n'entrent donc pas dans le champ d'application de la loi du 17 juillet 1978, les documents et pièces établis pour les besoins et au cours d'une procédure juridictionnelle aboutissant à l'une des décisions susmentionnées. Il en va ainsi, par exemple, des décisions du Parquet, des dossiers d'instruction, d'une demande d'aide judiciaire, des procès-verbaux d'audition ou du rapport établi en exécution d'une expertise ordonnée par un tribunal, c'est-à-dire l'ensemble des pièces de procédure.
Ne relèvent pas d'une activité de service public, notamment, les actes et les opérations réalisés par une commune dans le cadre de la gestion des biens distincts d'une section de commune qu'elle possède à titre permanent et exclusif. Les documents relatifs à cette gestion ne constituent pas des documents administratifs au sens de la loi du 17 juillet 1978.
2. Document nominatif.
4Les personnes qui le demandent ont droit à la communication par les administrations intéressées des documents de caractère nominatif les concernant, sans que des motifs tirés, notamment, du secret de la vie privée, ou du secret en matière industrielle ou commerciale portant exclusivement sur des faits qui leur sont personnels, puissent leur être opposés (article 6 bis de la loi du 17 juillet 1978 précitée).
5Tout document administratif peut faire apparaître un nom dans la signature, le titre ou une citation. Une acception trop restrictive du terme « nominatif » aurait vidé la loi du 17 juillet 1978 de son contenu concret. Aussi la Commission d'accès aux documents administratifs a-t-elle retenu une définition et des critères d'application qui respectent l'intention du législateur et ne retranchent rien à l'exercice du droit ouvert par cette loi.
Selon la doctrine de la Commission et la jurisprudence, est nominatif le document qui porte une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne nommément désignée. Dans ce cas, le document est communicable uniquement à cette personne en vertu de l'article 6 bis de la loi. Les tiers ne peuvent y accéder.
Sont notamment considérés comme nominatifs :
- le dossier fiscal d'un contribuable ;
- les documents relatifs à la vérification fiscale d'un contribuable ;
- le rapport établi à l'issue d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle.
II. Un droit d'accès largement entendu
6Le droit d'accès aux documents administratifs est, en principe, reconnu à toute personne (physique ou morale) sans aucune condition quels que soient sa nationalité, sa qualité et ses intérêts à agir.
Chacun peut avoir accès aux documents détenus par l'administration dès lors qu'ils ne mettent personne en cause (document non nominatifs).
L'exercice du droit de communication de documents nominatifs est, en revanche, réservé à la seule personne concernée. Le respect de ce principe n'exclut pas l'intervention d'un tiers à condition qu'un titre permette à ce dernier d'agir aux lieu et place de cette personne.
Toutefois, l'obligation de communication qui pèse sur l'administration vise uniquement un document identifiable, en possession de l'administration et existant dans sa version définitive.
1. Un document identifiable et en possession de l'administration.
7L'article 4 de la loi du 17 juillet 1978 impose à l'administration de donner aux personnes qui en font la demande connaissance et, le cas échéant, copie des documents administratifs que désignent ces personnes.
Toutefois la demande doit être claire, précise et porter sur un document existant.
En effet, cette loi n'a pas pour objet de contraindre le service à établir un document qui n'existe pas ou qui n'existe pas sous la forme demandée, à faire des travaux de synthèse ou à dépouiller des états à la demande de particuliers (par exemple : établissement d'un bordereau de transmission ou certification conforme des pièces communiquées).
La loi du 17 juillet 1978 n'a pas, par ailleurs, pour effet de charger le service compétent d'effectuer des recherches en vue de fournir au demandeur une documentation sur un sujet donné. La Commission d'accès aux documents administratifs a ainsi déclaré irrecevable une demande de communication des textes régissant les modalités de calcul de la taxe professionnelle après avoir observé que ces textes avaient fait l'objet d'une publication.
8En outre, l'article 9 de la loi et le décret du 22 septembre 1979 pris pour son application déterminent les conditions dans lesquelles les documents administratifs sont publiés ou « signalisés » en vue de permettre aux administrés d'identifier ceux d'entre eux qui les intéressent et d'en demander, s'ils le désirent, la communication.
Si le document demandé a été publié, les services ne sont pas tenus d'en délivrer copie. L'obligation de communication est satisfaite dès lors qu'est indiquée la référence permettant de retrouver le document au Journal Officiel ou dans le bulletin administratif où il a été publié.
Pour satisfaire aux exigences de la loi, l'administration fiscale publie l'essentiel de ses instructions dans l'édition publique de son bulletin officiel (BOI - série blanche). Figurent également au nombre des ouvrages régulièrement publiés et mis en vente : la documentation de base, le précis de fiscalité, le code général des impôts (CGI), ses annexes et le livre des procédures fiscales (LPF).
2. Un document existant dans sa version définitive.
9La loi n'impose aucune condition de forme matérielle : tout document revêtant la forme d'écrits, d'enregistrements ou d'informations automatisées doit être communiqué.
10Si la forme d'un document administratif n'importe pas, celui-ci doit cependant, pour être communicable, avoir acquis sa version définitive.
La Commission d'accès aux documents administratifs a estimé qu'il n'est pas possible de communiquer les ébauches, les esquisses, les notes encore informelles, les comptes rendus d'échanges de vue. Cette position a, au demeurant, été confirmée par le juge administratif. Ces « ébauches » ne méritent pas le nom de documents car, par définition, ils ne sont pas achevés.
Deux exemples peuvent être donnés pour illustrer, au sein de l'administration fiscale, la notion de document « inachevé » :
-les notes provisoires prises par un agent au cours d'une vérification ne sont pas communicables : elles n'ont pas le caractère d'un document entrant dans le champ d'application de la loi du 17 juillet 1978 (CE, n° 98429 du 28 septembre 1990, M. X... ) ;
- la feuille d'instruction rédigée par un agent du service à la suite de la réclamation d'un contribuable et destinée à l'autorité administrative qui doit statuer sur cette réclamation ne peut, quelle qu'ait été la suite donnée à ladite réclamation, être regardée comme un document achevé communicable à l'intéressé (CE n° 108074 du 26 avril 1993, Ministre du Budget / SA Le Charles). Seule la décision prise par le Directeur des Services fiscaux constitue le document définitif communicable, les solutions intermédiaires qui lui sont soumises demeurent des documents inachevés n'entrant pas dans le champ d'application de la loi du 17 juillet 1978.
11La notion de « document préparatoire » est différente de la notion précédente. Il s'agit d'un véritable document administratif au sens de la loi du 17 juillet 1978 mais dont l'élaboration s'inscrit dans un processus de décision non encore abouti et n'en constitue qu'une étape.
La Commission n'exclut pas par principe les documents préparatoires du champ de la communication mais en diffère la communication dans le temps en la subordonnant à l'intervention de la décision qu'ils préparent.
Par exemple, le rapport d'évaluation établi par le service des Domaines, à la demande du maire d'une commune préalablement à l'exercice de son droit de préemption, est un document administratif. Toutefois, ce rapport, élément essentiel de la négociation pour la collectivité, constitue un document préparatoire non communicable tant que la décision définitive concernant l'opération n'est pas arrêtée. Une fois celle-ci intervenue, aucun obstacle ne s'oppose à la communication.
Par ailleurs, un rapport de vérification est considéré comme préparatoire dès lors que les redressements n'ont pas encore été mis en recouvrement, en attente, notamment, de la réunion de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou de la décision prise par l'interlocuteur départemental dans le cadre d'un recours hiérarchique.
12En résumé, la communication d'un document inachevé est prohibée tandis que celle d'un document préparatoire est simplement reportée.
III. Des exceptions limitées
13La loi du 17 juillet 1978 a fait du droit d'accès la règle et du secret l'exception. Elle a donc énuméré, dans son article 6, les catégories de documents qui ne peuvent être communiqués :
« Les administrations mentionnées à l'article 2 peuvent refuser de laisser consulter ou de communiquer un document administratif dont la consultation ou la communication porterait atteinte :
(1) - au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ;
(2) - au secret de défense nationale, de la politique extérieure ;
(3) - à la monnaie et au crédit public, à la sûreté de l'État et à la sécurité publique ;
(4) - au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente ;
(5) - au secret de la vie privée, des dossiers personnels et médicaux ;
(6) - au secret en matière commerciale et industrielle ;
(7) - à la recherche, par les services compétents, des infractions fiscales et douanières ».
14En matière fiscale, la jurisprudence progressivement élaborée s'est notamment efforcée de concilier deux exigences a priori contradictoires :
- d'un côté, garantir le principe, affirmé par la loi, du libre accès des administrés aux documents administratifs et, plus généralement, la prise en compte de l'impératif de transparence qui a inspiré le législateur ;
- de l'autre, tenir compte de la spécificité de cette mission de service public et du souci de ne pas nuire, eu égard à l'enjeu, à l'efficacité du contrôle fiscal.
15Les motifs les plus souvent avancés par l'administration fiscale dans ses refus de communication de document sont le secret de la vie privée, secret étroitement lié au demeurant au secret professionnel (art. L. 103 du LPF), et l'atteinte à la recherche des infractions fiscales et douanières. Ce dernier motif est régulièrement jugé recevable pour un rapport de vérification (ou partie de ce rapport) qui expose les moyens mis en oeuvre au cours de la vérification ou les critères retenus par l'administration pour sélectionner le dossier du contribuable vérifié.
Par ailleurs, le seul fait qu'une procédure soit en cours devant un tribunal administratif ne suffit pas à priver le particulier du droit d'accès aux documents qui l'intéressent dans son dossier fiscal. Le texte exige, dans son alinéa 4, que la communication des documents porte effectivement atteinte au déroulement de la procédure ou à des opérations préliminaires à ladite procédure. L'administration fiscale ne peut donc pas utilement invoquer cet alinéa pour refuser, par exemple, la communication d'un dossier 2004 alors même que le demandeur a introduit un recours devant un tribunal administratif.
Seuls les documents couverts expressément par un secret ou protégés par une loi ne sont pas communicables.
IV. Le droit d'accès reconnu par le titre 1er de la loi du 17 juillet 1978 n'est pas exclusif d'autres procédures qui prévoient, organisent, voire imposent la communication d'informations par la DGI
16Pour l'essentiel, la communication des documents de caractère fiscal obéit aux règles générales issues de la loi du 17 juillet 1978. Toutefois, celle-ci n'a pas remis en cause les modalités spécifiques de communication qui préexistaient. De même, elle n'interdit pas la définition de nouvelles procédures. Par ailleurs, son régime reste sans incidence sur les procédures d'imposition et de redressement.
1. La loi du 17 juillet 1978 (titre 1) ne se substitue pas aux procédures spéciales organisant l'accès à certaines catégories de documents.
17Selon la jurisprudence, les dispositions de la loi du 17 juillet 1998 ne sont pas applicables lorsqu'une procédure spéciale existe, soit qu'il s'agisse d'une exception prévue par les auteurs de la loi eux-mêmes (cas des fichiers nominatifs), soit qu'elle résulte d'un autre texte.
Dès lors qu'est organisée une procédure particulière de communication de documents, celle-ci s'applique normalement.
Ainsi, le secret prévu par l'article 26 de la convention fiscale franco-américaine (de 1967, modifiée en 1984), relatif aux échanges de renseignements entre les administrations fiscales française et américaine, s'oppose à la divulgation au contribuable par l'administration française des renseignements le concernant qu'elle a obtenus de son homologue américain. D'une manière générale, le Conseil d'État estime que la loi du 17 juillet 1978 est inapplicable à une situation régie par les dispositions d'une convention internationale (CE du 5 mars 1993, n° 105069, 9° et 8° s.-s., X... ).
18Par ailleurs, l'accès aux documents détenus par les Conservations des Hypothèques s'exerce dans le cadre de la procédure de réquisition organisée par les articles 2196 et suivants du Code civil et dans les conditions fixées par l'article 39 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 modifié. La consultation ou la communication de ces documents n'entre donc pas dans le champ d'application de la loi du 17 juillet 1978.
De même :
- l'accès aux extraits d'actes soumis à la formalité de l'enregistrement est régi, non par la loi du 17 juillet 1978, mais par certains articles du livre des procédures fiscales, notamment, l'article L. 106 ;
- le droit d'obtenir la communication, des documents établis par le cadastre dans le cadre de ses missions foncière et technique découle du principe de la libre communication des documents cadastraux en vigueur depuis la loi du 7 Messidor an II (CE, 12 juillet 1995, n° 119734, X... ) ;
- la communication de documents ou d'informations concernant les personnels de la DGI est prévue par les textes statutaires, généraux ou particuliers (ex. : notation, procédure disciplinaire).