Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3392
Références du document :  13E3392

SOUS-SECTION 2 DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE POURVOI. CONDITIONS

SOUS-SECTION 2

Décisions susceptibles de pourvoi. Conditions

  A. DECISIONS SUSCEPTIBLES DE POURVOI

(Code de Proc. pén., art. 567 et suiv.)

1Le pourvoi en cassation est possible uniquement contre les décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort en cas de violation de la loi.

La juridiction d'instruction ou de jugement visée par le pourvoi doit être soumise au contrôle de la chambre criminelle, par exemple : chambre d'accusation, cour d'appel statuant comme juge d'appel à l'égard des tribunaux correctionnels et des tribunaux pour enfants.

Le pourvoi doit être dirigé contre une décision :

- présentant le caractère juridictionnel ;

- rendue en dernier ressort ;

- et remplissant les conditions fixées par les articles 570, 574, 575 du Code de Procédure pénale.

  I. Notion de décision

2Le pourvoi dans l'intérêt des parties doit être formé à l'égard d'une décision, c'est-à-dire contre la partie de l'arrêt ou du jugement qui a pour objet et pour effet de produire certaines conséquences.

Ne sont donc pas susceptibles de pourvoi :

- les motifs d'un arrêt, car le dispositif seul constitue la décision (Cass. crim., 23 février 1944, Bull. crim. 56, p. 82. Voir également E 3396, n° 26 ) ;

- le simple « donné acte », sans influence et sans conséquence au point de vue juridique (Cass. crim., 25 février 1959, Bull. crim. 128, p. 255).

  II. Caractère juridictionnel

3La décision attaquée doit intervenir pour dire le droit, dans une contestation et à propos d'un intérêt litigieux.

Aussi la décision désignant (ou dessaisissant) le juge d'instruction est une formalité d'ordre administratif non susceptible de pourvoi (Cass. crim., 5 mai 1960, Bull. crim. 246, p. 511, rapp. Pompéi).

Par contre tout arrêt qui concourt à résoudre la contestation est en principe susceptible de pourvoi. Il en est ainsi :

- d'un arrêt appréciant l'opportunité d'une expertise (Cass. crim., 14 avril 1934, DH 1934, 286) ;

- d'un arrêt ordonnant une mesure d'instruction (dans des conditions illégales) [Cass. crim., 28 février 1957, Bull. crim. 211, p. 361].

  III. Arrêts et jugements rendus en dernier ressort

4Le pourvoi en cassation sanctionne uniquement la violation de la loi sans conférer, comme cela a déjà été précisé, à la Cour de cassation le caractère d'un troisième degré de juridiction. C'est pourquoi il doit viser seulement une décision rendue en demier ressort, lorsqu'il est impossible d'utiliser une voie de recours ordinaire (appel ou opposition), soit parce que la loi ne la prévoit pas, soit parce que cette voie a été déjà employée.

En conséquence. le pourvoi en cassation ne peut pas viser des décisions contre lesquelles,un recours ordinaire demeure ouvert (appel ou opposition) sans qu'il y ait lieu de rechercher si cette voie a été ou non utilisée.

5Les jugements contradictoires rendus par les tribunaux de grande instance, en matière correctionnelle, toujours susceptibles d'appel, quel que soit leur contenu, ne peuvent donc donner lieu à un pourvoi en cassation (Cass. crim., 9 février 1960, Bull. crim. 73, p. 149).

En s'abstenant d'user de cette voie de recours la partie a, en quelque sorte, acquiescé à la décision ; elle ne saurait donc ensuite l'attaquer par voie extraordinaire.

A noter que les décisions interprétatives ont la même nature et sont soumises aux mêmes voies de recours que les décisions soumises à interprétation (Cass. crim., 21 novembre 1951, Bull. crim. 311, p. 523).

6Dans le cas des arrêts de la cour d'appel rendus par défaut, la seule voie de recours ordinaire possible est l'opposition. Tant que court le délai d'opposition, l'arrêt n'est pas rendu en dernier ressort et le pourvoi est impossible (Cass. crim., 2 janvier 1959, Bull. crim. 2, p. 3 ; Cass. crim., 3 mars 1960, Bull. crim. 136, p. 28 ; Cass. crim., 15 juin 1962, Bull. crim. 220, p. 452).

Lorsqu'un arrêt de la cour d'appel rendu par défaut n'est pas frappé d'opposition dans le délai légal, la décision n'étant plus désormais susceptible d'une voie de recours ordinaire, un pourvoi peut être introduit.

Toutefois, est irrecevable le pourvoi formé contre un arrêt rendu par défaut et non signifié, même si le demandeur du pourvoi a déclaré renoncer à son droit de former opposition, une telle renonciation étant inopérante (TGI Cassation II, Décisions susceptibles de pourvoi ; Cass. crim., 25 juin 1925, BCI 16).

Il a été également jugé :

- que, lorsqu'un arrêt a statué contradictoirement à l'égard d'un prévenu et par défaut envers un autre, le pourvoi formé avant l'expiration du délai d'opposition est irrecevable en ce qui concerne le contrevenant condamné par défaut (TGI Cassation II, Décisions susceptibles de pourvoi n° 17 ; Cass. crim., 28 avril 1938, BCI 13 ; Cass. crim., 20 Octobre 1937, BCI 24) ;

- qu'est irrecevable, en tant qu'il concerne les condamnations fiscales prononcées pour ouverture d'un débit de boissons, le pourvoi formé par un contrevenant, dès lors que ces condamnations avaient acquis l'autorité de la chose jugée au moment du prononcé de l'arrêt attaqué par suite, d'une part, de l'absence d'appel du prévenu et, d'autre part, de la conclusion d'une transaction définitive entre « l'Administration » et l'intéressé (TGI, Cassation II, Décisions susceptibles de pourvoi n° 22 ; Cass. crim., 4 mars 1942, BCI 1944, 1) ;

- que lorsqu'un prévenu a été acquitté par un arrêt rendu par défaut et qu'il n'a ainsi aucun intérêt à former une opposition qui ne serait pas recevable, il s'ensuit que le droit de se pourvoir en cassation est ouvert à l'Administration à partir du prononcé de cet arrêt (TGI Cassation II, Décisions susceptibles de pourvoi n° 30 ; Cass., crim., 28 juillet 1949, BCI 23 ; TGI, Cassation II, Décisions susceptibles de pourvoi n° 36 ; Cass. crim., 2 février 1954, RJCI 5 p. 15).

L'arrêt d'une chambre d'accusation, non susceptible d'une voie de recours ordinaire, est rendu en dernier ressort, et peut, en principe, faire l'objet d'un pourvoi en cassation (cf. E 3392, n° 13 ).

  IV. Décisions contre lesquelles le pourvoi est de droit immédiatement recevable

(Code de Proc. pén., art. 570, 1er al.)

1. Décisions statuant sur le fond

7Il s'agit :

- d'une part de celles qui apportent une solution totale ou partielle à la contestation : condamnation ou acquittement sur l'ensemble ou certains chefs d'infraction ;

- d'autre part, celles qui, sans terminer le procès, en fixent d'une manière irrévocable certains éléments qui serviront de base à la décision définitive : culpabilité du prévenu, demande fondée de la partie civile (TGI Cassation II, Décisions susceptibles de pourvoi n° 28 ; Cass. crim., 10 janvier 1947, Bull. crim. 13 ; Cass. crim., 6 novembre 1957, Bull. crim. 711, p. 1286 ; Cass. crim., 21 novembre 1968, RJCI 1re partie, p. 104).

8En revanche, ne constituent pas des décisions sur le fond, les arrêts statuant seulement sur :

- des mesures d'instruction (expertise, enquête, complément d'information) ; [Cass. crim., 23 novembre 1960, Bull. crim. 589, p. 1087 ; Cass. crim., 28 juillet 1964, Bull. crim. 244, p. 522] ;

- des incidents de procédure (Cass. crim., 4 avril 1960, Bull. crim. 200, p. 419) ;

- des exceptions de prescription ou de compétence, [Cass. crim, 11 janvier 1961, Bull. crim. 19, p. 35 ; Cass. crim., 21 février 1961, Bull. crim. 107, p. 207, (prescription ) ; Cass. crim., 11 mai 1954, Bull. crim. 170, p. 270, (incompétence)] ;

- des questions préjudicielles, dès lors que ces décisions ne dessaisissent pas le juge du pouvoir de statuer, soit sur l'action publique, soit sur l'action civile.

2. Décisions qui, sans statuer sur le fond, mettent fin à la procédure

9Il s'agit des décisions suivantes :

- incompétence de la juridiction saisie (Cass. crim., 6 mars 1957, Bull. crim. 288, p. 400 ; Cass. crim., 15 mai 1968, Bull. crim. 90, p. 216) ;

- exception tirée de la prescription (Cass. crim., 25 avril 1960, Bull. crim. 473, p. 947 ; Cass. crim., 8 décembre 1965, Bull. crim. 270, p. 609 ; Cass. crim., 14 mars 1968, Bull. crim. 90,.p. 216) ;

- irrecevabilité de la partie civile (Cass. crim., 3 janvier 1963, Bull. crim. 58, p. 116 ; Cass. crim., 18 décembre 1968, Bull. crim. 351, p. 843).

  V. Décisions contre lesquelles le pourvoi n'est recevable immédiatement que sur ordonnance du président de la chambre criminelle

(Code de Proc. pén., art. 570 et 571)

10Si un pourvoi a été formé contre une décision ne statuant pas sur le fond et ne mettant pas fin à la procédure - donc contre un arrêt « distinct de l'arrêt sur le fond » [« d'avant dire droit » 1 ] - le demandeur au pourvoi peut adresser une requête au président de la chambre criminelle qui examine si le pourvoi est recevable immédiatement. D'autre part, si le président constate qu'une décision a été considérée à tort par la partie Intéressée comme mettant fin à la procédure, il apprécie d'office si le pourvoi doit être déclaré recevable immédiatement, dans l'intérêt de l'ordre public ou d'une bonne administration de la justice.

Le Code d'Instruction criminelle prévoyait que le pourvoi en cassation contre les jugements et arrêts « avant dire droit » était ouvert seulement après décision sur le fond.

Toutefois, la jurisprudence ancienne permet de connaître, le cas échéant, si un pourvoi peut donner lieu à la requête susvisée.

11Relèvent de cette procédure les arrêts :

1° Rejetant une demande en nullité d'une expertise (Cass. crim., 22 juillet 1964, Bull. crim. 244, p. 522) ;

2° Ordonnant une expertise (TGI Procès-verbal n° 141, Cass. crim., 2 octobre 1940. BCI 1941.1 ; Cass. crim., 23 novembre 1960, Bull. crim. 539, p.1057) ;

3° Statuant sur un incident de procédure (Cass. crim., 4 avril 1960, Bull. crim. 200, p.449) ;

4° Ordonnant « une enquête pour permettre au prévenu de débattre le procès-verbal par des preuves contraires » sans statuer sur aucun des chefs de la prévention (TGI, Cassation II, Décisions susceptibles de pourvoi n° 19 ; Cass. crim., 15 mars 1939, Bull. crim. 57, BCI 11) ;

5° Ordonnant un complément d'information (TGI, Cassation II, Décisions susceptibles de pourvoi n° 29 ; Cass. crim., 27 novembre 1947, Bull. crim. 228) ;

6° Statuant sur l'action publique et renvoyant à une date ultérieure le jugement de l'action civile (TGI Cassation II, Décisions susceptibles de pourvoi n° 31 ; Cass. crim., 18 janvier 1951, Bull. crim. 24) ;

7° Rejetant l'exception de prescription s'il s'agit d'un arrêt distinct sur le fond (Cass. crim., ordonnance du président du 5 février 1968 ; RJ 2e partie, p. 29).

12Cette procédure est également applicable aux pourvois formés contre les arrêts préparatoires, interlocutoires ou d'instruction rendus par les chambres d'accusation (Code de Proc. pén., art. 571, dernier al.).

A cet égard il a été jugé que rentre dans la classe des arrêts d'instruction visés par la disposition finale de l'article 571 du Code de Procédure pénale, la décision d'une chambre d'accusation confirmant une ordonnance du juge d'instruction rejetant la demande en restitution de vins saisis, introduite par des contrevenants inculpés d'infractions fiscales en matière de sucrage et de fraude sur les vins.

Dès lors, faute du dépôt de la requête prévue par les articles 570 et 571 du code précité, le pourvoi formé contre une telle décision doit être déclaré non recevable en l'état (Cass. crim. 27 mai 1964, RJCI 13, p.44).

  VI. Arrêts des chambres d'accusation

(Code de Proc. pén., art. 574 et 575)

13L'arrêt d'une chambre d'accusation étant rendu en dernier ressort peut faire, en principe, l'objet d'un pourvoi, souvent suivant des conditions spéciales.

Toutefois, l'arrêt de non-lieu ne peut être attaqué par le prévenu (défaut d'intérêt).

L'arrêt attaqué qui a renvoyé le demandeur des fins de la poursuite n'a pu lui causer aucun préjudice..., il est sans intérêt à se pourvoir contre cette décision de relaxe (Cass. crim., 23 novembre 1913, Bull. crim. 518, p.985).

L'arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel peut être toutefois attaqué devant la Cour de cassation mais exclusivement dans les cas visés par l'article 574 du Code de Procédure pénale c'est-à-dire dans les cas déterminés par la loi 2 .

1. Compétence

14L'arrêt statue sur la compétence, d'office ou sur déclinatoire des parties (ci-après, Cass., crim., 9 novembre 1955).

2. Dispositions définitives

15L'arrêt contient des dispositions définitives que le juge du fond ne peut pas modifier.

La règle de l'article 574 du Code de Procédure pénale (ex. CIC, art. 416, al. 3) souffre exception et le pourvoi est irrecevable lorsque l'arrêt ne tranche pas de question de compétence, ne contient aucune disposition définitive sur les qualifications par lui retenues, et laisse entiers les droits du demandeur devant le tribunal de renvoi (Cass. crim., 9 novembre 1955, D. 1956-82).

Par contre, cette voie de recours est utilisable lorsque le prévenu est renvoyé devant la juridiction correctionnelle sur le seul appel de la partie civile contre une ordonnance de non-lieu. Ainsi, il a été jugé qu'est définitif et lie le juge du fond et est donc susceptible de pourvoi en cassation, l'arrêt de renvoi rendu sur le seul appel de la partie civile contre l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction (Cass. crim., 18 avril 1956 D. 1956, 560 ; Cass. crim., 7 février 1956 D. 1956, Som. 125 ; Cass. crim, 31 mai 1961. Bull. crim. 279. p. 534 ; Cass. crim., 28 janvier 1964, Bull. crim. 29, p. 66 ; Cass. crim., 16 février 1965, Bull. crim. 49, p. 108. Voir aussi : Cass. crim., 22 décembre 1972, Bull. crim. 404 JCP 1973, IV, 6 ; Cass. crim., 13 décembre 1973, Bull. crim. 465 ; Cass. crim., 25 mai 1976, JCP 1976, IV, 236 ; Cass. crim., 20 janvier1977 D 1977, inf. rap., p. 160).

3. La partie civile

(Code de Proc. pén., art. 575)

16La partie civile ne peut se pourvoir en cassation contre les arrêts de la chambre d'accusation que s'il y a pourvoi du ministère public.

Toutefois son seul pourvoi est recevable dans les sept cas suivants, lorsque l'arrêt de chambre d'accusation :

- dit n'y avoir lieu à informer ;

- déclare l'action de la partie civile irrecevable ;

- admet une exception qui met fin à l'action publique ;

- prononce d'office ou sur déclinatoire des parties l'incompétence de la juridiction saisie ;

- omet de statuer sur le chef d'inculpation ;

- ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;

- en matière d'atteinte aux droits individuels telles que définies aux articles 114 à 122 et 341 à 344 du Code pénal.

1   Le Code de Procédure pénale n'emploie plus cette expression.

2   En effet le principe est l'irrecevabilité du pourvoi.