Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3373
Références du document :  13E3373

SOUS-SECTION 3 DÉCISIONS SUSCEPTIBLES D'OPPOSITION CONDITIONS

SOUS-SECTION 3

Décisions susceptibles d'opposition
Conditions

Seules, les décisions rendues par défaut à l'exclusion des jugements contradictoires et des jugements de relaxe pure et simple sont susceptibles d'opposition.

En outre, un certain nombre de conditions doivent être réunies ; il est notamment nécessaire que la sentence porte atteinte aux intérêts du défaillant et que ce dernier n'ait pas interjeté appel.

  A. NÉCESSITÉ D'UN JUGEMENT PAR DEFAUT

1Jusqu'à l'intervention du décret-loi du 8 août 1935, il existait deux sortes de défauts :

- le défaut " faute de comparaître " lorsque le prévenu ne comparaissait pas et ne se faisait pas représenter ;

- le défaut " faute de conclure " lorsque le prévenu comparaissait mais refusait ou s'abstenait de se défendre.

Cette seconde sorte de défaut a été supprimée par l'article 1er du décret-loi susvisé.

Désormais, il n'existe plus que le défaut « faute de connaître » visé à l'article 487 du Code de Procédure pénale.

  I. Jugement par défaut

2L'article 487 du Code de Procédure pénale dispose que, sauf les cas prévus par les articles 410, 411, 414, 415, 416 et 424, toute personne régulièrement citée qui ne comparaît pas au jour et à l'heure fixés par la citation est jugée par défaut ainsi qu'il est dit à l'article 412 du même code.

Il en est ainsi lorsque la citation n'a pas été délivrée à la personne du prévenu et s'il n'est pas établi qu'il ait eu connaissance de cette citation.

Le prévenu est réputé avoir eu connaissance de la citation :

- lorsqu'il a reçu la lettre recommandée prévue par les articles 557 et 558 du Code de Procédure pénale ;

- lorsqu'il a été effectivement retrouvé par l'officier de police judiciaire requis par le procureur de la République en application des dispositions de l'article 560 du Code de Procédure pénale.

3Tout jugement ou arrêt doit, à peine de nullité, énoncer les constatations qui permettent de décider s'il est contradictoire ou par défaut.

Dès lors, doit être cassé l'arrêt portant qu'il a été rendu contradictoirement, après avoir relevé que les prévenus étaient défaillants à l'audience à laquelle l'affaire a été instruite, débattue et jugée. Au regard de ces seules énonciations et alors qu'il n'appert de l'arrêt, ni si les prévenus ont été cités à personne, ni s'ils ont demandé à être jugés en leur absence, ni s'ils ont eu connaissance de la citation, la Cour de cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si l'arrêt est contradictoire ou par défaut (Cass. crim., 28 octobre 1971, RJ, I, p. 55).

4Lorsque la non-comparution ou les faits qui y équivalent légalement sont constatés par un arrêt, cet arrêt est par défaut, quand même la Cour n'aurait pas déclaré donner défaut et ledit arrêt peut être attaqué par la voie de l'opposition (Cass. crim., 25 novembre 1876, Bull. crim. 232 ; 20 octobre 1949, Bull crim. 292).

En revanche, l'arrêt qui mentionne que le prévenu a comparu à l'audience, qu'il a été interrogé par le président, qu'il a répondu aux questions posées et qu'il a déclaré n'avoir rien à ajouter à sa défense, constate suffisamment que l'entier exercice des droits de la défense a été assuré au prévenu et l'arrêt est contradictoire (Cass. crim., 14 mai 1956, BCI 35).

  II. Exception. Jugement réputé contradictoire

Au principe selon lequel toute personne régulièrement citée qui ne comparaît pas au jour et à l'heure fixés par la citation est jugée par défaut, l'article 487 du Code de Procédure pénale apporte lui-même des exceptions en énumérant les cas dans lesquels le jugement est réputé contradictoire.

1. Article 410, non-comparution injustifiée

5Le prévenu régulièrement cité à personne qui ne comparaît pas sans justifier d'une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appele est jugé contradictoirement.

De même, le prévenu non comparant est jugé contradictoirement lorsqu'il est établi que, bien que n'ayant pas été cité à personne, il a eu connaissance de la citation régulière (rapp. ci-avant n° 2 ).

La décision doit constater l'absence d'un motif légitime de non-comparution et le déclarer expressément (Cass. crim., 27 janvier 1960, Bull. crim. 50, p. 10 ; Cass. crim., 10 janvier 1961, Bull crim, 13, p. 27).

La Cour de cassation a jugé que le moyen tiré d'une violation de l'article 149 (actuellement 410 du Code de Procédure pénale) ne peut être accueilli lorsqu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le demandeur au pourvoi, qui ne soutient d'ailleurs pas avoir été absent de l'audience, était présent aux débats, au cours desquels il a été entendu en personne (Cass. crim., 8 juillet 1848, BCI 28).

De même, il a été jugé qu'un prévenu ne saurait invoquer l'omission de son nom dans la liste des prévenus présents, pour prétendre qu'il y a eu à son égard violation des dispositions de l'article 149, dès lors que sa comparution personnelle résulte d'autres énonciations de l'arrêt et de la présence au dossier de conclusions prises en son nom (Cass. crim. 19 avril 1958, BCI 41).

2. Article 411, demande de jugement en son absence

a. Principes

6Si le prévenu est cité à comparaître pour une infraction passible d'une peine d'amende ou d'une peine de prison inférieure à deux ans, il peut, par lettre adressée au président et qui sera jointe au dossier de la procédure, demander à être jugé en son absence ; son défenseur est alors entendu et le jugement est contradictoire.

Le cas échéant, le prévenu est réassigné, si le tribunal estime nécessaire la comparution en personne. Si le prévenu ne répond pas à cette invitation il est jugé contradictoirement.

b. Application en matière de contributions indirectes

7La peine de prison qui peut être encourue pour infractions aux lois sur les contributions indirectes étant inférieures à deux ans, les dispositions de l'article 411 doivent pouvoir normalement trouver leur application dans ce domaine, tout au moins lorsqu'il n'existe pas de délit de droit commun jugé à la même audience et puni d'une peine d'emprisonnement supérieure à ce laps de temps.

La Cour de cassation a fait une application stricte de l'article 411 du Code de Procédure pénàle. Aux termes de la jurisprudence de la cour suprême, un prévenu absent peut valablement être jugé contradictoirement pourvu qu'il y ait personnellement et expressément consenti et que le jugement ou l'arrêt le constate.

Elle a ainsi jugé :

- qu'un arrêt qui se borne à énoncer que le prévenu, absent, était régulièrement représenté par son avocat, sans constater que ce prévenu a demandé lui-même à la cour que le débat ait lieu en son absence ou qu'il y a consenti par déclaration personnelle, ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les dispositions susvisées ont été légalement appliquées (Cass. crim., 12 décembre 1946, BCI 45 ; 31 janvier 1947, BCI 7 ; 30 avril 1947, BCI 21 ; 5 juin 1947, BCI 22) ;

- qu'en revanche, est à bon droit déclaré contradictoire au regard des mêmes dispositions, l'arrêt qui, énonçant que le prévenu, régulièrement cité, ne comparaît pas, mais est représenté par son avocat auquel il a donné mandat écrit, déclarant accepter-que la décision à intervenir soit contradictoire, a ainsi souverainement constaté que le prévenu avait demandé que le débat eût lieu en son absence et a estimé que la comparution personnelle dudit prévenu n'était pas nécessaire (Cass. crim., 1er février 1950, BCI 4, Bull. crim. 36 ; 3 juin 1950, BCI 25, Bull. crim. 180) ;

- que manque en fait le moyen tiré de ce qu'une cour d'appel aurait statué contradictoirement en l'absence du prévenu au motif qu'il était régulièrement représenté sans s'expliquer sur les raisons pour lesquelles il estimait la représentation régulière et sans que figure au dossier un document quelconque prouvant qu'il avait accepté d'être jugé en son absence, alors qu'il résulte du dossier que ce prévenu a prié par lettre le président de la cour d'appel d'excuser son absence à l'audience et qu'en chargeant un avocat de sa défense, il a déclaré expressément qu'il acceptait d'être jugé contradictoirement (Cass. crim., 2 mars 1960, RJCI 27. Dans le même sens : Cass. crim., 27 octobre 1971, RJ, I, p. 51).

Néanmoins, une jurisprudence a admis que le prévenu poursuivi devant la juridiction correctionnelle pour des faits n'entraînant pas une peine d'emprisonnement, est légalement représenté par son avocat et la décision prononcée dans les conditions est à bon droit déclarée contradictoire (Cass. crim., 17 juin 1954, RJC128, p. 71 ; Cass. crim., 13 avril 1956, RJCI 28, p. 320 ; Cass. crim., 24 janvier 1957, RJCI 10, p. 26).

3. Article 414, le débat ne porte pas sur le fond de la prévention

8Dans la mesure où le débat sur le fond n'est pas abordé et spécialement lorsque le débat ne porte que sur les intérêts civils, le prévenu peut -dans les conditions de l'article 411 du Code de Procédure pénale, alinéas 1 et 2- demander à ne pas comparaître : le débat sera néanmoins considéré comme contradictoire.

4. Articles 415 et 424, personne civilement responsable, partie civile

9La personne civilement responsable ou la partie civile peut se faire représenter par un avocat (ou un avoué). Dans ce cas, le jugement est contradictoire à son égard.

5. Article 416, non-comparution pour raison de santé

10Lorsque le prévenu ne peut comparaître en raison de son état de santé, le tribunal peut, afin de ne pas retarder la solution de l'affaire décider, par décision spéciale et motivée, qu'il sera entendu éventuellement assisté de son avocat, à son domicile (ou à la maison d'arrêt où il est détenu) par un magistrat accompagné d'un greffier.

6. Article 413, absence partielle

11Le prévenu qui est présent au début de l'audience puis se retire avant l'examen au fond fait l'objet d'un jugement contradictoire.

En ce sens, Cass, crim., 22 juillet 1959, D. 1959, 475.

  III. Signification du jugement par défaut

12Le jugement prononcé par défaut est signifié par exploit d'huissier, conformément aux dispositions des articles 550 et suivants (Code de Proc. pén., art. 488).

La signification est effectuée à la requête du ministère public, de la partie civile et de toute administration légalement habilitée.

Elle peut être faite tant que la prescription triennale de l'action n'est pas acquise.

Elle est effectuée de préférence à personne.

Le jugement par défaut, seulement une fois signifié, a l'autorisation de la chose jugée. En conséquence, la signification fait courir le délai d'opposition et d'appel, permet l'exécution de la décision sauf voie de recours, substitue le delai de prescription de la peine à celui de l'action.

En revanche, le jugement par défaut non signifié ne constitue qu'un simple acte d'instruction.

La preuve de la connaissance de la signification du jugement par défaut peut résulter :

- de l'avis constatant la remise de la lettre recommandée adressée par l'huissier à l'intéressé, à la suite de la signification à domicile ou à mairie (Code de Proc. pén., art. 557 et 558, al. 3) ;

- du récépissé accompqagnemant la copie du jugement adressé par lettre simple pour l'huissier à l'intéressé. Ce récépissé réexpédié par voie postale ou déposé à l'étude de l'huissier, doit être revêtu de la signature du destinataire (Code de Procédure pénale : art. 557 al 2 et 558 al 6) ;

- du procès-verbal dressé par l'officier ou l'agent de police judiciaire requis par le Parquet pour remettre au condamné l'exploit de signification (Code de Proc. pén., art. 560) ;

- ou d'un acte d'exécution quelconque (art. 492 du même Code).

Il est de jurisprudence constante que l'exécution volontaire de la peine par le prévenu n'établit pas qu'il ait eu connaissance de la signification et ne fait pas courir le délai d'opposition (Paris, 25 avril 1969, Gaz. Pal. 1969, 2, somm. 9).

L'exécution volontaire 1 d'un jugement de défaut ne saurait emporter contre le prévenu déchéance de son droit d'opposition, si l'exécution a eu lieu avant l'expiration du délai pendant lequel cette voie de recours peut être exercée (Cass. crim., 10 décembre 1903 ; DP 1905, I , 374).

  B. AUTRES CONDITIONS RELATIVES A L'OPPOSITION

1. Existence d'un préjudice.

13Le jugement par défaut n'est susceptible d'opposition que s'il porte atteinte aux intérêts du défaillant.

Le prévenu ayant bénéficié d'un jugement de relaxe, ne peut, faute d'intérêt, former opposition (CA Amiens, 24 avril 1884, D. 85, 2, 109 : Cass. crim., 14 août 1884, Bull. crim. 264 ; Cass. crim., 8 novembre 1955, Bull crim. 461).

2. Opposition sur opposition ne vaut.

14Cette règle, non édictée par le législateur mais implicite, empêche le renouvellement indéfini des oppositions et la paralysie de la justice. Le jugement rendu sur l'opposition ne peut donc être attaqué par la partie qui l'a formée si ce n'est par l'appel (voir ci-après L 3383, Décisions susceptibles d'appel).

3. L'appel ferme la voie de l'opposition.

15L'opposition n'est pas possible si la partie défaillante a interjeté appel.

Cette jurisprudence élaborée sous l'empire du Code d'Instruction criminelle a été confirmée sous le régime du Code de Procédure pénale.

Ainsi la Cour de cassation a jugé que la partie condamnée par défaut a la faculté de choisir la voie de l'opposition ou celle de l'appel ; mais si elle opte pour cette dernière, elle se ferme par son propre fait et sans retour la voie de l'opposition (Cass. crim., 11 juin 1963, Bull. crim. 207).

Elle a également jugé que lorsqu'un prévenu fait à la fois opposition et appel d'un jugement par défaut, la Cour ne peut statuer sur cet appel, même pour en apprécier seulement la recevabilité, que si l'opposition a été déclarée irrecevable ou si le prévenu a renoncé à son opposition (Cass. crim., 9 avril 1872, Bull. crim. 215, p, 367 ; Cass. crim., 4 mars 1959, Bull. crim. 151, p. 305 ; Cass. crim., 27 mai 1961, D. 1461. 626, note de J.-M. Robert ; Cass. crim., 1er avril 1968, Bull. crim. 1 16. p. 276).

1   Sans acquiescement à la sentence (cf. Ci-après nullité), arrêt du 5 novembre 1829.