Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3362
Références du document :  13E3362

SOUS-SECTION 2 FORME ET CONTENU

  II. Éléments de la procédure

Ils doivent être décrits de telle manière que la Cour de cassation - près la Cour d'appel - puisse exercer son droit de contrôle c'est-à-dire vérifier si les exigences formelles requises à peine de nullité ont été observées.

Le jugement doit, en effet, contenir en lui-même la preuve de sa régularité.

1° Régularité de la comparution

11Le jugement précise le domicile du prévenu, la manière dont celui-ci a été appelé à comparaître : citation, avertissement, comparution volontaire, détenu, et s'il a consenti à participer aux débats.

2° Défaut de comparution

12Constatation doit être faite - en cas de non-comparution - que l'intéressé a été régulièrement cité avec indication du mode et de la date de la signification : tout jugement contradictoire doit en outre comporter la constatation que les parties ont eu connaissance de la citation, soit en raison d'une signification à personne, soit par l'examen de leur signature à l'accusé de réception de la lettre recommandée (Cass. crim., 6 février 1969, JCP 69, II, 15994).

Le prévenu qui n'a pas été cité à personne mais qui a signé l'accusé de réception de la lettre recommandée, a eu connaissance de la citation régulière le concernant. Jugé contradictoirement en application de l'article 410 du Code de Procédure pénale, il ne peut se faire un grief de ce que son avocat a été entendu à l'audience (Cass. crim., 22 février 1977, RJCI 1977, p. 69).

Au cas particulier, le prévenu cité pour une infraction punie seulement d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement inférieure à deux ans peut demander à être jugé contradictoirement en son absence (Code de Proc. pénale, art. 411, al. 1er et 5). L'intéressé adresse une lettre en ce sens au président, lettre qui est jointe au dossier de la procédure. Le tribunal apprécie la suite à donner à cette demande et s'il y accède, le défenseur du prévenu peut être entendu (art. 411, al. 2, dudit code).

En l'espèce, il ne résultait ni de l'arrêt ni du dossier que le prévenu ait formulé une telle demande. Son défenseur ne pouvait dès lors le représenter et être entendu par la cour.

Ce vice de procédure entraînait habituellement l'annulation de la décision attaquée (voir jurisprudence citée au RJCI 1977, p. 71).

Actuellement, la nullité demandée doit avoir porté « atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne » (Code de Proc. pén., art. 802).

Si le prévenu demande comme il a été précisé « par lettre adressée au président » à être jugé en son absence, conformément aux dispositions de l'article 411 du Code de Procédure pénale, la décision doit le mentionner et motiver la solution retenue : irrecevabilité, admission ou renvoi de l'affaire (cf. ci-après E 3373 , décisions susceptibles d'opposition),

3° Visa des éléments de saisine

13La Cour d'appel, puis la Cour de cassation doivent vérifier si les termes de la citation reproduits obligatoirement dans le jugement sont conformes aux faits reprochés et n'en dénaturent pas l'analyse (Cass. crim., 20 octobre 1964, Bull. crim. 269).

4° Mentions des parties jointes, des parties civiles, présentes ou défaillantes

14Leur domicile, réel ou élu, ainsi que le dépôt ou non de conclusions doivent être précisés. Eventuellement les motifs d'une présomption de .désistement par non-comparution doivent figurer dans le jugement.

5° Déroulement de la procédure

15Dépôt des conclusions incidentes, décision du tribunal sur ces incidents, renvois successifs de l'affaire pour continuation des débats, mise en délibéré et, dans cette dernière hypothèse, information donnée aux parties présentes aux débats du jour où le jugement sera prononcé (Code de Proc. pén., art. 462), doivent être mentionnés au jugement.

6° Mentions du délibéré

16Lorsque l'affaire a été mise en délibéré, le jugement, avant l'exposé des motifs, doit préciser que la sentence a été rendue par les mêmes juges que ceux qui ont composé le tribunal au cours des débats.

Un arrêt qui mentionne, en tête, les noms des présidents et des deux conseillers composant la Cour, qui indique la date de chacune des audiences publiques auxquelles la cause a été appelée et débattue, puis renvoyée pour le prononcé de la décision, après que l'affaire eut été mise en délibéré, met la Cour de cassation en mesure d'en vérifier la régularité.

Le moyen pris de ce que cet arrêt ne comporte aucune indication quant au déroulement du délibéré doit être écarté (Cass. crim., 14 juin 1976, RJ 1, p. 158).

En effet, la loi n'a pas, en matière correctionnelle, réglementée la procédure du délibéré et se borne à exiger que les magistrats qui rendent une décision se déterminent en toute connaissance de cause, après avoir assisté à tous les débats publics qui lui ont été consacrés (Code de Proc. pén., art. 592) : il n'est donc pas possible d'exiger qu'un jugement (ou un arrêt) comporte des mentions permettant de contrôler les conditions dans lesquelles ledit délibéré a eu lieu.

7° Publicité des audiences (Code de Proc. pén., art. 400)

17La publicité des débats est une règle d'ordre public qui ne souffre d'exception que dans les cas limitativement déterminés par la loi (Cass. crim., 17 mars 1970, D 1970, 406).

Dès lors que les termes : « audience publique du... » et ; « la Cour jugeant publiquement portés en tête de l'intitulé ou au début du dispositif, s'appliquent nécessairement à tous les actes d'instruction qui ont précédé le jugement, la Cour de cassation a jugé que la publicité d'une audience consacrée aux débats entre la date où la cause a été appelée et celle où l'arrêt a été rendu se trouvait suffisamment constatée (Cass. crim., 17 décembre 1968, RJCI 1ère partie, p. 107).

8° Respect des droits de la défense

18Le prévenu ou son conseil ont toujours la parole les derniers. Ce droit de la défense s'applique aussi bien devant le tribunal correctionnel (Code de Proc. pén., art. 460) que devant la cour d'appel (art. 513 dudit code).

L'ordre prévu à l'article 513 précité n'étant pas prescrit à peine de nullité, la Cour de cassation a jugé que la violation des droits de la défense ne pourrait consister que dans le refus qui serait fait à l'intimé, s'il l'avait demandé, de répondre à l'appelant, ou dans le refus qui aurait pu être opposé au prévenu ou à son conseil de prendre ou reprendre la parole après les autres parties (Cass. crim., 16 mars 1961, Bull. crim. 168, p. 326 ; Cass. crim., 15 mai 1961, Bull. crim. 252, p. 485).

Il a été également jugé :

- qu'aucune nullité ne saurait résulter de ce que l'avocat du prévenu intimé s'est expliqué après celui de l'Administration appelante et avant l'audition du ministère public, également appelant, alors qu'il n'est pas constaté, ni même allégué que le prévenu ou son conseil aient vainement excipé du droit qui leur appartenait de prendre la parole en dernier lieu (Cass. crim., 19 mai 1969, RJCI 1ère partie, p. 61) ;

- que si, aux termes de l'article 513, dernier alinéa, du Code de Procédure pénale, le prévenu ou son conseil doivent toujours avoir la parole les derniers, ils sont libres de ne pas réclamer l'exercice de ce droit. La violatlon-des droits de la défense consiste à refuser la parole au prévenu ou à son avocat lorsqu'ils la demandent, mais la loi n'oblige pas le président à adresser à la défense une interpellation à cet égard 1 .

Il est ainsi satisfait aux prescriptions de la loi lorsque l'arrêt (ou le jugement) constate que l'avocat désigné par la prévenue pour assurer sa défense a été entendu (Cass. crim., 23 février 1977, RJ n° I, 1977, p. 74).

Cf. également les décisions suivantes rendues sous l'empire du Code d'instruction criminelle : Cass. crim., 29 juin 1889, Bull. crim. 234, p. 371 ; Cass. crim., 13 juin 1902, Bull. crim. 222, p. 397 ; Cass. crim., 15 novembre 1956, Bull. crim. 755, p. 1347. Cf. ci-dessus RJCI 1969, 1ère partie, p. 62 ;

- que la loi n'attribue au prévenu qu'une simple faculté de réplique et de parler le dernier ; aucune atteinte n'est portée à son droit de défense lorsqu'il n'en réclame pas l'exercice (Cass. crim., 8 janvier 1942, DC 1942, 64 ; Cass. crim., 16 avril 1942, DA 1942, somm. 11 ; Cass. crim., 15 novembre 1956 précité, D 1957, 54, Bull. crim. 755, p. 1347).

19L'article 600 du Code de Procédure pénale prévoit que nul ne peut, en aucun cas, se prévaloir contre la partie poursuivie de la violation ou omission des règles établies pour assurer la défense de celle-ci. Pour l'application de cette règle, la Cour de cassation a jugé que l'Administration n'est pas recevable à critiquer l'arrêt attaqué en ce qu'il énonce que les prévenus ont été représentés par leurs conseils, lesquels ont été entendus, sans constater qu'ils avaient demandé, par lettre adressée au président, à être jugés en leur absence (Cass. crim., 23 janvier 1978).

  B. MOTIFS

  I. Principes

Le motif est le soutien rationnel de l'argumentation développée par les parties dans les conclusions, et par les magistrats dans les jugements et arrêts.

1. Obligation de motiver

20Il résulte des articles 485, 512 et 593 du Code de Procédure pénale que les jugements et arrêts doivent être motivés à peine de nullité constatée en cas de pourvoi par la Cour de cassation.

L'obligation de motiver, très générale, s'applique aussi bien aux décisions de relaxe que de condamnation.

La nullité est encourue dès lors que les motifs de la décision sont omis (absence de motifs).

A cet égard, la Cour de cassation a précisé que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence et entraîne la nullité de la décision (Cass. crim., 21 janvier 1928, BCI 6 et décisions postérieures, jurisprudence constante).

Pour que la motivation soit exempte d'insuffisance, il est nécessaire que le tribunal réponde par des motifs distincts à chaque chef de conclusions.

2. Exceptions à l'obligation de motiver

21Outre le cas où la motivation peut être considérée comme implicite (cf. ci-après n°s 32 et suiv. ), la Cour de cassation admet q u'il n'est pas nécessaire de motiver expressément certaines décisions.

Il s'agit de décisions n'ayant pas de caractère véritablement contentieux et notamment :

Des jugements qui joignent un incident au fond, pourvu que le jugement définitif statue en même temps sur l'incident et sur le fond (Instruction générale, ministère de la Justice, art. C. 632) (Cass, crim., 10 mai 1839, Bull. crim. 153 ; Cass. crim., 26 avril 1856, Bull. crim. 163) ;

Des jugements qui, pris avec l'accord de toutes les parties, ne font grief à aucune d'elles et n'ordonnent que des mesures mettant l'affaire en état d'être jugée (Cass. crim., 20 mars 1874, Bull. crim., 91 ; Cass. crim., 5 février 1813, S P chr. ; Cass. crim., 25 août 1837, Bull. crim. 251) ;

Des jugements de pure instruction qui ordonnent des mesures préparatoires (Instruction générale, art. C. 632). En ce dernier cas, la motivation est implicite ou résulte de la réponse du tribunal aux conclusions d'une partie qui conteste la mesure d'instruction.

Parmi les jugements de jonction ou d'instruction, seuls les jugements ne présentant pas un véritable caractère contentieux peuvent ne pas être motivés, par exemple, les jugements de renvoi ou de remise de cause ;

Du jugement par lequel il a été donné acte de la renonciation à l'audition d'un témoin (Cass, crim 19 septembre 1856, DP 56, 1, 418).

En revanche doit faire l'objet de motivation la décision sur une demande d'audition d'un témoin ou sur une opposition à cette audition (Cass. crim., 15 avril 1852, DP 52, 5, 372).

  II. Jugements de condamnation

Ces décisions doivent, d'une part, constater les faits qui ressortent des débats et, d'autre part, qualifier ces faits en les rapprochant des textes répressifs.

1. Exposé précis des faits

22Il est indispensable afin de permettre le contrôle de la Cour de cassation.

L'énoncé synthétique des faits est une condition de la motivation des jugements.

Tout jugement (ou arrêt) doit à peine de nullité contenir les motifs propres à justifier légalement la condamnation qu'il prononce (Cass. crim., 2 mars 1924, DH 1924-391).

Est nulle, « pour insuffisance de motifs », toute décision qui ne précise pas les éléments de fait qui constituent l'infraction dont l'existence entraîne condamnation (Cass, crim., 19 avril 1958, Bull. crim. 317).

Une simple déclaration de culpabilité, non appuyée sur des faits précis est insuffisante (Cass. crim., 28 février 1968, Bull. crim. 69).

En revanche, la condamnation d'un prévenu est justifiée lorsque les infractions fiscales poursuivies sont établies par les constatations des agents de l'Administration (Cour d'appel de Douai, 28 juin 1978).

Le tribunal peut se dispenser de relater dans son jugement les faits constitutifs de l'infraction s'il se réfère à un procès-verbal base de la poursuite ou à une expertise dont les constatations n'ont pas été contestées par le prévenu (Cass. crim., 17 mai 1945, RJCI 14, p. 25 ; Cass. crim., 7 décembre 1950, RJCI 34, p. 95 ; Cass. crim., 15 janvier 1957, RJCI 9, p, 24 ; Cass. crim., 3 juin 1957, RJCI 33, p. 97 ; Cass crim., 20 février 1958, RJCI 19, p. 49 ; Cass. crim., 26 juin 1958, RJCI 83, p. 224).

23Il a été également jugé :

- qu'un tribunal n'est pas tenu d'indiquer en quoi un produit constitue un similaire d'absinthe ou un apéritif interdit, s'il se réfère à l'analyse, à l'expertise, ou au procès-verbal.

Est suffisamment motivé l'arrêt qui, pour déclarer le prévenu coupable d'avoir fabriqué, vendu et fait circuler une boisson similaire d'absinthe, se réfère au procès-verbal de prélèvement d'échantillons et à l'analyse effectuée, lorsque cette analyse constate que la boisson incriminée est un similaire d'absinthe non conforme au décret du 24 octobre 1922 et que ces conclusions n'ont pas été contestées par le prévenu (TGI, Jugements et arrêts, II, motifs n° 110 ; Cass. crim., 30 novembre 1934, BCI 1935, 14), Dans le même sens : Cass, crim., 22 mars 1930, BCI 10 ; Cass. crim., 1er août 1931, BCI 19 ; Cass. crim., 8 avril 1933, BCI 13 ; Cass. crim., 2 juillet 1942, RJCI 66, p. 115 ; Cass. crim., 24 février 1944, RJCI 19, p. 39 ;

- que l'omission, dans un jugement, de la mention des infractions auxquelles s'appliquent les deux séries de pénalités prononcées par ledit jugement ne saurait vicier de nullité l'arrêt confirmatif, alors que les premiers juges ont fait droit aux conclusions de l'Administration qu'ils ont expressément visées dans leurs motifs et qui spécifiaient que la première sé !ie de pénalités sanctionnait un transport d'alcool sans titre de mouvement et la seconde la fabrication, la détention et la vente de similaires d'absinthe (Cass, crim., 18 novembre 1959, RJCI 89, p. 270) ;

- que les juges du fond qui, saisis d'un certain nombre de faits distincts relatifs à des prélèvements d'échantillons identifiés, écartent certains de ces prélèvements, doivent, en raison de la proportionnalité des condamnations fiscales encourues, préciser les faits retenus (Cass. crim., 11 janvier 1967, RJCI, 1ère partie, p. 5).

1   Les dispositions de l'article 513 du Code de Procédure pénale, réglant l'ordre dans lequel les parties en cuse ont la parole, ne sont pas prescrites à peine de nullité (cf. Ci-dessus arrêt du 19 mai 1969) à moins qu'il ne soit résulté de leur inobservation une atteinte aux droits de la défense (id. : 19 mai 1969 et Cass. Crim., rejet, 15 mai 1961, Bull. Crim. 252, p. 485).