SOUS-SECTION 2 EXCEPTIONS ET AUTRES INCIDENTS
SOUS-SECTION 2
Exceptions et autres incidents
Voir également 13 RC div. 0 44. Incidents de procédure.
1Sous le nom d'exceptions ou d'incidents, on désigne toutes les questions soulevées au cours d'une instance et qui ont pour effet d'arrêter, de suspendre ou de modifier la poursuite répressive :
- exceptions de procédure ;
- fins de non recevoir ;
- interventions, demandes incidentes et, d'une manière générale, tout événement ayant un effet sur le cours de l'instance.
2L'exception est plus précisément un moyen dirigé contre la procédure. Le prévenu demande au juge de ne pas donner suite à la poursuite judiciaire ou de surseoir à statuer, sans examen « au fond » de l'affaire. Les exceptions le plus souvent rencontrées dans les litiges en matière de contributions indirectes sont les suivantes :
- nullité d'exploit ou d'acte ;
- incompétence du tribunal ;
- litispendance, connexité, indivisibilité, exception dilatoire de garantie, question préjudicielle.
Après décision sur l'exception, la procédure reprend son cours devant le même tribunal ou est recommencée devant lui ou devant un autre.
3La fin de non recevoir est un moyen péremptoire par lequel le prévenu, sans engager également le débat sur le fond, soutient que le poursuivant n'a pas d'action et que sa demande est irrecevable. Parmi les fins de non recevoir il convient de citer par exemple :
- la prescription ;
- la chose jugée.
4L'intervention et la demande incidente sont par contre des moyens de fond qui modifient l'instance. Telles sont :
- la constitution de partie civile ;
- la demande reconventionnelle du prévenu ;
- la demande complémentaire.
5Si, en principe, les exceptions peuvent être soulevées jusqu'au prononcé du jugement, les exceptions tirées de la nullité de la citation ou de la procédure antérieure doivent par contre, à peine de forclusion, être présentées avant toute défense au fond (Code de Proc. pén., art. 385).
La nullité d'un exploit ne peut d'ailleurs être prononcée que lorsqu'elle a pour effet de « porter atteinte aux intérêts de la personne qu'il concerne, sous réserve pour les délais de citation, des dispositions de l'article 553-2° du Code de Procédure pénale » (Code de Proc. pén., art. 565).
Il en va de même pour toute violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité, ou d'inobservation des formalités substantielles. La loi n° 75-101 du 6 août 1975 a, en effet, subordonné d'une manière générale l'annulation d'un acte ou d'une procédure à l'existence d'un préjudice pour la partie concemée (cf. Code de Proc. pén., art. 802).
6Les deux derniers alinéas de l'article 459 du Code de Procédure pénale règlent les conditions dans lesquelles doivent être jugés les incidents soulevés au cours des débats par les conclusions des parties ou les réquisitions du ministère public (cf. ci-après E 3364 ).
A. NULLITÉ D'EXPLOIT OU D'ACTE DE PROCEDURE
(Voir également : E 3331, n°s 55 et suiv ; Assignation E 1545, Procès-verbal)
I. Règles générales
7L'instance devant le tribunal étant constituée d'une succession d'actes, il est nécessaire pour la validité de celle-ci que ces actes soient réguliers en la forme.
Toutefois, la loi et la jurisprudence prévoient que, seule, I'inobservation des formalités substantielles ou essentielles entraîne la nullité des actes de procédures.
En outre, pour que la nullité soit admise, l'irrégularité invoquée doit être préjudiciable aux intérêts de la partie qui l'oppose. En effet, aux termes de l'article 565 du Code de Procédure pénale, " la nullité d'un exploit ne peut être prononcée que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'il concerne, sous réserve, pour les délais de citation, des dispositions de l'article 553-2° " . Elle doit également être spécifiée par les textes.
8Par ailleurs, en vertu de l'article 385 du même Code, les exceptions tirées de la nullité soit de la citation, soit de la procédure antérieure doivent, à peine de forclusion, être présentées avant toute défense au fond.
Enfin, l'exception de nullité ne peut être relevée d'office par le juge.
9Il est précisé que les parties engagées à l'instance peuvent renoncer à se prévaloir des nullités ; la renonciation doit être expresse.
II. Jurisprudence
10Jugé que :
- après avoir excipé un prévenu est irrecevable à invoquer devant la Cour de cassation la nullité de cette assignation en raison de l'incompétence de l'agent instrumentaire, dès lors que cette prétendue cause de nullité n'a pas été présentée avant toute défense au fond, comme l'exige l'article 385 du Code de Procédure pénale (Cass. crim., 12 octobre 1966, RJCI 19, p. 60 cf. 2 E 3331, n° 58, Assignation) ;
- fait une exacte application des prescriptions de l'article 385 du Code de Procédure pénale, l'arrêt qui déclare irrecevable, comme soulevée pour la première fois en cause d'appel, l'irrégularité des poursuites tirée de l'inobservation des dispositions de l'article 1649 septies B du CGI (Cass. crim., 17 décembre 1968, RJCI 1968, II, p. 107) ;
- « Un prévenu est irrecevable à faire état pour la première fois devant la Cour de cassation d'une plainte qu'il aurait déposée du chef de faux,... » (Cass. crim., 16 décembre 1970, RJ 1 p. 93) ;
- est irrecevable devant la Cour de cassation le moyen tiré de la nullité qui affecterait les vérifications opérées par les agents des Impôts dans les chais du prévenu, ces vérifications s'étant poursuivies après le coucher du soleil, dès lors qu'il ne résulte d'aucunes conclusions, ni d'aucune mention du jugement que cette exception ait été présentée devant les premiers juges, avant toute défense au fond conformément aux prescriptions de l'article 385 du Code de Procédure pénale. Et il importe que les juges d'appel aient cru devoir, par des motifs surabondants, s'expliquer sur cette exception (Cass. crim., 29 mai 1973, RJ 1 p. 60 et les arrêts cités, Bull crim, 245, p. 584, arrêt n° 1) ;
- c'est à bon droit que, pour rejeter l'exception tirée par des prévenus de la nullité de l'ordonnance de renvoi en police correctionnelle, une cour d'appel, après avoir énoncé que ladite ordonnance indiquait les faits incriminés et que, dans ces conditions, le prévenu ne pouvait les ignorer, déclare la procédure régulière et le tribunal valablement saisi (Cass. crim., 4 janvier 1974, RJ 1974, n° 1, p. 3) ;
- conformément aux prescriptions de l'article 385 du Code de Procédure pénale, l'exception de nullité d'une visite domiciliaire doit être présentée avant toute défense au fond. A défaut, le moyen tiré de cette nullité est irrecevable devant la Cour de cassation même si les juges d'appel ont cru devoir, par des motifs surabondants, s'expliquer sur cette exception (Cass. crim., 22 janvier 1975, RJ 1975, p. 25 : cf. E 3396 ).
- en application de l'article 385 du Code de Procédure pénale, une exception qui n'a pas été présentée avant toute défense au fond doit être déclarée irrecevable alors même que, par des motifs surabondants, les juges d'appel ont cru devoir s'expliquer sur cette exception, soulevée pour la première fois devant eux (Cass. crim., 4 janvier 1977, RJ 1977, p. 34 : cf. E 3364 ).
B. INCOMPÉTENCE, PRESCRIPTION
(Nullités absolues d'ordre public)
I. Incompétence
(Voir E 332 , Juridiction compétente)
11En matière répressive, toutes les règles de compétence sont d'ordre public car elles ont été instituées pour la bonne administration de la justice pénale. Par suite, l'exception d'incompétence peut être soulevée en tout état de cause, même par le plaignant qui aurait saisi un tribunal dont il allègue ensuite l'incompétence. Elle n'est pas couverte par l'acquiescement des parties ou du ministère public. Le juge peut et doit la soulever d'office (cf. Cass. crim., 16 mars 1954, Bull. crim. 109, p. 195 et les arrêts cités).
La nullité en cas d'erreur de compétence étant d'ordre public, les articles précités 385, 565, et 802 du Code de Procédure pénale sont inapplicables, au cas particulier.
II. Prescription
(Cf. E 16)
12Comme les règles de compétence, la prescription est, en matière répressive, d'ordre public.
Elle peut, en conséquence, être invoquée en tout état de cause et peut être proposée pour la première fois en appel ou en cassation et même devant la juridiction de renvoi, à la condition bien entendu, que le moyen n'ait pas été antérieurement invoqué et rejeté par une décision passée en force de chose jugée et que la Cour de cassation trouve, dans les énonciations de la décision qui lui est déférée, les éléments nécessaires pour lui permettre d'en apprécier la valeur. D'autre part, le prévenu ne peut y renoncer et elle doit être suppléée d'office par les juges.
13Il a été jugé, en matière de prescription, que :
- la prescription de l'action publique en matière correctionnelle constitue une exception péremptoire et d'ordre public ; elle doit être relevée d'office par le juge et elle peut être proposée pour la première fois devant la Cour de cassation, sous la seule condition que cette Cour trouve, dans les énonciations de la décision qui lui est déférée, les éléments nécessaires pour lui permettre d'en apprécier la valeur (Cass. crim., 21 octobre 1943, RJCI 56, p. 80) ;
- l'existence légale d'une décision résulte de ce qu'elle figure au rang des minutes du greffe : et il n'importe dès lors que cette décision -ordonnant une remise de cause-,n'ait pas été mentionnée sur les notes d'audience. Répond suffisamment à des conclusions tendant à faire déclarer nulles des citations d'appel, l'arrêt qui constate que les prévenus, aux termes d'une lettre adressée au président, avaient accepté le débat en consentant à être jugés contradictoirement, leur avocat entendu. D'ailleurs la cour se trouvait saisie par l'acte d'appel, et non par l'assignation dont le seul objet était d'informer les parties de la date à laquelle l'affaire serait appelée.
Enfin, les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que la lettre susvisée ne figure plus au dossier, dès lors que la Cour en a formellement constaté l'existence et que le renvoi, ordonné sur l'accord unanime des parties, en consacre les effets.
C'est donc légalement que les juges d'appel ont pu décider que l'arrêt de remise de cause intervenu dans ces circonstances avait valablement interrompu la prescription (Cass. crim., 28 mars 1968, RJCI 1968, n° 1, 1ère partie, p. 22 ; Bull. crim. 113, p. 266).
C. AUTRES INCIDENTS
- Chose jugée.
- Litispendance.
- Connexité.
- Indivisibilité.
- Exception dilatoire de garantie.
- Question préjudicielle.
- Constitution de partie civile (syndicats, associations).
- Demande reconventionnelle du prévenu.
I. Chose jugée
(Contentieux Civil, 13 RC, division 0 13 : Code civil, art. 1350-3e et 1351).
14La chose jugée est un mode d'extinction de l'action en justice par l'effet d'une décision devenue définitive rendue par une juridiction répressive relativement à cette action.
En vertu de l'autorité de la chose jugée, la décision répressive est considérée comme l'expression de la vérité (res judicata pro veritate habetur) par l'effet d'une présomption irréfragable de la loi (art. 6, 1er al., et 618 du Code de Proc. pén.).
Lorsqu'une décision répressive n'est plus susceptible de voies de recours, les faits délictueux qui ont fait l'objet de cette décision ne peuvent plus donner lieu - selon la règle non bis in idem codifiée par les articles précités - à une nouvelle poursuite devant une juridiction répressive (Cass. crim., 20 mars 1956, Bull. crim. 283, p. 509).
Si malgré l'autorité de chose jugée, une nouvelle poursuite était exercée devant une autre juridiction répressive, elle se heurterait à l'exception de la chose jugée qui est d'ordre public. Comme telle, elle peut être opposée en tout état de cause et à tout moment de la procédure, pour la première fois en appel et devant la Cour de cassation, devant n'importe quelle juridiction, par le ministère public comme par la partie intéressée et elle peut même être relevée d'office par le tribunal saisi de la seconde poursuite.
1. Décisions revêtues de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le pénal
15L'aspect négatif de l'autorité de la chose jugée apparaît puisqu'il n'est plus possible de poursuivre, pour les faits délictueux déjà jugés, le même délinquant que celui qui est l'objet de la décision.
a. Faits poursuivis identiques
16De la jurisprudence il ressort que :
- l'exception de la chose jugée ne peut être invoquée que lorsque le fait qui sert de base à la deuxième poursuite est identique dans ses éléments tant légaux que matériels à celui qui a motivé la première. Encourt, dès lors, la Cassation, l'arrêt qui relaxe les prévenus du chef de transport de blé et de farine panifiable sans titre de mouvement et de tenue irrégulière des registres de meunerie pour le motif qu'ils avaient déjà été condamnés pour infractions aux règles de la collecte et du rationnement, sans que l'Administration intervienne dans ladite poursuite dirigée par le ministère public alors que les faits poursuivis, à la requête du Parquet d'abord, de l'Administration ensuite, n'étaient pas identiques dans leurs éléments tant légaux que matériels, et qu'en conséquence la condamnation prononcée sur la poursuite pénale ne faisait pas obstacle aux poursuites de l'Administration (Cass. crim., 15 février 1956, RJCI 14, p. 288, Bull. crim. 158, p. 287) ;
- n'est pas légalement fondé l'arrêt qui, pour déclarer l'administration des Impôts irrecevable dans son action contre des prévenus poursuivis pour expédition et transport de boissons sans titres de mouvement applicables et pour détention frauduleuse de vins et spiritueux, déclare que les constatations du procès-verbal à fins fiscales sont toutes tirées d'une précédente poursuite ayant abouti à la condamnation des mêmes inculpés pour contrebande, que cette dernière poursuite était elle-même fondée sur des procès-verbaux douaniers rédigés au cours d'une enquête à laquelle avaient également pris part les agents des Impôts et qu'ainsi la seconde poursuite concerne les mêmes faits.
En effet, les deux actions étaient distinctes, les faits poursuivis en second lieu se distinguaient nettement par leurs éléments légaux et matériels de ceux qui avaient motivé la précédente poursuite et chacune des infractions douanières et fiscales était punie par des dispositions spéciales de la loi (Cass. crim., 19 février 1958, RJCI 17, p. 45).