Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3351
Références du document :  13E3351

SOUS-SECTION 1 PREUVE DES CONTRAVENTIONS

3. Cas particulier.

46Le dénonciateur salarié, c'est-à-dire celui qui est récompensé pécuniairement et de façon légale, peut être entendu en témoignage, mais l'une des parties ou le ministère public peut s'y opposer (Code de Proc. pén., art. 451).

  III. Citation des témoins

1. Nécessité d'une citation régulière

47Les témoins ne peuvent être contraints de se présenter devant le tribunal que tout autant qu'ils ont été régulièrement cités. Il est précisé. à cet égard, que seule la citation régulière par huissier permet au Parquet de requérir contre un témoin défaillant.

Néanmoins, la Chancellerie a recommandé aux Parquets d'appeler les témoins par un simple billet d'avertissement ; il en est ainsi des auxiliaires de la justice (gendarmes, agents de police, etc.).

Par ailleurs, des mesures spéciales ont été prévues pour la convocation des témoins appartenant à certaines administrations ou services publics et notamment :

- des agents des Douanes et des Impôts (cir Chancellerie des 4 novembre 1812 et 6 décembre 1840) ;

- des employés du chemin de fer (cir Chancellerie, 7 septembre 1863) ;

- des militaires et marins (cir. min. Justice des 15 septembre 1826 et 6 décembre 1840, art. 4).

Chaque partie doit faire citer à sa requête les témoins qu'elle veut entendre.

Nota. : - Il est rappelé que, lorsque le prévenu veut faire par témoins, selon la procédure décrite sous l'article L. 238 du Livre des procédures fiscales, la preuve contraire à l'encontre des énonciations du procès-verbal, il doit, dans les trois jours de l'audience où le renvoi a été prononcé, déposer au greffe la liste des témoins qu'il veut faire entendre (cf. ci-dessus n° 27 ).

2. Obligations du témoin cité

a. Contenu de l'obligation

48Une triple obligation découle pour la personne citée afin d'être entendue comme témoin (Code de Proc. Pén., art. 427) :

Comparaître le jour de l'audience, et le cas échéant, les jours où l'affaire est continuée (Code de Proc. Pén., art. 461) ;

Prêter serment. Ce serment n'est pas de nature à empêcher le témoin d'invoquer le secret professionnel s'il est invité à s'expliquer sur des secrets qui ne lui ont été confiés qu'à raison de sa qualité ou de sa profession (Cass. crim., 7 mars 1924, DH 1924-244) ;

Deposer, c'est-à-dire rapporter au tribunal ce qu'ils savent de l'affaire (cf. ci-dessus, arrêt du 7 mars 1924 précité).

b. Sanction de l'obligation

49Le témoin régulièrement cité qui ne comparaît pas ou qui refuse soit de prêter serment, soit de déposer sur réquisitions du ministère public, à l'amende prévue pour les cotraventions de 5éme classe.(Code de Proc. pén., art. 109 et 438). L'article 439 du même Code prévoit, en outre, que le témoin qui ne comparaît pas et n'a pas fait valoir un motif d'excuse reconnu valable et légitime peut être amené devant le tribunal par la force publique.

  IV. Audition des témoins

50Les témoins doivent, avant d'être entendus, avoir préalablement prêté serment (cf. Code de Proc. pén., art. 446).

Cette obligation est générale et elle s'étend également aux verbalisants appelés à l'audience afin de compléter par des explications orales les renseignements contenus dans leur procès-verbal.

Le jugement ou les notes d'audience doivenl constater expressément cette prestation de serment. La formule prévue par l'article 446 étant substantielle et ne comportant aucun retranchement, la déposition d'un témoin est nulle si ce témoin a prêté serment de dire " la vérité, toute la vérité " sans ajouter les mots « rien que la vérité »(Cass. crim., 4 mars 1898, BCI 1898, 9).

Aucun retranchement n'est admis (Cass. crim., 2 novembre 1971, Bull. crim. 289, p. 719, somm.16). Mais une addition ne vicie pas le serment si elle est surabondante (Cass. crim., 24 mars 1938, Bull. crim. 92, p. 159).

Le défaut de prestation de serment d'un témoin en appel ne peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation (Cass. crim., 28 décembre 1894, Journal des Cl 1898, p. 63 ; Bull. crim. 336, p. 517).

Un témoin, qui a prêté serment de dire la vérité, ne peut être dispensé de tenir son serment par aucune considération personnelle, comme celle de s'exposer lui-même à des poursuites (Cass. crim., 29 mai 1914, BIC 1915-1, p. 2).

Les dépositions des témoins sont essentiellement orales et les déclarations écrites ne sauraient les remplacer. Cependant, les juges peuvent prendre en considération la déposition écrite d'un témoin cité, mais non comparant à l'audience. D'ailleurs, il appartient aux juges du fond de compléter, s'il y a lieu, les mentions du procès-verbal par les documents régulièrement produits, et discutés à l'audience et par les autres preuves ou présomptions, conformément à l'article 537 du Code de Procédure pénale (Cass. crim., 11 décembre 1875, Mém. Cl 19, p. 280 ; Bull. crim. 351, p. 679).

  V. Indemnités des témoins.

51Des indemnités peuvent être accordées aux témoins qui les requièrent (cf. Code de Proc. pén., art. R. 123 à R. 138). Il peut s'agir :

- d'une indemnité de comparution ;

- de frais de voyage ;

- d'une indemnité journalière de séjour.

Les indemnités étant supportées définitivement par la partie qui succombe, leur montant doit être compris dans le chiffre des dépenses à liquider par le jugement.

Les témoins qui reçoivent un traitement quelconque à raison d'un service public, n'ont droit, sauf exceptions limitatives, qu'aux frais de voyage et à l'indemnité journalière de séjour s'il y a lieu (il en est ainsi, par conséquent, pour les agents de l'administration des Impôts).

  VI. Mesures d'application (cf. ci-dessus n° 37 ).

  D. AVEUX

52L'aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation des juges (Code de Proc, pén., art. 428).

  I. Définition

53Qu'il s'agisse de la procédure civile ou de la procédure pénale, l'aveu est une déclaration par laquelle une personne tient pour vrai un fait qui peut produire contre elle des conséquences juridiques. Au cas particulier, l'aveu est la confirmation par un prévenu d'un fait allégué à son encontre : il constitue alors l'une des preuves de l'accusation et suffit, en principe, pour former la base d'une condamnation.

L'aveu judiciaire est celui recueilli à l'audience : il lie le juge.

L'aveu extrajudiciaire est celui recueilli autrement qu'en présence du tribunal, notamment par le rédacteur du procès-verbal : il ne lie pas le juge (Code de Proc. pén., art. 428), le tribunal conservant son libre pouvoir d'appréciation.

  II. Aveu judiciaire

54L'aveu judiciaire peut être reçu par les juges à l'audience sans aucune restriction.

En matière de contributions indirectes, l'aveu judiciaire possède une valeur particulière : il résulte, en effet, des travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1903 (Livre des procédures fiscales, art, L. 238) que le juge peut refuser la preuve contraire lorsque le prévenu a reconnu devant le tribunal les faits contraventionnels (J0, débats Sénat, séance du 29 décembre 1903, p. 1756).

  III. Aveu extrajudiciaire

55L'aveu du prévenu, de ses agents ou domestiques, non recueilli devant le tribunal peut cependant servir de base à une condamnation, soit seul, soit accompagné d'autres constatations.

Un procès-verbal peut donc être établi sur de tels aveux. Mais ceux-ci ne peuvent pas être isolés des réserves et protestations qui en limitent la portée (Cass. crim., 16 juillet 1936, BCI 22, p. 390).

1. Aveux et déclarations du contrevenant.

a. Force probante.

56Le procès-verbal fait foi jusqu'à preuve contraire de la matérialité des aveux qu'il relate (Cass. crim., 16 avril 1835, Sir. 1835-1-847, Bull. crim. 140).

La Cour suprême a jugé qu'était légalement fondé l'arrêt qui, pour condamner le prévenu, précise que le procès-verbal des agents de l'Administration contenant l'aveu de l'intéressé, est valable jusqu'à preuve contraire et qu'en l'espèce cette preuve n'a été ni rapportée ni même offerte (Cass. crim., 11 mai 1954, RJCI 24, p. 58).

En revanche, le procès-verbal ne fait pas foi jusqu'à preuve contraire de la sincérité des aveux qu'il rapporte (Cass. crim., 26 novembre 1937, BCI 1938-4, p. 90).

Dans le même sens, la Cour suprême a jugé que la force probante attachée aux faits matériels ne s'applique pas aux déclarations par lesquelles un contrevenant dénonce des tiers comme ayant participé à la fraude. Et les dispositions de l'article 336-2 du Code des Douanes, selon lesquelles les procès-verbaux dressés en la matière font foi jusqu'à preuve contraire de l'exactitude et de la sincérité des aveux et déclarations qu'ils rapportent, ne sauraient être étendues aux procès-verbaux constatant des infractions à la législation sur les contributions indirectes (Cass. crim., 11 décembre 1978, RJ n° 1, p. 122, Bull. crim. 350, p. 914).

Néanmoins, la sincérité des aveux et déclarations doit être présumée (Cass. crim., 30 juillet1835, Sir. 1835-1-848, Bull. Crim. 307).

57Le juge n'est pas lié par l'aveu extrajudiciaire : il peut et doit en apprécier la force probante, c'est-à-dire à la fois la sincérité, le sens et la portée, Son pouvoir d'appréciation est, à cet égard, absolu (Cass. crim., 19 octobre 1912, BCI 1913-2, p. 6, Bull. Crim. 500, p. 922 ; Cass. crim., 3 juillet 1920, BCI 22, p. 130 ; Cass. crim., 27 mai 1948, RJCI 18, p. 39, Bull, crim. 143, p. 213 ; Cass. crim., 5 mars 1957, RJCI 20, p. 66 ; Cass. crim., 5 février 1959, RJCI 17, p. 40).

La Cour de cassation a notamment jugé que :

- le seul aveu du prévenu peut être retenu comme preuve de culpabilité et servir de base à la condamnation ; il dispense de recourir, le cas échéant, à une expertise, conformément à l'appréciation souveraine du juge de fond (Cass.crim., 17 juin 1922, Bull. crim. 215, p. 353) ;

- une cour n'est pas tenue de répondre aux conclusions critiquant le mode de prélèvement des liquides soumis à l'expertise lorsqu'elle fonde sur le seul aveu la condamnation prononcée (Cass. crim., 10 juillet 1919, BCI 22, p. 106, Bull. crim. 166, p. 281) ;

- lorsque, aux termes de l'aveu inséré au procès-verbal, une prévenue a déclaré que le liquide saisi était de. l'absinthe, cet aveu dispense de recourir à l'expertise légale (Cass. crim., 3 juillet 1920, BC122, p. 130) ;

- les juges du fond peuvent valablement se baser, pour condamner un prévenu, sur des notes écrites par lui et contenant l'aveu de sa culpabilité, lorsque ces notes sont reproduites dans le rapport d'expert joint à la procédure, que l'intéressé en a discuté la portée devant le tribunal sans élever aucune contestation relativement à leur authenticité ou à leur teneur (Cass. crim., 27 octobre 1937, BCI 1938-I, p. 8, par arrêt) ;

- en revanche bien qu'un procès-verbal de gendarmerie constate l'aveu du prévenu de colportage de tabacs, l'infraction peut être écartée par les juges auxquels il appartient d'apprécier souverainement les résultats de l'instruction (Cass. crim., 23 novembre 1893, Bull. crim. 317, p. 479).

La Cour de cassation n'a pas à contrôler l'appréciation des éléments de preuve versés aux débats, spécialement des aveux (Cass. crim., 4 février 1942, RJCI 38, p. 69 ; Cass. crim., 25 janvier 1961, RJCI 5, p. 16).

Remarque : divisibilité des aveux. Contrairement à la règle admise en droit civil (Code civ., art. 1356) l'aveu peut, en matière pénale, non seulement être pris en considération, mais même être divisé : la règle de l'indivisibilité de l'aveu n'est pas en l'occurrence applicable (Cass. crim., 3 février 1934, S.1935.1.145, Bull. crim. 25, p. 61 ; Cass. Crim., 17 juillet 1958, Bull. crim. 554, p. 974 ; Cass. crim., 13 mars 1973, Bull. crim. 123, p. 288 ; Cass. crim., 20 mars 1974, Bull. crim. 123, p. 318).

L'aveu peut donc n'être que partiellement retenu.

Ainsi la Cour de cassation a jugé que, lorsque la déclaration du prévenu rapportée au procès-verbal a pour objet des faits absolument distincts que ne relie aucune connexité, elle ne constitue pas un aveu indivisible ; par suite, les juges peuvent ne retenir qu'un seul des termes de cet aveu, tout en écartant le second terme en contradiction avec les faits de la cause (Cass. crim., 10 juillet 1919, BCI 22, p. 106, Bull. crim. 166, p. 281).

b. Rétractation de l'aveu

59L'aveu peut toujours être rétracté lorsqu'il a été mensonger par calcul, inexact par suite d'erreur ou encore arraché par des menaces.

Bien entendu, lorsque les aveux d'un prévenu, consignés au procès-verbal, ont été rétractés au moment de la rédaction de celui-ci ils ne peuvent être tenus pour constants (Cass. crim., 20 octobre 1808, Mém. Cl 5, p. 257).

1° Pouvoirs des juges du fond

Comme tout élément de preuve, l'aveu et plus spécialement la portée de sa rétractation, est laissé à la libre appréciation des juges du fond (Code de Proc. pén., art. 428).

Ce principe a été confirmé par la Cour de cassation dont la jurisprudence rappelée ci-après a permis de préciser et de délimiter ce pouvoir de souveraine appréciation.

Il appartient aux juges du fond de constater l'existence d'un aveu et de sa rétractation et d'apprécier souverainement la force probante qu'ils doivent respectivement leur attribuer (cf., par ex., Cass. crim., 17 juin 1922, Bull. crim. 215, p. 353, rejet ; 17 octobre 1962, RJCI 28 p. 93, et les arrêts cités ; Cass. crim., 4 décembre 1978, Bull. Crim. 342. p. 896).

2° Rôle de la Cour de cassation

La libre appréciation des juges du fond échappe au contrôle de la Cour de cassation du moment où les motifs sur lesquels elle s'appuie ne comportent ni contradiction, ni erreur de droit. Mais la cassation est encourue pour défaut de motifs lorsque l'arrêt néglige d'apprécier la force probante des aveux et de leur rétractation (Cass. crim., 27 mai 1948, RJCI 18, p. 39).

2. Aveux et déclarations de personnes autres que le prévenu

a. Déclarations de tiers

60Le procès-verbal fait foi de la matérialité même des déclarations des tiers, mais les juges en apprécient souverainement la valeur (Cass. crim., 27 novembre 1957, RJCI 74, p. 212).

Les auteurs des déclarations peuvent être appelés en témoignage afin de renforcer, le cas échéant, l'efficacité du procès-verbal qui aurait dû relater les investigations complémentaires du service : constatations matérielles corroborant les indications recueillies.

La culpabilité d'un prévenu peut être notamment déduite de documents occultes et de déclarations d'un tiers, sous réserve de l'appréciation souveraine des juges du fond.

A cet égard, la Cour de cassation a jugé que pour déclarer des prévenus coupables d'infractions au régime fiscal et économique de l'alcool, un arrêt peut se fonder sur divers documents, tels que des jeux de factures, des agendas ou des carnets occultes qui ont été saisis régulièrement et que les juges décrivent et analysent, ainsi que sur les déclarations d'un témoin, ancien caviste du négociant inculpé, qui confirment les résultats de l'enquête et de l'information. Ces éléments de preuve, soumis aux débats, relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond (Cass. crim., 17 octobre 1974, RJ n° 1, p. 121 : voir également les observations figurant sous cet arrêt).