Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3311
Références du document :  13E331
13E3311

SECTION 1 ACTION FISCALE


SECTION 1

Action fiscale



SOUS-SECTION 1

Généralités


1La juridiction gracieuse dont le domaine est délimité par l'article L 247 du LPF s'applique notamment aux contributions indirectes.

En cette matière, la juridiction gracieuse peut accorder aux contrevenants, sur demande de leur part et sous certaines conditions, soit une remise ou une modération portant sur les pénalités mises à leur charge par décision de justice irrévocable, soit une transaction.

Par la transaction, l'Administration consent au redevable une atténuation des pénalités légalement encourues et renonce à obtenir des tribunaux la condamnation du contrevenant.

Ainsi l'emploi par l'Administration du contrat défini à l'article 2044 du Code civil a pour effet, conformément à l'article L. 251 du LPF, après approbation par l'autorité compétente 1 et exécution par le redevable, de rendre la transaction définitive, et de faire obstacle pour les deux parties - administration et contribuable - à toute introduction ou reprise d'une procédure contentieuse.

2Aussi la plupart des affaires sont-elles réglées par la voie de la juridiction gracieuse.

Il existe cependant des cas où ce mode de règlement se trouve écarté. Il en est ainsi, par exemple, lorsque :

- l'Administration, en raison de la gravité de l'affaire ou de la personne du contrevenant (trafiquant notoire) exclut un arrangement amiable ;

- les infractions constatées doivent être portées en justice parce qu'elles concement soit la fabrication, la vente en gros et en détail et la circulation de l'absinthe ou des liqueurs similaires, soit la détention, la vente et le colportage des tabacs, s'il existe une entreprise de contrebande ;

- le délinquant refuse la transaction qui lui est offerte ;

- l'Administration désire faire prendre par les tribunaux un jugement sur un point de droit insuffisamment précisé par la loi, ou obtenir une hypothèque judiciaire.

Dans toutes ces hypothèses, il convient de saisir l'autorité judiciaire.

3En matière de contributions indirectes, pour les matières qui demeurent de sa compétence c'est, en principe, à l'administration des Impôts seule qu'appartient le droit d'exercer l'action fiscale c'est-à-dire de poursuivre, quant aux amendes et confiscations, les fraudes et contraventions (Cass. des 11 novembre 1826 et 1er octobre 1832) en vertu de textes qui remontent à l'époque révolutionnaire tel que l'article 90 de la loi du 5 ventôse au XII, le décret du 1er germinal an XIII.

La plupart des dispositions contenues dans ces textes ont été incorporées au CGI (exemple : art. 90 de la loi du 5 ventôse précité codifié à l'art. 1867).

Alors que les infractions pénales ordinaires peuvent donner naissance à deux actions distinctes, l'action publique ou pénale et l'action civile (Code de procédure pénale, art. 1 et 2), les infractions fiscales au contraire ne donnent lieu, en principe, qu'à une seule action, l'Administration représentant à la fois l'autorité publique chargée de faire exécuter la loi fiscale et la personne morale qui a été lésée par cette infraction (cf. ci-dessous, n° 3312-9).

Cette action de la DGI qui tient à la fois de l'action pénale et de l'action civile - ce qui s'explique par le double caractère des peines fiscales - est dénommée l'action fiscale (à caractére répressif).

L'action fiscale « répressive » participe, en partie, de l'action publique. En effet, elle tend au maintien de l'ordre public par la répression des infractions et l'application de peines.

Mais l'action fiscale participe également de l'action civile : réparation du préjudice causé au Trésor par l'infraction (dommages et intérêts). Il est précisé sur ce point que l'article R 247 du Code de procédure pénale (décret du 4 février 1974) assimile les administrations publiques aux parties civiles en ce qui concerne la liquidation et le recouvrement des frais.


  A. NATURE CORRECTIONNELLE DE L'ACTION FISCALE RÉPRESSIVE


4De même que les amendes prononcées en matière de contributions indirectes ont un caractère mixte, c'est-à-dire qu'elles constituent tout à la fois des peines par leur nature et des dommages-intérêts par leur qualité, de même l'action de l'Administration a un double caractère.

Il résulte cependant de la jurisprudence 2 et de la doctrine que le caractère pénal l'emporterait.

5C'est en raison de ce caractère pénal que, par exemple :

- Le décès du prévenu entraîne l'extinction de l'action de l'Administration lorsqu'il intervient avant jugement définitif (cf. 13 E 2264 ). Il a été jugé que :

- « L'amende en matière de contributions indirectes n'a pas exclusivement le caractère d'indemnité et de réparation civile ; elle a aussi un caractère personnel. Par conséquent, l'action de la régie, sous ce rapport, s'éteint par le décès du prévenu et ne peut être poursuivie à l'encontre des héritiers de celui-ci » [Cass. crim., 16 décembre 1898, BCI, 1899, n° 19] 3  ;

- « Si les amendes fiscales sont des peines de natures spéciale, elles n'ont cependant pas exclusivement le caractère d'indemnité et de réparation civile et, sous ce rapport, conformément au principe édicté par l'article 6 du Code de Procédure pénale, l'action s'éteint par le décès du prévenu... » (Cass. crim., chambres réunies, 26 avril 1961, RJCI, n° 17, p. 53) ;

Cette jurisprudence découlait déjà d'un arrêt de la chambre criminelle aux termes duquel :

« Attendu que ; en matière criminelle, le pourvoi suspend les effets des jugements contre lesquels il est formé ; qu'aux termes des articles 2 et 3 du Code d'instruction criminelle 4 le décès éteint l'action publique ; qu'il n'échet en conséquence de statuer sur le pourvoi et qu'il en est ainsi aussi bien en ce qui concerne les amendes fiscales qu'en ce qui concerne les peines prononcées sur la poursuite du ministère public ; qu'en effet, si les amendes fiscales sont des peines d'une nature spéciale, elles n'ont cependant pas exclusivement le caractère d'indemnités et de réparations civiles, qu'elles ont en même temps un caractère personnel et que l'action, sous ce rapport, doit s'éteindre par le décès du prévenu, alors qu'on ne trouve dans les lois relatives aux contributions indirectes aucune dérogation expresse au principe édicté par l'article 2 du Code d'instruction criminelle » (Cass. crim., 7 novembre 1946, D. 1947, 29) ;

- La loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux d'enfants modifiée et complétée par l'ordonnance du 2 février 1945, s'applique aux infractions des contributions indirectes.

Jugé que « la loi du 22 juillet 1912 relative aux tribunaux d'enfants est générale ; elle s'applique à tous les crimes et délits commis par les mineurs âgés de moins de 18 ans, y compris les infractions de contributions indirectes même celles punies de simples amendes, puisque les amendes fiscales n'ont pas seulement le caractère de réparations civiles, mais aussi un caractère pénal » (Jurisprudence : Cass. crim., arrêt du 18 mai 1916, TGI, tribunaux d'enfants n° 1, BCI, 18, p. 72, Bull. crim., 114) ;

- Les amendes fiscales prononcées par les tribunaux correctionnels n'ont pu bénéficier de la suspension de délai accordé en matière civile, commerciale et administrative jusqu'à la cessation des hostilités par l'article 2 de la loi du 5 août 1914.

Jugé que « les condamnations pécuniaires prononcées en vertu des lois de contributions indirectes peuvent être considérées tantôt comme les réparations civiles, tantôt commes les peines, mais elles demeurent des amendes prononcées par les tribunaux correctionnels et ne sauraient pour ce motif, bénéficier de la suspension accordée, en matière civile et administrative, jusqu'à la cessation des hostilités par l'article 2 de la loi du 5 août 1914 » (Jurisprudence : Cour de cassation, req. du 16 juillet 1928, TGI, amendes fiscales et autres n° 21, BCI, 1928, n° 18).

(Voir aussi Cass. crim., 2 février 1920, Bull. crim., n° 272).

- Les condamnations prononcées contre le mari peuvent être exécutées sur les biens de la communauté (Cour d'appel d'Agen, 27 avril 1936, BCI, 23, TGI, amendes fiscales et autres, n° 25). Il ressort de cet arrêt que :

« Les amendes encourues par le mari pour crime, délit ou contravention peuvent se poursuivre sur les biens de la communauté. Il en résulte que lorsque la Régie fait saisir arrêter, pour obtenir paiement de pénalités correctionnelles prononcées contre le mari, un capital et une rente viagère dus à deux époux mariés sous le régime de communauté les tribunaux ne peuvent limiter les effets de cette saisie à la moitié des sommes dues, pour le motif que l'autre moitié serait la propriété exclusive de la femme » ;

- Les dispositions de la loi d'amnistie du 24 octobre 1919 visant les « délits » commis par diverses catégories de personnes, ont été reconnues applicables aux poursuites de l'Administration. Sur ce point ont été pris les arrêts suivants :

Cass. crim. 5 décembre 1919 (TGI, amnistie, n° 16, BCI, 1920-2, Bull. crim., 258).

« L'article 4 de la loi du 24 Octobre 1919 est conçu en termes généraux et doit, dès lors, recevoir son application pour toutes autres matières ».

Cass. crim. 12 décembre 1919 (TGI, amnistie n° 18, BCI, 1920, 3, Bull. crim., 272).

« L'amnistie accordée par l'article 2, n° 16 de la loi du 24 octobre 1919 ne s'étend qu'aux poursuites pour lesquelles il n'avait pas encore été statué au fond du jour de la promulgation de la loi, les jugements ou arrêts ayant statué au fond n'étant pas assimilables aux simples actes de procédure, seuls visés par le texte et ayant eu pour objet d'interrompre la prescription ».

6En définitive la Cour suprême donne primauté au caractère pénal 5 - correctionnel, de l'action de l'Administration qui se rapproche de l'action publique, en jugeant notamment que « les condamnations pécuniaires prononcées en vertu des lois sur les contributions indirectes, peuvent suivant le point de vue auquel on se place pour apprécier leur caractère, être considérées tantôt comme des peines, et tantôt comme des réparations civiles mais quel que soit le point de vue auquel on se place, elles sont certainement des amendes et sont prononcées par les tribunaux correctionnels en matière correctionnelle, elles tombent dès lors et nécessairement sous le coup de l'article 9 du Code pénal 6 et de l'article 636 7 du Code d'instruction criminelle » (Cass. civ., 12 décembre 1890, Sir. 1891-1-118, Dall. 1891-1-103 ; Cass.req., 16 juillet 1928, Bull. Cl, 1928 n° 18).

Dans deux arrêts 8 plus récents, la Cour de cassation a confirmé sans ambiguïté la nature correctionnelle de l'action fiscale répressive :

« En poursuivant la réparation du préjudice causé au trésor par une infraction fiscale, la DGI exerce une action dont la connaissance a été attribuée aux tribunaux correctionnels par l'article 90 de la loi du 5 ventôse an XII (codifié actuellement à l'article L. 235 du LPF) et la juridiction criminelle reste compétente pour connaître de cette action, alors même qu'elle n'aurait pas à constater l'existence d'un délit et à statuer sur l'action publique » (TGI, action fiscale, n° 30, Cass. crim., 23 mars 1939, BCI, 11, Bull. crim., 65 ; Cass. crim., 21 décembre 1939, BCI, 1940-7).

7L'action répressive fiscale a d'ailleurs une nature correctionnelle quel que soit le montant des pénalités encourues. « Les lois et règlements ne sont abrogés que si l'abrogation est expresse ou si elle résulte implicitement et nécessairement de dispositions nouvelles inconciliables avec les dispositions. anciennes ».

8En réalité, l'action fiscale (comme les amendes prononcées en matière de contributions indirectes) a un caractère mixte : pénal (sanction) et civil (dommages et intérêts). Ces deux caractères subsistent parallèlement, et chacun d'eux produit ses effets suivant la nature des poursuites. Chaque problème juridique doit être résolu suivant sa nature propre.

Aussi la doctrine fiscale actuelle s'abstient-elle d'accorder primauté à l'un des deux caractères de l'action correctionnelle, se contentant de façon pragmatique d'insister - en fonction des faits constituant l'infraction - soit sur l'aspect pénal soit sur l'aspect de réparation.


  B. INDÉPENDANCE DE L'ACTION FISCALE RÉPRESSIVE ET DE L'ACTION CIVILE AYANT POUR OBJET LE FOND ET LE RECOUVREMENT DES DROITS


9La connaissance des contraventions en matière de contributions indirectes appartient aux tribunaux correctionnels (art. L. 235 du LPF, loi du 5 ventôse an XII, art. 90). Les tribunaux de grande instance, statuant au civil, sont en revanche compétents, quelle que soit l'importance de la somme, lorsque le litige porte sur le fond ou le recouvrement des droits (art. L. 199 du LPF art. 88 de la loi du 5 ventôse an XII).

L'Administration dispose donc de deux actions l'une civile, l'autre correctionnelle qui sont distinctes et indépendantes l'une de l'autre, (Jurisprudence, Cour de Lyon, arrêt du 15 octobre 1923 9 , TGI, action civile, n° 7, BCI, 23).

Ainsi il a été jugé (Cass. civ., 30 décembre 1903, TGI, action fiscale, n° 9, BCI, 1904-6) que l'action pénale et l'action fiscale étant indépendantes « l'Administration , n'est pas tenue d'attendre le résultat des poursuites correctionnelle sur un procès verbal constatant un excédent d'alcool à haut degré pour réclamer par contrainte (actuellement avis de mise en recouvrement) les droits sur le manquant qui en a été la conséquence. La prescription... lui est opposable si elle n'a décerné sa contrainte dans... ».

10De l'indépendance de l'action civile et de l'action correctionnelle de l'Administration il résulte que :

- L'acquittement des droits éludés met fin à l'action civile mais n'éteint pas l'action répressive. Il a en effet été jugé que la Régie a le droit d'exercer l'action pénale quand bien même les droits du Trésor auraient été acquittés (TGI, action civile n° 7, renvoi 2, Cass. crim., 22 mars 1900, Bull. crim., 123, Cour de Nimes, 5 novembre 1897, BCI, 1898-2), bien qu'elle ait commencé par engager une instance civile dont elle se serait désistée (Cass. crim., 11 août 1885, S. 88-1-468).

Jugé également que le fait que « la Régie a réclamé d'abord, un supplément de droit n'implique pas qu'elle ait renoncé à déférer la contravention fiscale au Tribunal correctionnel » (cf. arrêt du 15 octobre 1923, précité). La prescription des droits n'éteint pas l'action répressive.

Jugé, par un arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, en date du 12 décembre 1973 [RJCI, p. 132] 10 . Qu'il résulte de l'article 624 du CGI que l'action correctionnelle résultant des contraventions aux lois et règlements en matière de contributions indirectes est exercée dans les délais et formes ordinaires. Il s'en déduit que la seule prescription applicable à cette action est celle de trois ans prévue à l'article 8 du Code de Procédure pénale

L'article L 178 du LPF qui ne concerne d'après ses propres termes, que la seule action en répétition dont l'Administration dispose au regard des droits, taxes, redevances, soultes et autres impositions indirectes, est étranger à l'exercice de l'action correctionnelle

11A l'inverse, des poursuites exercées au correctionnel pour une contravention ayant fait I objet d'une condamnation définitive ne font pas obstacle à ce qu'ultérieurement une action soit engagée au civil pour le recouvrement des droits

 

1   LPF art R. 247.5 et R 247.6. Il est précisé qu'en vertu de l'article 16 de la loi n° 1453 du 29 décembre 1977 :

- d'une part, que lorsque l'action fiscale de l'administration a été mise en mouvement toute transaction doit obtenir accord de principe de l'autorite judiciaire ; LPF art. L 249.

- d'autre part, que lorsque l'action judiciaire n'a pas encore été mise en mouvement et pour des affaires excédant les limites de compétences des directeurs des services fiscaux, la décision transactionnelle est subordonnée à l'avis du comité du contentieux fiscal douanier et des changes institué par l'article 20 de ladite loi (LPF art R* 247-12).

2   Découlant notamment des arrêts rendus par la chambre civile de la cour de cassation

3   Néanmoins, le double caractère de l'action fiscale permet à l'Administration de réclamer aux héritiers du prévenu les pénalités proportionnelles et la confiscation à titre de réparations civiles (cass. crim., 5 janvier 1977, RJCI, p 39).

4   Actuellement art 6 du Code de procédure pénale.

5   Arrêts rendus essentiellement par la Chambre civile de la cour de cassation : la chambre crim, estime que l'amende est moins une peine que la répartion civile du préjudice causé à l'Etat : (cas d'espèce) :

- Cass. crim., 18 novembre 1897 et 17 février 1898, Bull. crim., 97, n° 265 et Bull. crim. ; 98, n° 6 ;

- Cass. crim., 22 juillet 1911, Bull. Cont. ind. 1911, ne 20 ;

- Cass. crim, 21 juillet 1928, Bull. Cont. ind. 1928, n° 6 ;

- Cass. crim, 25 juillet 1928, Bull. Cont. ind. 1928, n° 18 ;

6   Concernant les peines correctionnelles.

7   Actuellement article 133-3 du nouveau Code pénal.

8   Ci-après n° 10 , Cass. crim., 12 décembre 1973. Nature correctionnelle de l'action répressive. Jurisprudence confirmée de nouveau.

9   Voir également Cass. crim., 1er mai 1909, Bull. crim., 238.

10   Voir également Cour d'appel de Lyon, 15 Octobre 1923, TGI, action civile n° 7, précité (cf. ci-dessus, n° 9 )