Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E2333
Références du document :  13E2333

SOUS-SECTION 3 CHEF D'UNE ENTREPRISE RÉGLEMENTÉE


SOUS-SECTION 3

Chef d'une entreprise réglementée



  A. FONDEMENT


1En droit pénal, le chef d'une entreprise soumise à une réglementation administrative est pénalement responsable des contraventions commises par les personnes placées sous ses ordres. En effet, si en principe, nul n'est passible de peines qu'en raison de son fait personnel, la responsabilité pénale peut cependant naître du fait d'autrui dans les ca exceptionnels où certaines obligations légales imposent le devoir d'exercer une action directe sur les faits d'un auxiliaire ou d'un subordonné (Cass. crim., 12 mai 1893, Bull. crim. 126).

Cette responsabilité du fait d'autrui trouve son fondement dans la circonstance que le dirigeant d'une entreprise réglementée est tenu d'assurer personnellement l'exécution des règlements et que ses obligations légales engendrent le devoir d'exercer une action directe sur les faits des personnes placées sous ses ordres.

2Les principes de droit commun précités trouvent leur application en matière de contributions indirectes où les infractions constituent des contraventions.

Il résulte d'une jurisprudence constante que le dirigeant - de droit ou de fait - d'une entreprise soumise à une réglementation administrative, doit être rendu responsable de l'inobservation des prescriptions légales ou réglementaire auxquelles il est assujetti. Les fonctions de gérant d'un établissement ou d'une société soumis à une telle réglementation impliquent par elles-mêmes, de la part de celui qui en est investi, une participation directe aux actes de ce établissement ou de cette société (Cass. crim., 11 novembre 1943, RJCI 60, p. 87, Bull. crim. 114, p. 168 ; cass., 12 mars 1947, RJCI 18, p. 42 ; rejet 24 novembre 1953, RJCI 35, p. 91 Bull. crim. 305, p. 534 ; rejet, 4 juin 1955, RJCI 23, p. 182 ; rejet, 4 mars 1959 (deux arrêts), RJCI 23, p. 67 et 24, p. 70 ; rejet, 28 novembre 1973, RJCI, p. 126 ; cass 13 décembre 1973, RJCI, p. 113). Notamment, le gérant d'une société qui a reçu mandat de la représenter vis-à-vis del'Administration est pénalement responsable des contraventions commises dans l'exercice du commerce qu'il dirige (Crim., rejet 24 novembre 1953 précité ; cass. 19 octobre 1954, RJCI 42, p. 103 ; rejet, 4 juin 1955 et 4 mars 1959 (2e arrêt) précités, rejet, 10 juin 1960 RJCI 58, p. 167 ; 28 novembre 1973 précité ; 13 décembre 1973 précité).


  B. PERSONNES RESPONSABLES EN QUALITÉ DE CHEF D'ENTREPRISE RÉGLEMENTÉE


3A titre d'exemples, ont été reconnus, par les tribunaux, responsables en qualité de chef d'une entreprise réglementée :

- l'exploitant de salle cinématographique, eu égard au contrôle des recettes réalisées dans lesdites salles 1 (Crim. rejet 17 octobre 1967, RJCI, p. 52) ;

- le cadre salarié de l'entreprise individuelle d'alimentation de son père, fondé de pouvoir de celui-ci et accrédité auprès de l'Administration à l'effet de remplir certaines formalités engageant l'entreprise 2 (Crim. cass 13 décembre 1973, RJCI, p. 113 et rejet 10 février 1976 ; Cass. crim., 16 novembre 1976, RJCI, p. 219) ;

- le gérant de fait d'une société, et son épouse, gérante statutaire, solidairement responsables pour défaut de souscription des déclarations prévues par la réglementation fiscale pour la mise en service des appareils automatiques (Crim., rejet 27 octobre 1971, RJCI, p. 50) ;

- le co-gérant d'une société à responsabilité limitée exerçant l'activité de marchand en gros de boissons, qui était le principal porteur de parts de la société, qui y était entré dans le but d'en restaurer le crédit et à qui les statuts conféraient, à titre personnel, comme à son co-gérant, les pouvoirs d'administration les plus étendus (Crim., rejet 28 novembre 1973, RJCI, p. 126) ;

- en cas de dualité de dirigeants, le président-directeur général ayant tous les pouvoirs de gestion au sein d'une société exerçant le commerce en gros des boissons et n'ayant pas démissionné, mais au contraire fait connaître sa résolution de rester en place malgré l'existence d'une délibération du Conseil d'administration conférant délégation de ses pouvoirs de gestion à une autre personne, prévenue (Crim., rejet, 5 octobre 1972, RJCI, p. 41) ;

-deux co-gérants, investis l'un et l'autre du mandat de représentation vis-à-vis de l'administration fiscale : ils avaient l'obligation de veiller au respect de la réglementation. En conséquence, la condamnation du co-gérant qui dirigeait effectivement la société n'exclut pas celle de l'autre, quand bien même celui-ci serait relaxé du chef des délits de droit commun dont certaines des infractions fiscales étaient constitutives, en raison de son âge, de son état de santé, de ses attributions mineures au sein de l'entreprise et de sa non-participation à la fraude (Crim., rejet 26 mars 1974, RJCI, p, 54).


  C. ÉTENDUE DE LA RESPONSABILITÉ DE CHEF D'ENTREPRISE RÉGLEMENTÉE


4La responsabilité pénale de chef d'une entreprise soumise à une réglementation administrative est encourue du fait de l'infraction commise par le préposé, même si le dirigeant n'a pris aucune part personnelle à l'infraction (Cass, crim., 10 juin 1960, RJCI n° 58). Aussi, le chef d'une entreprise réglementée ne saurait faire grief aux juges du fond de n'avoir pas constaté qu'il avait pris une part personnelle et effective à la fraude, ni même de n'avoir pas recherché si sa non-participation à la gestion de la société était fautive. La seule qualité de chef d'une entreprise réglementée 3 suffit pour engager la responsabilité pénale de celui qui la possède, indépendamment de la part prise par lui dans la gestion de la société ou dans les fraudes constatées (rejet. Crim., 28 novembre 1973, RJCI, p. 126). A cet égard, il importe peu que le dirigeant n'ait pas connu les irrégularités commises ou que sa participation matérielle à la fraude n'ait pas été établie (Cass. crim., 11 mai 1937, BCI n° 14, p. 352 ; cass., 5 juillet 1967, RJCI, p. 37), un simple défaut de surveillance suffisant pour engager sa responsabilité (cf. Crim., rejet, 2 juillet 1910, Bull. crim. 356, p. 668, rejet 29 juillet 1910, Bull. crim, 416, p, 778).

5La responsabilité encourue par le dirigeant d'une entreprise réglementée est une responsabilité personnelle et directe, indépendante de celle qui pèse éventuellement sur l'auteur matériel de l'infraction (Crim., rejet 26 mars 1974 précité). Elle ne fait pas obstacle à ce que le préposé, auteur direct de la contravention soit également poursuivi et condamné (Cass. crim., 28 juin 1817, Bull. crim. 150).

6Aussi, dans le cas d'une société, l'Administration peut elle retenir à la fois :

- la responsabilité de l'auteur de l'infraction ;

- la responsabilité du gérant ou représentant légal en tant que chef d'entreprise réglementée ;

- la responsabilité de la société propriétaire de la marchandise sur laquelle a porté la fraude.

 

1   Arrêt rendu en matière d'impôt sur les spectacles.

2   Formalités relatives à des transactions sur les sucres.

3   Dirigeant de droit ou de fait.