SOUS-SECTION 2 L'OBLIGATION DE PAIEMENT
SOUS-SECTION 2
L'obligation de paiement
35.Lorsque les conditions de sa mise en oeuvre sont réunies (cf. infra n°s 48 et s.), l'obligation de paiement qui pèse sur la caution permet au créancier de réclamer à l'intéressé le montant de la dette garantie.
36.Elle ne saurait échapper à la responsabilité qui lui incombe en se prévalant du changement intervenu dans une situation qui avait déterminé son engagement.
Est ainsi sans incidence sur l'obligation de la caution envers le créancier :
- la rupture du lien conjugal entre le débiteur et la caution (PARIS 12 novembre 1996, D. 1987 Somm. p. 452) ;
- le changement de forme de la société garantie (Cass. Com. 2 octobre 1979, Bull. civ. IV n° 240 p. 194) ;
- la cessation des fonctions du dirigeant social, caution dans la société garantie (Cass. com. 3 novembre 1988, Bull. civ. IV n° 283 p. 193). Il en serait autrement si le dirigeant a stipulé expressément que le cautionnement est lié à l'exercice de ses fonctions et cesserait de plein droit de produire effet lorsqu'il y serait mis fin (Cass. com. 24 avril 1990, Bull. Civ. IV n° 117 p. 77 et 15 octobre 1991, ibid. IV n° 285 p. 198).
37.La caution est toutefois en droit d'opposer une exception d'extinction de la dette principale ou de se prévaloir du bénéfice de cession d'action (cf. infra n°s 43 et s. ).
A. REMISE OU EXTINCTION DE LA DETTE DU DEBITEUR
38.L'article 2036 prévoit que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et sont inhérentes à la dette.
Elle est ainsi fondée à faire valoir que la dette du redevable se trouve éteinte par l'une des causes prévues par l'article 1234 du Code civil (notamment le paiement, la remise de dette, la compensation, la prescription).
Toutefois, la clôture pour insuffisance d'actif ne libère pas la caution alors même que le débiteur ne peut plus être poursuivi (cf. infra n° 95).
I. Le paiement
39.La caution peut invoquer les règles prévues aux articles 1253 et 1256 qui sont relatives à l'imputation des paiements faits par le débiteur principal (Cass. civ. 19 janvier 1994, Bull. civ. I n° 28 p. 22).
Ainsi, si le redevable reste débiteur de plusieurs dettes échues aux mêmes dates dont l'une est cautionnée et l'autre non, l'imputation des paiements s'effectue, à défaut d'expression de la volonté de l'intéressé, sur la dette cautionnée car, par cette imputation, le débiteur se libère à la fois vis-à-vis du créancier et des cautions et non du seul créancier (Cass. civ. 1er 29 octobre 1963, Bull. civ. I n° 462 p. 393).
En cas de pluralité de dettes cautionnées par une même personne envers un créancier unique, à défaut de stipulation contraire convenue entre la caution et le créancier, celui-ci n'est pas tenu d'imputer le paiement partiel qu'il reçoit de la caution autrement qu'en fonction de son propre intérêt (Cass. com. 13 décembre 1988, Bull. civ. IV n° 342 p. 230).
Par ailleurs, lorsqu'un cautionnement ne garantit qu'une partie de la dette, les paiements partiels faits par le débiteur principal s'imputent d'abord, sauf convention contraire, sur la portion de la dette non cautionnée (Cass. com. 5 novembre 1968, Bull. civ. IV n° 306 p. 275 et 28 janvier 1997, ibid. IV n° 28 p. 25).
II. Les remises
40.Aux termes de l'article 1287 du Code civil, les remises ou décharges conventionnelles accordées au débiteur principal libèrent la caution.
III. La prescription 1
41.La prescription acquise au débiteur principal éteint le cautionnement.
Par ailleurs, il est généralement admis que la renonciation par le débiteur à la prescription ne saurait faire renaître l'obligation de la caution.
IV. Défaut de déclaration à la procédure collective ouverte à l'encontre du redevable principal
42.L'extinction de la créance par suite du défaut de déclaration dans le délai légal au passif du redressement ou de la liquidation judiciaire du débiteur principal, prévue par l'article 53 dernier alinéa de la loi du 25 janvier 1985, est une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer au créancier (Cass. com. 17 juillet 1990, Bull. civ. IV n° 214 p. 147 et 6 décembre 1994, ibid. IV n° 362 p. 300 - cf. aussi infra n° 83).
B. BENEFICE DE SUBROGATION 2
43.Aux termes de l'article 2037 du Code civil, la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.
Pour que le bénéfice de subrogation puisse être opposé au créancier, trois conditions doivent être réunies : une faute du créancier, entraînant un dépérissement de droits préférentiels, ce dépérissement faisant naître un préjudice pour la caution.
44.S'agissant de la faute du créancier, l'article 2037 s'applique aussi bien au cas où c'est par simple négligence du créancier que la subrogation de la caution est devenue impossible, qu'au cas où cette impossibilité proviendrait d'un fait direct et positif de sa part (Cass. civ. 3ème 12 novembre 1974, JCP 1975.II. 18182).
La disparition des sûretés doit toutefois être imputable au créancier ou à son mandataire. La caution n'est donc pas déchargée si la perte des droits et garanties attachés à la créance n'est pas le fait exclusif du créancier (Cass. com. 11 janvier 1994, Bull. civ. IV n° 15 p. 12).
45.Les droits dont la perte permet à la caution de bénéficier de l'article 2037 sont ceux susceptibles de conférer à leur titulaire un avantage particulier pour le recouvrement de leur créance.
C'est ainsi, par exemple, qu'a été retenue la perte d'une hypothèque (Cass. com. 3 mars 1980, Bull. civ. IV n° 105 p. 82), d'un nantissement de fonds de commerce (Cass. com. 3 novembre 1975, Bull. civ. IV n° 247 p. 206) ou d'un autre cautionnement (Cass.13 juin 1939, Bull. civ. n° 152 p. 278).
En revanche, la simple prorogation du terme consentie par le créancier au débiteur (art. 2039 du Code civil) ou le fait de ne pas poursuivre celui-ci à l'échéance (Cass. civ. 3 mai 1995, Bull. civ. I n° 187 p. 134) ne permet pas à la caution de se prévaloir de l'article 2037 du Code civil.
De même, la perte du droit de gage général qu'a tout créancier à l'encontre de son débiteur ne peut justifier l'application de l'article 2037, dans la mesure où le droit de gage général ne confère aucun droit préférentiel au créancier (CA Versailles 27 mai 1988, D. 1988 IR p. 210).
Selon l'article 2037, la caution n'est libérée, lorsque la subrogation aux droits, privilèges et hypothèques du créancier ne peut plus s'opérer en sa faveur, que si ces garanties existaient antérieurement au cautionnement ou si le créancier s'était engagé à les prendre (Cass. civ. 1er 8 octobre 1980, Bull. civ. I n° 249 p. 199).
Toutefois, la caution se trouve dégagée de son obligation lorsqu'elle pouvait, au moment où elle s'est engagée, normalement croire que le créancier prendrait les garanties que la loi attache à sa créance (Cass. com. 20 juillet 1973, Bull. civ. IV n° 259 p. 232).
46.Enfin, le bénéfice de subrogation ne joue que si un préjudice a été subi par la caution et si celle-ci aurait pu tirer un profit effectif des droits, hypothèques et privilèges susceptibles de lui être transmis par subrogation (Cass. civ. 1er 25 juin 1980, Bull. civ. I n° 197 p. 159).
47.En application de ces principes, il convient de veiller tout spécialement à la conservation des garanties (notamment privilège du Trésor et hypothèque légale) qui étaient attachées au recouvrement des créances fiscales impayées et qui existaient déjà au jour où l'engagement de cautionnement a été souscrit.
1 Sur les règles applicables à la prescription de l'action en recouvrement voir le BOI 12 C-1-98 et s'agissant plus particulièrement du cautionnement, les paragraphes 117 à 122 et 152.
2 Appelé également « bénéfice de cession d'actions ».