Date de début de publication du BOI : 01/01/1978
Identifiant juridique : 12C5216
Références du document :  12C5216

SOUS-SECTION 6 EFFETS DE L'INSCRIPTION DES HYPOTHÈQUES

SOUS-SECTION 6

Effets de l'inscription des hypothèques

Avant le 1 er janvier 1956, on pouvait parler à bon droit des effets des hypothèques puisque certaines d'entre elles étaient occultes et protégeaient le créancier sans aucune formalité de publicité.

En revanche, depuis cette date, les hypothèques doivent être inscrites pour devenir opposables aux tiers (Code civ., art. 2134 et art. 30 du décret du 4 janvier 1955). Il paraît donc plus logique de parler des effets de l'inscription des hypothèques, cette dernière étant une formalité indispensable à l'existence de ces sûretés.

L'inscription hypothécaire produit des effets :

- d'une part à l'égard du débiteur ;

- d'autre part à l'égard des tiers, c'est-à-dire, soit les autres créanciers du débiteur, soit les détenteurs de l'immeuble hypothéqué.

  A. EFFETS DE L'INSCRIPTION ENTRE LES PARTIES (DÉBITEUR ET CRÉANCIER)

1Il convient d'examiner les effets produits par l'inscription hypothécaire à l'égard du débiteur :

- d'une part avant l'échéance de la créance ;

- d'autre part postérieurement à celle-ci.

  I. Effets encourus avant l'échéance de la créance

2Jusqu'à l'échéance de la créance, l'hypothèque prise ne modifie pas la situation respective du débiteur et du créancier.

31. Le débiteur propriétaire du bien hypothéqué conserve tous les attributs du droit de propriété. Il reste en possession de l'immeuble, l'administre librement et en perçoit les fruits.

Il peut ainsi louer l'immeuble. Toutefois ce droit est limité par l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 qui prévoit que les baux d'une durée de plus de douze ans doivent être publiés et ne sont pas opposables aux créanciers ayant inscrit leur hypothèque avant cette publication.

Par ailleurs ce même article décide, afin d'éviter que le débiteur aliène par anticipation pour une longue durée son droit de perception des loyers ou fermages, que les actes constatant des quittances ou des cessions de loyers ou fermages non échus pour une somme équivalente ou supérieure à trois années sont soumis à publicité.

Le débiteur conserve également le droit de disposer de son immeuble, le créancier étant protégé par le droit de suite dans le cas de vente du bien.

En revanche, il ne peut diminuer la valeur du gage hypothécaire en vendant certains éléments détachables de l'immeuble (par exemple exploitation d'une forêt à un rythme supérieur aux coupes précédemment réglées). La jurisprudence déclare de tels actes inopposables au créancier hypothécaire et, faute de pouvoir les interdire, elle accorde à ce dernier un droit de préférence sur le prix payable au débiteur.

42. Le créancier hypothécaire demeure créancier personnel de son débiteur et conserve donc en plus de son hypothèque, un gage général sur le patrimoine de celui-ci (Code civ., art. 2092). Il conserve ainsi toutes les possibilités d'agir appartenant au créancier chirographaire : action paulienne ou oblique, droit de saisir les autres biens du débiteur.

  II. Effets postérieurs à l'échéance de la créance

5En cas de non paiement de la créance à son échéance, les créanciers hypothécaires peuvent saisir l'immeuble hypothéqué entre quelque main qu'il se trouve, le faire vendre et se faire payer sur le prix de vente.

On se reportera utilement aux commentaires ci-avant (cf. supra C 2213) pour tout ce qui concerne la saisie immobilière.

6Il est cependant précisé qu'à partir de la publication du commandement valant saisie, le constituant de l'hypothèque perd ses droits d'administration sur l'immeuble grevé.

Cette publication, dont le but est de prévenir les tiers qui pourraient traiter avec le saisi, restreint sensiblement, en effet, les droits du débiteur sur son immeuble.

Ainsi les fruits naturels, industriels et civils recueillis postérieurement au dépôt du commandement aux fins de publicité, ou le prix qui en proviendra, sont immobilisés pour être distribués avec le prix de l'immeuble (Code de proc. civ., art. 682).

De même les baux postérieurs au commandement peuvent être annulés sur demande des créanciers (Code de proc. civ., art. 684).

Enfin à partir de la publication du commandement de payer, le débiteur ne peut ni aliéner l'immeuble, ni le grever de droits réels à peine de nullité (Code de proc. civ., art. 686). Toutefois l'aliénation ou la constitution de droits réels restent valables si, avant l'adjudication, l'acquéreur ou le créancier consigne une somme suffisante pour désintéresser les créanciers inscrits et le saisissant et leur signifie l'acte de consignation (Code de proc. civ., art. 687).

  B. EFFETS DE L'INSCRIPTION A L'ÉGARD DES TIERS

7L'hypothèque inscrite donne au créancier hypothécaire un droit de préférence à l'égard des autres créanciers non inscrits et un droit de suite contre les tiers détenteurs de l'immeuble grevé.

  I. Effet de l'inscription à l'égard des autres créanciers : droit de préférence

a. Droit de préférence à l'égard des créanciers chirographaires.

8L'effet essentiel de l'inscription d'hypothèque est le droit de préférence, c'est-à-dire le droit pour le créancier hypothécaire inscrit d'être payé par préférence aux autres sur le prix de vente de l'immeuble donné en garantie. Ce droit lui est accordé aussi bien à la suite d'une vente volontaire qu'après la vente forcée consécutive à la saisie et porte non seulement sur le prix de l'immeuble hypothéqué mais également sur celui des produits et des fruits perçus depuis la saisie et, éventuellement, sur les intérêts de la créance, échus postérieurement à l'inscription, mais portant sur trois années seulement

9Il est à noter que le créancier hypothécaire conserve aussi son droit de préférence :

1° En cas d'expropriation pour cause d'utilité publique sur l'indemnité due ;

2° En cas de destruction ou de détérioration de l'immeuble, sur les indemnités suivantes allouées au propriétaire :

- indemnités d'assurance (incendie, grêle, inondations, etc.) versées au propriétaire par sa compagnie d'assurance ;

- indemnité de responsabilité due par le locataire ou un voisin à la suite de l'incendie de l'immeuble ;

- indemnité d'éviction en matière de dommages de guerre lorsque le propriétaire sinistré décide de ne pas faire reconstruire.

10Dans l'hypothèse où le propriétaire bénéficiaire de dommages de guerre fait reconstruire sur un emplacement autre que celui de l'immeuble sinistré, le droit de préférence, qui portait sur ce dernier, est reporté sur la nouvelle construction. Il en est de même dans le cas d'expropriation pour cause d'utilité publique d'un immeuble hypothéqué : le droit de préférence attaché à cet immeuble est reporté sur la construction réalisée sur un autre emplacement.

11Lorsqu'il n'existe qu'un seul créancier hypothécaire inscrit, le droit de préférence dont il bénéficie fait qu'il doit être payé en premier et intégralement sur le prix de vente de la sûreté ; le surplus du prix étant réparti ensuite entre les créanciers chirographaires, au prorata de leur créance éventuellement.

12Lorsque plusieurs hypothèques grèvent l'immeuble donné en garantie, la répartition du prix de vente s'effectue en fonction du rang des hypothèques entre elles dans les conditions analysées ci-avant (cf. supra 5214, n os 24 et suiv.).

En cas de difficultés dans le classement des hypothèques inscrites, la procédure appliquée pour distribuer le prix de vente de l'immeuble saisi est la procédure d'ordre prévue par les articles 749 à 779 du Code de Procédure civile (cf. supra 251).

b. Ordre de préférence entre les créanciers hypothécaires et les créanciers privilégiés.

13Lorsque plusieurs sûretés de nature différente grèvent le même immeuble, la répartition du prix de vente et de ses accessoires doit s'effectuer dans les conditions suivantes.

Les hypothèques inscrites sont primées par les privilèges généraux et par les privilèges spéciaux inscrits dans les délais impartis par les articles 2108, 2108-1, 2109 et 2111 du Code civil.

1. Les privilèges généraux.

14Les privilèges généraux portent sur les meubles et les immeubles du débiteur et sont dispensés d'inscription.

Depuis l'entrée en vigueur du décret du 4 janvier 1955, deux d'entre eux seulement ont été maintenus. Il s'agit :

- du privilège des frais de justice (Code civ., art. 2104-1°) ;

- du privilège des salaires et des créances assimilées, qui garantit la rémunération des salariés et apprentis (Code civ., art. 2104-2°) :

• rémunération des gens de service pour l'année échue et l'année suivante ;

• salaire différé résultant du contrat de travail institué par l'article 63 du décret du 29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité française pour l'année échue et l'année courante ;

• diverses indemnités accessoires au salaire (indemnités dues en raison de l'inobservation du délai-congé, indemnités dues pour les congés payés, indemnité de licenciement, etc.). Ces diverses indemnités ne sont toutefois privilégiées que jusqu'à un plafond fixé par décret ; au-dessus du plafond elles ne sont privilégiées que pour un quart de leur montant ;

• créances des auteurs compositeurs et artistes auxquelles le privilège des salaires a été étendu par l'article 58 de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique.

Il est à noter que les privilèges généraux doivent être exercés en premier lieu sur les meubles et subsidiairement sur les immeubles.

Par ailleurs, les hypothèques sont primées par le superprivilège des salariés accordé par les articles 47 a et 47 b du livre 1 er du Code du Travail (modifiés par la loi du 13 juillet 1967) en cas de règlement judiciaire ou de liquidation des biens. Ce superprivilège porte sur les rémunérations de toute nature dues :

- aux salariés et apprentis pour les soixante derniers jours de travail ou d'apprentissage ;

- aux voyageurs, représentants et placiers ayant un statut de salariés pour les quatre-vingt-dix derniers jours de travail ;

- aux marins de commerce pour les quatre-vingt-dix derniers jours de travail (ou pour la période de paiement si celle-ci est d'une durée plus longue).

Ces rémunérations et leurs accessoires doivent, d'autre part, être payés, jusqu'à concurrence d'un plafond fixé par décret, avant toute autre créance privilégiée.

2. Les privilèges spéciaux sur les immeubles.

15Priment également les hypothèques, les privilèges spéciaux immobiliers prévus à l'article 2103 du Code civil et inscrits dans les délais impartis par les articles 2108, 2108-1, 2109 et 2111 du Code civil :

- le privilège du vendeur d'immeuble ;

- le privilège du prêteur de deniers pour l'acquisition d'un immeuble ;

- le privilège du copartageant ;

- le privilège des architectes et entrepreneurs ;

- le privilège du prêteur de deniers pour le paiement des architectes et entrepreneurs ;

- le privilège de la séparation des patrimoines.

Inscrits dans le délai imparti, ces privilèges immobiliers spéciaux sont de véritables « hypothèques privilégiées » qui prennent rang, rétroactivement, au jour de la naissance de la créance garantie.

Par contre, si l'inscription est prise après le délai légal, le privilège est assimilé à une hypothèque simple et ne prend rang que du jour de son inscription.

  II. Effets de l'inscription à l'égard des tiers détenteurs de l'immeuble : droit de suite

16Le créancier hypothécaire tient son droit de suite de l'article 2166 du Code civil : « les créanciers ayant privilège ou hypothèque inscrits sur un immeuble, le suivent en quelque main qu'il passe, pour être colloqués et payés suivant l'ordre de leurs créances ou inscriptions ».

Ce droit apparaît donc comme le prolongement nécessaire du droit de préférence dans le cas où l'immeuble est entré dans le patrimoine d'un tiers détenteur (ou tiers acquéreur) ; mais il ne peut être exercé que par les créanciers ayant fait inscrire leur sûreté ce qui exclut les titulaires de privilèges généraux dispensés de la formalité d'inscription.

Le principe du droit de sûreté étant posé il convient d'examiner successivement :

- le domaine du droit de suite ;

- les conditions de son exercice ;

- sa mise en oeuvre ;

- et les diverses issues de la procédure engagée.

1. Domaine du droit de suite.

17Le domaine du droit de suite doit être examiné :

- d'une part, à l'endroit des personnes considérées comme tiers détenteurs ;

- et d'autre part, au regard des aliénations qui lui donnent ouverture.

a. Les tiers détenteurs.

18Il s'agit, en règle générale, des personnes qui sont tenues au paiement de la dette en tant que propriétaires de l'immeuble hypothéqué et non de celles qui sont personnellement débitrices sur l'ensemble de leur patrimoine en vertu de l'article 2092 du Code civil.

En conséquence, les tiers détenteurs exposés au droit de suite sont les suivants :

- les acquéreurs à titre particulier (acheteur, donataire, légataire à titre particulier) ;

- les héritiers ayant accepté la succession du débiteur sous bénéfice d'inventaire ;

- la caution réelle qui a offert son immeuble en garantie de la dette d'autrui ;

- celui qui est devenu propriétaire par l'effet de l'usucapion.

En revanche les ayants cause à titre universel du débiteur qui ont accepté sa succession purement et simplement ne sont pas considérés comme tiers détenteurs pour l'exercice du droit de suite.

b. Les aliénations donnant lieu au droit de suite.

19Seules donnent ouverture au droit de suite :

- les aliénations ayant pour objet la pleine propriété ou l'usufruit de tout ou partie de l'immeuble grevé ;

- et la constitution d'un droit de superficie, d'emphytéose ou d'un bail à construction.

20En revanche la constitution de droits réels tels que les servitudes, le droit d'usage ou d'habitation, le droit de mitoyenneté ne donnent pas ouverture au droit de suite.

Il en est de même des immeubles par destination détachés de l'immeuble grevé. Ces objets cessent d'être hypothéqués, puisque redevenus meubles, en vertu de l'article 2119 du Code civil. Les créanciers conservent néanmoins leur droit de préférence sur le prix de vente de ces objets. Il est à noter que la même règle s'applique aux matériaux de démolition et aux récoltes coupées.