SOUS-SECTION 2 ASSIETTE DE L'HYPOTHÈQUE
SOUS-SECTION 2
Assiette de l'hypothèque
L'assiette de l'hypothèque est l'étendue de la garantie offerte au créancier, c'est-à-dire le bien sur lequel elle est établie.
Cette garantie peut être générale ou spéciale et se traduit par une hypothèque de même nature.
Elle peut, par ailleurs, faire l'objet de transformations.
A. ASSIETTE DES HYPOTHÈQUES GÉNÉRALES
1Les hypothèques générales susceptibles de garantir une créance sont :
- l'hypothèque judiciaire (Code civ., art. 2123) ;
- les hypothèques légales prévues par l'article 2121 du Code civil ou par d'autres codes ou des lois spéciales (cf. ci-après 5213, n° 4).
Elles frappent tous les immeubles (accessoires et améliorations compris) que le débiteur possède et tous ceux qui, par la suite, entrent dans son patrimoine jusqu'au moment de son décès. Elles constituent de ce fait un droit réel qui peut grever tout le patrimoine du débiteur mais qui ne peut s'étendre au-delà du décès de ce dernier.
L'extension de l'hypothèque générale se trouve à ce moment définitivement limitée aux immeubles appartenant au défunt et n'a pas d'effet sur ceux de ses héritiers.
La généralité de l'hypothèque a toutefois été limitée par le décret du 4 janvier 1955 (cf. infra 5213-6).
B. ASSIETTE DE L'HYPOTHÈQUE SPÉCIALE
2En dehors des cas d'hypothèque générale prévus par la loi, l'hypothèque est en principe spéciale depuis la réforme de 1955, c'est-à-dire qu'elle ne concerne que des immeubles présents et individuellement désignés. Tel est le cas de l'assiette de l'hypothèque conventionnelle.
La règle de la spécialité de l'hypothèque qui touche à la forme et au fond comporte deux aspects : l'hypothèque conventionnelle doit être spéciale quant aux biens hypothéqués et quant aux créances garanties.
I. Spécialité du bien hypothéqué
3La règle de la spécialité du gage hypothécaire n'interdit pas au débiteur d'hypothéquer tous ses immeubles mais elle l'oblige à désigner individuellement tous les immeubles affectés à la garantie hypothécaire.
L'article 2129 du Code civil stipule, en effet, que la constitution d'une hypothèque conventionnelle n'est valable que si le titre authentique constitutif de la créance ou un acte postérieur déclare spécialement la nature et la situation des immeubles sur lesquels l'hypothèque est consentie.
Par ailleurs, cet article renvoie à l'article 2146 du même code qui exclut « toute désignation générale, même limitée à une circonscription territoriale donnée ».
4Il s'ensuit que l'hypothèque spéciale ne saurait grever des immeubles à venir [Code civ., art. 2130, 1 er al.] 1 .
5Toutefois plusieurs dérogations à la règle de la spécialité du gage hypothécaire sont prévues par le Code civil lui-même.
Ces dérogations ressortent des articles 2130, alinéa 2, 2131 et 2133 :
- si les biens présents et libres sont insuffisants pour la sûreté de la créance, le débiteur peut, en reconnaissant cette insuffisance, consentir que chacun des biens qu'il acquerra par la suite y soit spécialement affecté au fur et à mesure des acquisitions (Code civ. art. 2130. 2 e al.).
La dérogation prévue dans ce 2 e alinéa de l'article 2130 parait ôter presque toute valeur à la règle établie par le 1 er alinéa du même article qui, il faut le rappeler, stipule que « les biens à venir ne peuvent pas être hypothéqués ».
Il est à noter cependant que le 2 e alinéa de l'article 2130 précise que le débiteur doit être déjà propriétaire d'immeubles, mais d'immeubles insuffisants pour la garantie, soit parce que leur valeur est inférieure au montant de la créance à garantir, soit parce que ces biens sont déjà hypothéqués. Par ailleurs, cette insuffisance doit être reconnue dans le contrat.
Il s'ensuit que la personne qui ne possède aucun immeuble au moment de l'acte ne peut hypothéquer ses biens à venir :
- si l'immeuble ou les immeubles présents, assujettis à l'hypothèque ont péri ou éprouvé des dégradations telles que la garantie du créancier soit insuffisante, celui-ci peut, soit poursuivre immédiatement son remboursement, soit obtenir un supplément d'hypothèque, sur les biens à venir par exemple (Code civ., art. 2131) ;
- enfin, l'article 2133, 2 e alinéa, ajoute que lorsqu'une personne possède un droit actuel lui permettant de construire à son profit sur le fonds d'autrui, elle peut constituer hypothèque sur les bâtiments dont la construction est commencée ou simplement projetée.
Par ailleurs cet article ajoute qu'en cas de destruction des bâtiments, l'hypothèque est reportée de plein droit sur les nouvelles constructions édifiées au même emplacement. Cette dernière exception à l'interdiction de l'hypothèque conventionnelle sur les biens à venir fait partie des mesures tendant à faciliter le financement de la construction.
6Il est rappelé que l'assiette de l'hypothèque conventionnelle sur un immeuble s'étend à ses accessoires et à ses améliorations (cf. supra 5211-6 et suiv.).
II. Spécialité des créances garanties
7Aux termes de l'article 2132 du Code civil, l'hypothèque conventionnelle n'est valable qu'autant que la somme pour laquelle elle est consentie est certaine et déterminée dans l'acte.
Le même texte précise toutefois que si la créance est conditionnelle dans son existence ou si son montant est encore indéterminé dans sa valeur il convient d'en fournir une estimation. L'inscription ne sera prise qu'à concurrence de l'évaluation faite par le créancier et que le débiteur aura le droit de faire réduire, s'il y a lieu.
Il appartient au notaire chargé de la rédaction de l'acte constitutif d'hypothèque de mentionner, sous peine de nullité, la cause de la créance garantie (par exemple, somme due en remboursement d'un prêt ou d'une avance de fonds) et d'indiquer le montant de la créance.
Dans l'hypothèse où ce montant est indéterminé il n'est pas indispensable d'en fournir l'estimation ; cette indication sera mentionnée dans l'inscription à la conservation des hypothèques.
8En vertu de l'article 2148 du Code civil modifié par le décret du 7 janvier 1959, le créancier doit, d'autre part, indiquer dans l'inscription :
- la date et la nature du titre ;
- la cause de l'obligation garantie par l'hypothèque :
- le capital de la créance, de ses accessoires et l'époque normale d'exigibilité.
9Si la créance garantie est conditionnelle, l'inscription doit comporter la condition qui en affecte l'existence et si elle est assortie d'une clause de réévaluation l'inscription doit mentionner son montant originaire ainsi que la clause de réévaluation (Code civ., art. 2148-4).
C. TRANSFORMATION DE L'ASSIETTE DE L'HYPOTHÈQUE
10L'hypothèque subit une transformation de son assiette au cas de perte ou de destruction de l'immeuble hypothéqué.
La perte de l'immeuble s'entend d'un événement juridique qui prive le constituant de l'hypothèque de son droit de propriété (expropriation pour cause d'utilité publique par exemple).
La destruction de l'immeuble concerne essentiellement les constructions ; lorsqu'elle n'est que partielle, elle n'entraîne pas disparition de l'hypothèque : celle-ci subsiste sur ce qui reste de l'immeuble bâti et sur le sol.
11Qu'il s'agisse de la perte totale ou de la destruction d'un bien, la jurisprudence se refuse à faire application de la théorie de la subrogation réelle.
12Toutefois dans un certain nombre de cas spécialement visés par la loi, la subrogation produit ses effets.
Il en est ainsi en ce qui concerne les indemnités versées au cas d'expropriation pour cause d'utilité publique (art. 21 et 22 du décret-loi du 8 août 1935 et art. 8 de l'ordonnance du 23 octobre 1958) ; toutefois le créancier hypothécaire n'a pas de droit de suite contre l'Etat mais garde son droit de préférence sur l'indemnité d'expropriation.
13Il en est de même pour les indemnités d'assurance au cas de destruction de l'immeuble hypothéqué (art. 37 de la loi du 13 juillet 1930). Le premier paragraphe de cet article énonce que « les indemnités dues par suite d'assurance contre l'incendie, contre la grêle, contre la mortalité du bétail, ou les autres risques, sont attribuées sans qu'il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers hypothécaires, suivant leur rang ».
14Par ailleurs, au cas de destruction partielle ou de dégradations de l'immeuble qui rendent le gage hypothécaire insuffisant, il est rappelé que le créancier peut, en vertu de l'article 2131 du Code civil, soit demander son remboursement, soit obtenir un supplément d'hypothèque (cf. supra n° 5 ).
1 Dans l'hypothèse où l'hypothèque constituée porte à la fois sur des biens présents et sur des biens à venir elle reste valable seulement pour les biens présents