SECTION 1 L'ORDRE
2. Production.
a. Délai.
39.Les créanciers sont tenus de produire dans les quarante jours de la sommation qui leur a été faite (art. 754 du cpc).
Ce délai court, pour chaque créancier séparément, du jour où la sommation est personnellement adressée, et non de la date de la dernière sommation faite dans la procédure d'ordre (Cass. civ., 30 avril 1890, DP 1890.1. p. 461). Il est décompté conformément aux règles fixées par les articles 641 premier alinéa et 642 du nouveau code de procédure civile.
Le jour de la sommation, qui fait courir le délai, ne compte pas et le délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.
Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Il est par ailleurs susceptible d'augmentation en raison de la distance (art. 643 du même Code).
L'expiration du délai emporte de plein droit déchéance contre les créanciers non produisants mais non contre ceux qui n'ont pas joint les titres à l'appui de leur demande (Cass. civ 12 octobre 1994, Dalloz 1994, IR. p. 252). Le juge constate la déchéance immédiatement et d'office sur le procès-verbal (art. 755 du cpc).
40.Ce délai ne s'applique qu'aux créanciers inscrits régulièrement sommés 1 (Cass. civ. 27 mai 1988, Bull. civ. II n° 126 p. 67). La forclusion atteint également le créancier poursuivant qui n'a pas produit dans le délai de la dernière sommation (Req., 16 juin 1872, DP 1873.1. 120). Mais la forclusion n'est pas encourue par le créancier inscrit non sommé qui peut donc produire tant que l'ordre n'est pas clos.
La déchéance est également encourue par l'adjudicataire qui a une créance à faire valoir et qui n'a pas produit dans le délai de quarante jours susvisé. Il ne peut s'y soustraire en invoquant la compensation entre sa créance et sa dette représentée par le prix de l'adjudication (TGI NICE, 25 mars 1963, Gaz. Pal. 1963-2 p. 133).
41.L'inobservation du délai de quarante jours entraîne l'impossibilité pour le créancier forclos d'être colloqué dans l'ordre. Mais celui-ci n'est pas dépouillé de sa créance ni de son hypothèque. La déchéance laisse en effet subsister son droit notamment, à l'encontre des créanciers chirographaires.
Sur la portion du prix qui n'a pas été absorbée par les créanciers produisants, le créancier hypothécaire ou privilégié forclos aurait droit à ce reliquat par préférence aux cranciers chirographaires.
b. Formes et contenu.
42.La production ne peut s'entendre que d'une « demande de collocation » formulée, comme toute demande en justice, en termes exprès, sans équivoque et motivée (Cass. civ. 22 mai 1948, Gaz. Pal. 1948. 2. p. 15).
L'acte de production doit être présenté et signé par un avocat et communiqué au greffe (art. 754 du cpc). Il doit indiquer le nom du créancier produisant et séparément le capital, les intérêts et les frais pour lesquels il demande à être colloqué.
43.Le créancier qui a régulièrement produit dans le délai légal peut apporter des modifications à sa demande.
Ainsi, le créancier qui a formé une demande en collocation dans le délai légal peut, après l'expiration de ce délai et pour faire maintenir le chiffre de sa demande, faire valoir un droit qu'il n'avait pas d'abord explicitement invoqué mais qui résultait des titres compris dans sa production (Cass. 4 juin 1941, Gaz. Pal. 1941.2. p. 107).
De même, il peut réclamer un meilleur rang ou un privilège dont il ne s'était pas initialement prévalu mais qui se trouve justifié par les titres compris dans sa production (Cass. civ. 17 février 1914, S.1914.1.3 10).
44.A l'acte de production doivent être joints les titres ou pièces justificatives de la collocation (art. 754 du cpc).
Toutefois, la forclusion prévue à l'article 755 du cpc n'est pas encourue pour le dépôt tardif des pièces justificatives de la collocation dès lors que l'acte de production a été présenté dans le délai légal (Req. 22 décembre 1942, DC. 1944 p.3).
c. Effets.
45.La production a le caractère d'une demande en justice, elle en produit donc tous les effets. Notamment elle interrompt la prescription (Cass. civ. 1er octobre 1941, DA. 1942 p. 67) et fait courir les intérêts moratoires à condition qu'ils soient formellement demandés.
II. Le règlement provisoire
46.A l'expiration du délai de quarante jours suivant la sommation le juge doit dresser l'état de collocation, d'après les pièces produites (art. 755 du cpc).
Cet état de collocation est encore appelé le règlement provisoire car il peut être modifié par la suite pour tenir compte des contredits (cf. n°s 49 et suiv. ).
Dans ce règlement provisoire, le juge reproduit toutes les pièces de la procédure depuis l'adjudication, constate la déchéance des créanciers non produisants, fixe la somme à distribuer et détermine l'ordre provisoire de collocation par rang de privilèges ou d'hypothèques. Tous les créanciers ayant produit sont colloqués, même si le montant total des collocations dépasse le montant de la somme à distribuer.
Le règlement provisoire doit être dressé au plus tard dans les vingt jours qui suivent l'expiration du délai de production (art. 755 du cpc).
Cela étant, si en raison des circonstances le règlement provisoire est établi après l'expiration du délai de vingt jours, il n'y a aucune nullité de procédure mais le juge aux ordres doit rendre compte de cette irrégularité au tribunal.
47.Dans les dix jours de la confection de l'état de collocation, l'avocat du poursuivant le dénonce aux créanciers produisants ainsi qu'à la partie saisie, avec sommation d'en prendre communication et, éventuellement, de contredire sur le procès-verbal dans le délai de trente jours (art. 755 du cpc).
La dénonciation est faite par acte d'avocat à avocat. Si le saisi n'a pas constitué avocat, la dénonciation doit lui être faite par exploit délivré à personne ou à domicile.
Mais ni les créanciers inscrits qui n'ont pas produit, ni les créanciers chirographaires intervenant à l'ordre, n'ont à recevoir de dénonciation 2 .
48. Remarque : Cas où il y a lieu à ventilation du prix.
Lorsque plusieurs immeubles grevés d'hypothèques distinctes au profit de créanciers différents ont été aliénés pour un seul et même prix, il faut déterminer la portion de prix afférente à chacun de ces immeubles de façon à ouvrir l'ordre sur chacun d'eux séparément. A cet effet, le juge, sur la réquisition des parties ou d'office, peut, par ordonnance inscrite sur le procès-verbal, ordonner toute mesure d'instruction qui lui paraît utile (art. 757 du cpc).
En établissant le règlement provisoire, le juge se prononce sur la ventilation. Le juge ne peut donc ordonner la ventilation que jusqu'à confection dudit règlement, mais les créanciers peuvent le demander par voie de contredit après celle-ci. Dans ce dernier cas, le juge, qui ne peut plus modifier l'état de collocation, renvoie les parties à l'audience et la ventilation est ordonnée s'il y a lieu par le tribunal.
III. Le contredit
Le contredit est une contestation du règlement provisoire faite par toute personne intéressée.
1. Les personnes qui peuvent contredire.
49.Les créanciers produisants et la partie saisie (ou le vendeur en cas de vente amiable) peuvent contester l'état de collocation provisoire (art. 755, 2e al. du cpc).
50.La jurisprudence reconnaît le droit de contredire à tous ceux qui y ont intérêt, tels que les créanciers chirographaires, mais aussi les créanciers hypothécaires qui ont produit tardivement. L'adjudicataire (ou l'acquéreur) peut également contredire si les créances colloquées en ordre utile dépassent le montant du prix d'adjudication ou de vente.
Le contredit est en principe sans intérêt de la part du créancier qui ne vient pas en rang utile, mais cet intérêt peut cependant naître si une revente sur folle enchère procure un prix supérieur ou si un nouvel ordre s'ouvre sur un autre immeuble appartenant à un même débiteur et à l'occasion duquel pourrait être invoquée l'autorité de la chose jugée par le règlement définitif de l'ordre précédent. La jurisprudence est cependant divisée sur ce dernier point.
2. Forme du contredit.
51.Le contredit est formé par un dire inséré par ministère d'avocat sur le procès-verbal d'ordre contenant le règlement provisoire, resté au greffe. Ce dire doit être signé par l'avocat et daté, à peine de nullité.
Cette voie de recours revêt une forme particulière puisque le contredit doit être motivé et appuyé de pièces justificatives comme le prévoit l'article 758 du cpc. Ces deux obligations ne sont toutefois pas sanctionnées par la nullité de la procédure.
Si le contredisant a la faculté, dans la suite de la procédure, d'invoquer des moyens nouveaux qu'il n'aurait pas d'abord explicitement exposés (mais qui résulteraient des titres compris dans sa production), il ne peut, pour la première fois à l'audience, dans ses conclusions, substituer à la contestation formulée une contestation entièrement nouvelle par son objet (Cass. civ. 25 octobre 1972, Gaz. Pal. 1973. 1, p. 344).
3. Délai pour contredire. Forclusion.
52.Le contredit doit être formé dans le délai de trente jours de la dénonciation.
Ce délai court, pour chaque créancier ou pour le saisi, non du jour de la dénonciation qui lui en est faite personnellement, mais du jour du dernier acte de dénonciation 3 fait à l'une des parties intéressées, c'est-à-dire à l'un des créanciers produisants, à la partie saisie ou au vendeur (Req. 20 novembre 1901, DP. 1907. 1. 217, req. 20 janvier 1908, S., 1908. 1. 408).
Ce délai de procédure est soumis, en ce qui concerne sa computation, aux articles 640 et suivants du nouveau code de procédure civile (cf. supra n° 39 ).
53.Le créancier qui n'a pas contredit dans le délai est forclos (art. 756 du cpc). Il n'est plus recevable à contester ni l'ordre des collocations ni la légitimité des créances.
La forclusion étant encourue sans nouvelle sommation ni jugement, elle s'impose au juge qui doit la relever d'office (Cass. civ. 27 octobre 1972, Gaz. Pal. 1973. 1, p. 344), même si cette exception d'irrecevabilité n'a pas été invoquée en première instance. En tout état de cause, s'agissant d'une disposition d'ordre public, elle peut être invoquée pour la première fois en cause d'appel (Cass. civ. 13 décembre 1853, DP. 1854. 1. 23).
Toutefois la forclusion n'atteint que les contestations ayant le caractère d'un contredit. Les contestations qui n'ont pas ce caractère peuvent être formulées tant que le règlement définitif peut être attaqué.
54.Le contredit se définit comme une critique du contenu de l'état provisoire de collocation. Il peut s'agir de la contestation de l'existence originaire de la créance, du rang ou de la validité de l'hypothèque. En revanche, ne constituent pas des contredits les contestations relatives à l'existence actuelle des créances colloquées, les demandes en nullité du règlement provisoire à raison du dol du créancier colloqué ou en rectification de la somme à distribuer.
La déchéance n'atteint que les contredits présentés sous la forme d'une demande introductive d'instance et non ceux présentés sous forme d'une demande reconventionnelle ou en intervention, ni ceux présentés par voie d'exception ou de défense, lorsque le créancier invoque tous les moyens de nature à maintenir sa propre collocation qui est contestée par un autre créancier.
En outre, le délai de trente jours pour contredire ne s'impose qu'aux parties ayant reçu dénonciation du règlement provisoire avec sommation de produire dans le délai légal, c'est-à-dire aux créanciers produisants et à la partie saisie.
La forclusion n'est donc pas encourue par les créanciers chirographaires, par l'adjudicataire et, de manière générale, par les créanciers qui n'ont pas participé à la procédure, soit qu'ils n'aient pas été sommés de produire, soit que le règlement provisoire ne leur ait pas été dénoncé.
4. Procédure.
55.Le juge renvoie les contestants à l'audience qu'il désigne, et commet en même temps l'avocat chargé de suivre l'audience (art. 758 du cpc) par ordonnance dite de renvoi à l'audience.
Par ailleurs, il arrête l'ordre et ordonne la délivrance des bordereaux de collocation pour les créances antérieures à celles contestées (art. 758 alinéa 2 du cpc).
Seul le tribunal de grande instance de la situation de l'immeuble a compétence pour trancher le différend (cf. supra n° 6 ).
Les créanciers postérieurs en ordre d'hypothèque aux collocations contestées sont tenus, dans la huitaine après les trente jours accordés pour contredire, de s'entendre entre eux sur le choix d'un avocat ; en cas d'absence d'accord, ils sont représentés par l'avocat du dernier créancier colloqué (art. 760 du cpc).
L'avocat poursuivant ne peut, en cette qualité, être appelé dans la contestation.
La procédure se borne à un simple acte signifié à la diligence de l'avocat commis, contenant avenir pour l'audience fixée par le juge, et à des conclusions motivées de la part des contestés (art. 761 du cpc).
L'article 760 ne s'applique pas lorsque le contredit est formé par un créancier non colloqué dans le règlement provisoire, tous les créanciers devant alors constituer chacun un avocat distinct (Cass. civ. 21 décembre 1868, DP 1868.1.300).
L'affaire est jugée selon la procédure sommaire 4 sans autre procédure que des conclusions motivées de la part des contestés et le jugement contient liquidation des frais.
S'il est produit de nouvelles pièces, toute partie contestante ou contestée est tenue de les remettre au greffe trois jours au moins avant cette audience. Il en est fait mention sur le procès-verbal. Ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité.
Le tribunal statue sur les pièces produites. Il peut, pour causes graves et dûment justifiées, accorder un délai pour en produire d'autres. La disposition du jugement qui accorde ou refuse un délai n'est susceptible d'aucun recours.
L'exécution provisoire ne peut jamais être ordonnée.
1 Les créanciers privilégiés de l'article 2104 du Code civil sont dispensés d'inscription et d'agir dans un délai déterminé.
2 Les créanciers chirographaires peuvent néanmoins former contredit (cf.n° 50 ).
3 Il s'appécie différemment en matière de production (cf. supra n° 39 ).
4 Elle correspond dans le nouveau code de procédure civile à la procédure de renvoi à l'audience (art. 760 à 762 du ncpc).