SECTION 1 L'ORDRE
A. REGLES GENERALES A TOUS LES ORDRES
I. Formalités préliminaires
2.L'ouverture du procès-verbal d'ordre ne peut être requise qu'après publication du jugement d'adjudication ou de l'acte d'aliénation, du dépôt de l'état des inscriptions sur l'immeuble et accomplissement des formalités prescrites pour la purge des hypothèques.
1. Publication du jugement d'adjudication ou de l'acte d'aliénation.
3.Aux termes du premier alinéa de l'article 750 du cpc, « l'adjudicataire est tenu de faire publier au bureau des hypothèques le jugement d'adjudication dans les deux mois de sa date, et en cas d'appel dans les deux mois de l'arrêt confirmatif, sous peine de revente sur folle enchère ».
Ce n'est qu'après cette publication que le saisissant, le créancier le plus diligent, le saisi ou l'adjudicataire peuvent requérir l'ouverture du procès-verbal d'ordre (cf. ci-après n° 18 ).
En cas d'aliénation volontaire (vente amiable ou vente volontaire en justice) aucun texte n'impose expressément l'obligation de publier l'acte de vente amiable ou le jugement d'adjudication sur aliénation volontaire à la conservation des hypothèques.
Toutefois, cette obligation découle indirectement des dispositions de l'article 772, alinéa 3 du cpc (cf. ci-après n° 5 )
2. Dépôt au greffe de l'état des inscriptions.
4.Le requérant doit se faire délivrer par le conservateur des hypothèques un état des inscriptions existant sur l'immeuble et le déposer au greffe au moment de sa requête (art. 750, al. 2 du cpc).
3. Accomplissement des formalités de purge des hypothèques.
5.En cas d'aliénation volontaire ou amiable, l'ordre ne peut être ouvert qu'après l'accomplissement des formalités prescrites aux articles 2181 à 2185 du Code civil pour la purge des hypothèques, cette procédure ayant pour point de départ la publication de l'acte d'acquisition (art. 772, al. 3 du cpc).
Lorsque la saisie immobilière est convertie en vente volontaire, la procédure de purge ne s'applique que si la conversion a lieu avant l'accomplissement des formalités prévues par les articles 692 et 696 du cpc pour la dénonciation de la saisie aux créanciers inscrits. Si elle intervient après que ces formalités aient été accomplies, l'adjudication purge de plein droit les hypothèques des créanciers appelés ou intervenus lors du jugement de conversion et la procédure d'ordre peut s'ouvrir directement.
II. Tribunal compétent
6.Le tribunal compétent est le tribunal de grande instance de la situation des biens.
La compétence territoriale du tribunal n'est que relative et les parties peuvent déroger à cette règle de compétence et choisir un autre tribunal.
En principe, il y a autant d'ordres ouverts qu'il y a de biens situés dans des arrondissements différents, mais les parties peuvent d'un commun accord demander à un même juge le règlement de ces divers ordres.
En revanche, la compétence d'attribution du tribunal de grande instance est en principe absolue.
Dans tous les tribunaux, le premier président de la cour d'appel désigne par ordonnance un ou plusieurs juges spécialement chargés du règlement des ordres. Ces juges peuvent être choisis parmi les juges suppléants et sont désignés pour une année au moins et trois années au plus (art. 749 du cpc).
En cas d'absence ou d'empêchement, le président, par ordonnance inscrite sur un registre spécial tenu au greffe, désigne d'autres juges pour les remplacer.
La compétence du juge aux ordres est exclusive et d'ordre public.
Toutefois, la loi du 25 janvier 1985 et le décret du 27 décembre 1985 relatifs au redressement et à la liquidation judiciaires ont apporté des exceptions à ce principe. Ces textes donnent, sous certaines conditions, compétence au liquidateur pour procéder à la distribution du prix de vente d'un immeuble réalisé au cours des opérations de liquidation judiciaire.
1. Situation applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1994 (art. 148 alinéa 3 et 154 alinéa 4 de la loi et 141 à 151 du décret).
7.La compétence du liquidateur s'exerce lorsque le bien est vendu de gré à gré conformément aux articles 154 alinéa 4 de la loi et 141 du décret.
Lorsque le bien est vendu par adjudication, la compétence du liquidateur est déterminée par la date de publication du jugement déclaratif.
Ainsi, lorsque le jugement d'adjudication a été publié après le jugement déclaratif, c'est au liquidateur judiciaire de répartir les fonds entre les différents créanciers sous le contrôle direct du tribunal de grande instance, le juge aux ordres n'étant plus compétent.
En effet, la haute juridiction considère que la créance résultant du prix de vente demeure dans le patrimoine du débiteur même après le règlement du prix par l'adjudicataire (Cass. com. 23 janvier 1996, JCP 1996, éd. G, IV, p. 611).
8.En revanche, si l'ordre a été requis à la suite d'un jugement d'adjudication sur saisie publié avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du débiteur, le juge des ordres demeure compétent pour achever le règlement de l'ordre en cours au moment de l'ouverture du redressement judiciaire ou pour y procéder à la suite d'une réquisition qui lui serait adressée postérieurement. Mais il doit alors colloquer les créances inscrites et admises, ainsi que celles visées à l'article 40 de la loi de 1985, si les bordereaux de collocation n'ont pas été payés à la date d'ouverture de la procédure collective (Cass. com. 12 juillet 1994, D. 1994, p. 569).
2. Situation applicable depuis l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1994 (art. L 148-4 alinéa 3 et 154 alinéa 5 ; D 65-1 et D 141 à 151).
9.Le décret du 21 octobre 1994, pris en application de la loi 10 juin 1994, a introduit dans le décret du 27 décembre 1985 un article 65-1 qui dispose que « les procédures d'ordre en cours lors du prononcé du jugement d'ouverture sont interrompues. Si le tribunal arrête un plan de redressement, ces procédures sont caduques et les fonds sont remis au commissaire à l'exécution du plan. En cas de liquidation judiciaire, elles sont reprises à l'initiative de tout créancier intéressé, dès que celui-ci a produit à la juridiction saisie de l'instance une copie de la déclaration de sa créance et mis en cause le liquidateur » 1 .
Il y a lieu de considérer, sous réserve de l'appréciation des tribunaux, que les solutions apportées par la Cour de cassation, à savoir, une adjudication publiée avant l'ouverture du redressement judiciaire serait opposable à la procédure alors que ne le serait pas une adjudication non publiée, doivent être maintenues.
Toutefois, dans la première situation, l'adjudication a été publiée avant le jugement d'ouverture, la poursuite jusqu'à son terme de la procédure d'ordre par le juge aux ordres dépendra de la solution donnée à la procédure collective.
Si un plan de redressement est arrêté, la procédure d'ordre, qui a été interrompue en vertu de l'article 65-1 de la loi, devient caduque et le juge aux ordres est définitivement dessaisi.
En revanche, si une procédure de liquidation judiciaire est prononcée, la procédure d'ordre qui a été interrompue est reprise devant le juge aux ordres par tout créancier intéressé qui a déclaré sa créance, après mise en cause du liquidateur.
La situation est inchangée pour les ventes de gré à gré.
En tout état de cause, les contestations relatives à un ordre établi par le liquidateur relèvent, en application de l'article 154 de la loi du 25 janvier 1985 de la compétence exclusive du Tribunal de grande instance (Cass. com. 19 octobre 1993, Dalloz 1993, IR p. 252).
III. Procédures d'ordre dans lesquelles un receveur est partie
10.En vertu de l'article L 252 du Livre des procédures fiscales, le receveur des impôts territorialement compétent est personnellement investi d'un mandat de représentation de l'Etat pour exercer les actions liées au recouvrement de l'impôt et participer, plus particulièrement, aux procédures d'ordre.
Cela étant, le suivi de ces procédures est organisé dans chaque direction, selon le dispositif arrêté par le directeur des services fiscaux en matière de contentieux du recouvrement.
Il convient à cet égard que le comptable chargé du recouvrement rassemble tous les documents utiles à l'instruction du dossier.
11.Outre les renseignements relatifs à la créance garantie (montant et nature des droits et pénalités, période à laquelle ils se rattachent) le dossier doit obligatoirement comporter toutes les pièces justificatives des droits du Trésor (copie des avis de mise en recouvrement et des mises en demeure, bordereaux des inscriptions hypothécaires, état des inscriptions hypothécaires).
L'examen attentif de l'état des inscriptions hypothécaires revêt un intérêt particulier puisqu'il permet de situer la créance du Trésor par rapport aux autres créances inscrites sur l'immeuble, d'apprécier les chances réelles d'une participation à la distribution du prix de l'immeuble et enfin de contrôler les prétentions des autres créanciers, notamment au cours de l'ordre amiable.
En règle générale, cet état figure déjà au dossier, ayant été en principe requis lors de l'inscription de l'hypothèque du Trésor mais il peut être nécessaire d'en obtenir un plus récent. Il convient, s'il y a lieu, d'en requérir la délivrance auprès du conservateur des hypothèques ou de recueillir directement ces renseignements à la conservation, si les courts délais impartis par la procédure paraissent incompatibles avec le temps de transmission nécessaire.
12.L'attention des comptables est également appelée sur l'intérêt qu'il y a de veiller avec un soin particulier au renouvellement en temps utile des hypothèques dont la date limite d'effet viendrait à expirer au cours d'une procédure de saisie immobilière ou même d'une procédure d'ordre.
13.En effet, Conformément aux dispositions de l'article 2154-1, alinéa 3, du Code civil, le renouvellement de l'inscription est obligatoire même dans le cas où celle-ci a produit son effet légal, c'est-à-dire du moment où le droit du créancier a été transporté de l'immeuble sur le prix (art. 717, 3e al. du cpc), jusqu'au paiement ou à la consignation du prix.
14.L'ouverture d'une procédure de saisie immobilière ou d'ordre ne garantit donc pas aux créanciers inscrits, même arrivant en rang utile, la conservation de l'intégralité de leurs droits lorsque, à défaut d'avoir été renouvelée en temps voulu, leur inscription atteint sa date limite d'effet, postérieurement à la publication du jugement d'adjudication, ou même à la réquisition de l'ouverture de l'ordre. Il en résulte que les inscriptions dont la date limite d'effet est antérieure à celle de la signature par le juge de l'ordonnance de clôture, qu'il s'agisse d'un procès-verbal de règlement amiable ou d'un procès-verbal de règlement définitif, ne pourront donner lieu à collocation pour l'intégralité des droits, si elles viennent en rang utile, que si elles sont renouvelées avant leur date d'expiration.
15.Dans le cas où cette dernière formalité n'a pas été réalisée, les droits des créanciers hypothécaires sont néanmoins maintenus sur les montants payés ou consignés avant la péremption de l'inscription, même s'ils ne représentent pas la totalité du prix d'adjudication en principal et intérêt arrêtés au jour de la consignation.
16.En effet, aucune règle légale n'imposant que ce prix soit versé ou consigné en une ou plusieurs fois, et du fait que les droits des créanciers hypothécaires prennent naissance au jour de l'inscription (art. 2134, al. 1 du Code civil) et non au moment du paiement libératoire, ces droits s'exercent au fur et à mesure de chaque paiement partiel fait jusqu'à la date de cessation d'effet de l'inscription. Le créancier possède ainsi un véritable droit acquis, lui donnant vocation à toute somme payée ou consignée avant cette date de cessation d'effet de l'inscription (CA PARIS 10 juillet 1979, Gaz. Pal., 1980, I p. 217).
Le renouvellement de l'inscription n'est nécessaire que pour permettre au créancier d'être également colloqué sur les sommes payées ou consignées après la date de cessation d'effet de l'inscription primitive.
B. L'ORDRE AMIABLE
17.L'ordre judiciaire, tout comme l'ordre devant le tribunal, est toujours précédé d'un ordre amiable.
I. Ouverture de l'ordre amiable
18.Les personnes qui peuvent demander l'ouverture de l'ordre sont énumérées par les articles 750 et 772 du cpc, qui distinguent selon que cette procédure est consécutive à une vente forcée ou à une aliénation amiable.
Lorsque l'ordre est ouvert après une saisie immobilière, le saisissant a le monopole des poursuites pendant les huit jours qui suivent la publication du jugement d'adjudication. Après ce délai, le créancier le plus diligent, la partie saisie ou l'adjudicataire peuvent agir à sa place (art. 750, al. 2 du cpc).
Lorsque l'ordre est consécutif à une aliénation amiable, il peut être provoqué par le créancier le plus diligent ou par l'acquéreur (art. 772, al. 2 du cpc). Le vendeur peut se substituer à eux, mais seulement lorsque le prix est exigible.
Le créancier chirographaire peut requérir l'ouverture de l'ordre amiable, mais il ne bénéficie pas, du seul fait de son commandement de saisie, d'une cause de préférence à l'égard des autres créanciers chirographaires (Cass. civ. 26 mai 1992, Dalloz 1992, IR p. 185).
En cas d'inaction de ces diverses parties, les créanciers des créanciers peuvent, sur le fondement de l'article 1166 du Code civil, requérir l'ouverture de l'ordre.
La personne qui prend l'initiative de l'ordre amiable dépose au secrétariat-greffe du tribunal de grande instance du lieu de siruation de l'immeuble, par l'intermédiaire de l'avocat, une réquisition d'ordre. La réquisition est inscrite par le poursuivant sur le registre des adjudications tenu à cet effet au greffe du tribunal. A l'appui de sa demande, le requérant dépose une copie sur papier libre du jugement d'adjudication ou une expédition de l'acte de vente et, au cas de purge, l'original de l'exploit des notifications faites en vertu de l'article 2183 du Code civil ainsi que l'état des inscriptions grevant l'immeuble dont le prix est à distribuer.
En même temps, il peut être demandé la nomination d'un juge-commissaire par le président.
19.L'expérience révèle que les procédures d'ordre ne sont pas conduites avec diligence et que le prix des immeubles est réparti entre les créanciers inscrits seulement plusieurs mois, voire même plusieurs années, après l'adjudication ou la vente amiable.
L'une des causes de ce retard réside dans le délai mis pour requérir l'ouverture de l'ordre.
Dès lors, les comptables, qui ont pour mission de recouvrer l'impôt dans les meilleurs délais possibles, ne doivent pas hésiter à prendre l'initiative de cette procédure, lorsqu'il apparaît que ni l'adjudicataire, qui est généralement le plus intéressé, ni le créancier poursuivant ne la prennent dans un délai raisonnable.
1 Lorsqu'il s'agit d'une liquidation judicaire, c'est la procédure de droit commun qui s'applique devant le tribunal de grande instance.