SOUS-SECTION 3 RECOUVREMENT DES SOMMES DUES PAR DES REDEVABLES EN INDIVISION
SOUS-SECTION 3
Recouvrement des sommes dues par des redevables en indivision
1La loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 qui est entrée en vigueur le 1 er juillet 1977, a modifié assez profondément la situation précédente en organisant le régime de l'indivision.
Alors qu'en effet le Code civil ne consacrait auparavant aucun chapitre à l'indivision en général, traitant seulement, par quelques dispositions de l'indivision qui se forme, après un décès, entre cohéritiers d'une même succession, la loi a réglementé toutes les indivisions quelle qu'en soit la source ou l'objet : indivisions successorales. matrimoniales (post-communautaires ou entre époux séparés de biens), indivisions qui se forment après annulation d'une société ou qui résultent d'achats en commun... 1 . Des transformations ont ainsi été apportées à l'ancienne théorie générale de l'indivision, telle qu'elle avait été élaborée par la jurisprudence et la doctrine, sur la base des principes posés en matière successorale par le Code civil.
2La loi du 31 décembre 1976 a trouvé immédiatement à s'appliquer à toutes les indivisions existant au jour de son entrée en vigueur, excepté celles ayant fait l'objet de conventions conclues avant sa promulgation ( JO du 1 er janvier 1977) et dont la mise en conformité avec les dispositions de la loi nouvelle n'a pas été décidée par les parties (loi du 31 décembre 1976. art. 19).
A. ÉCONOMIE DE L'INDIVISION
3La loi organise un double régime de l'indivision qui s'applique, le premier, sans qu'il soit besoin d'aucun acte de volonté des indivisaires et donc par le seul effet de la loi (régime légal ou primaire), le second, lorsque les intéressés, ou quelques-uns d'entre eux, ont manifesté leur intention de demeurer dans l'indivision (régime conventionnel ou secondaire).
I. Le régime légal de l'indivision
4Le régime de droit commun, tel qu'il est organisé par les articles 815 à 815-18 du Code civil, comporte des solutions en ce qui concerne le partage, la masse indivise, les droits indivis.
1. Le partage.
a. Droit de provoquer le partage.
5Le principe selon lequel : « nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut être toujours provoqué », comporte des solutions de tempérament (Code civ., art. 815, al. 1).
6C'est ainsi qu'indépendamment de la faculté qui leur est reconnue de conclure des conventions tendant au maintien pour un temps de l'indivision (cf. II), les indivisaires, ou certains d'entre eux seulement, peuvent obtenir du juge qu'il soit sursis au partage, ou procédé à un partage partiel (Code civ.. art. 815, al. 2 et 3).
7Le sursis au partage, à durée d'application relativement brève (deux années au plus), permet à un indivisaire de demander au président du tribunal de grande instance de surseoir au partage de tout ou partie des biens indivis si le risque existe qu'une réalisation immédiate porte atteinte à leur valeur (Code civ., art. 815. al. 2).
8Le partage partiel ainsi que les partages provisionnels sont des mesures qui évitent à l'indivisaire impécunieux, quoique nanti d'une richesse potentielle, de devoir patienter jusqu'à la fin des opérations de liquidation ; celui-là peut, en effet, soit être directement apportionné de sa part par le tribunal, en nature ou en argent, à sa préférence et si la consistance des biens indivis le permet (Code civ., art. 815. al. 3), soit obtenir l'attribution de la fraction des bénéfices nets annuels de l'indivision qui correspond à ses droits (Code civ., art. 815-11, al. 1), soit encore bénéficier à concurrence des fonds disponibles, d'une avance sur sa part dans le partage à intervenir (Code civ., art. 815-11, al. 4).
b. Effets du partage.
9Le partage a un effet déclaratif « chaque héritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession » (Code civ., art. 883, 1 er al.).
10Cependant, cet effet déclaratif a des limites : chaque attributaire supporte les effets des actes régulièrement accomplis selon les règles de l'indivision, qu'elle soit d'ailleurs légale ou conventionnelle (Code civ., art. 883. al. 31.
11D'autre part, selon l'alinéa 2 de l'article 883, l'effet déclaratif est maintenant attaché à tout acte qui met fin à l'indivision, même en partie, pour certains biens ou héritiers seulement, ce qui inclut, notamment, toutes les cessions de droit indivis intervenant entre indivisaires.
2. La masse indivise : administiation et droits des indivisaires.
a. Administration de la masse indivise.
12La nature même de l'indivision qui est considérée dans le régime légal comme un état subi, et jamais un état voulu, commande la règle de l'unanimité dans la gestion (Code civ., art. 815, 3 e al.).
13Toutefois, cette règle comporte des tempéraments.
14Ainsi, l'exigence de l'accord unanime des indivisaires n'est-elle exclusive ni de la possibilité de l'accomplissement par l'un d'entre eux des actes nécessaires à la conservation des biens indivis (Code civ., art. 815-2), ni, pour cet indivisaire, de celle d'obliger les autres à faire avec lui les dépenses nécessaires (Code civ., art. 815-2, al. 3). D'autre part, sous la seule réserve qu'elle tienne un compte d'indivision (Code civ., art. 815-3) et le mette à la disposition des autres co-indivisaires, toute personne peut recevoir mandat d'administrer les biens de celle-ci. Ce mandat peut même n'être que tacite si l'administrateur est un indivisaire (Code civ., art. 815-3, al. 2, et rappr. art. 1432).
15Enfin, d'autres solutions, s'inspirant également du régime matrimonial primaire, prévoient qu'un indivisaire peut, en particulier :
- être habilité par justice à en représenter un autre, hors d'état de manifester sa volonté (Code civ., art. 815-4. al. 2) ;
- être autorisé par même voie à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un co-indivisaire serait nécessaire, mais à la condition que le refus de ce dernier mette en péril l'intérêt commun (Code civ., art. 815-5, al. 1) ;
- sous réserve d'y être autorisé par le président du tribunal de grande instance, percevoir des débiteurs de l'indivision ou des dépositaires de fonds indivis, une provision destinée à faire face aux besoins urgents, sans que cela entraîne, pour lui, prise de qualité (et donc acceptation tacite de communauté ou de succession).
b. Droits des indivisaires sur la masse indivise.
16Quoiqu'il jouisse des droits les plus étendus sur sa quote-part dans l'indivision, chacun des co-indivisaires ne peut, à lui seul, en exercer aucun sur l'indivision, ou un bien de celle-ci, pris isolément.
17C'est ainsi que l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable, en toutes situations, du produit net de cette gestion : tout au plus. peut-il prétendre à la rémunération de son activité, dans des conditions fixées à l'amiable ou, à défaut, par décision de justice (Code civ., art. 815-12), et se faire payer de ses dépenses ou tenir compte de ses améliorations (Code civ., art. 815-13).
Chaque indivisaire a vocation, en effet, à profiter des bénéfices provenant de l'indivision, à proportion de ses droits dans celle-ci, quelle que soit la cause de ces bénéfices (Code civ., art. 815-10).
18De la même façon, les fruits ou revenus des biens indivis n'iront pas, lors du partage, à l'attributaire du capital qui les a produits. A l'égal des bénéfices, ils accroissent à l'indivision (Code civ.. art. 815-10) et, comme eux, ils doivent faire l'objet d'une répartition proportionnelle au moment du partage, dans la mesure, bien entendu, où ils n'ont pas été répartis annuellement (cf. n° 8 ).
19La même règle est à observer pour les pertes (Code civ., art. 815-10. al. 3), un indivisaire n'ayant pas à supporter la charge de plus de passif que ne l'y obligent ses droits dans l'indivision. Ainsi, l'indivisaire administrateur (cf. n° 14 ), s'il dégage un déficit, ne verra pas celui-ci imputé sur sa seule part. sauf s'il doit répondre d'une diminution de la valeur des biens indivis provenant de son fait ou de sa faute (Code civ., art. 815-13. al. 2).
20Pour le cas où les pertes excèdent l'actif indivis, il convient de se reporter n° 32.
3. Les droits indivis ; possibilité de les céder ou de les saisir.
21Un droit de préemption trouve à s'exercer dans toutes les indivisions, et chaque fois qu'un coïndivisaire cède à titre onéreux, à une personne étrangère à l'indivision, tout ou partie de ses droits dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ceux-ci.
Les modalités d'exercice de ce droit de préemption, qui a une portée générale pour toutes les mutations de droits indivis, quelles qu'en soient les causes, sont exposées dans le détail par les articles 815-14 à 815-16 du Code civil.
22Quant à la saisie des parts indivises, voir le paragraphe consacré aux droits des créanciers.
II. Le régime conventionnel de l'indivision
23Alors qu'il a inséré les dispositions propres au régime légal de l'indivision dans le titre du Code civil consacré aux successions, le législateur de 1976, constatant « la parenté évidente qui existe entre l'indivision organisée et la société », a placé la réglementation du régime conventionnel à la suite du contrat de société. Un titre intitulé : « Des conventions relatives à l'exercice des droits indivis », organise ainsi en dix-huit articles numérotés 1873-1 à 1873-18 la convention d'indivision.
24Cette convention d'indivision du Code civil est un acte réservé aux personnes physiques qui, seules, peuvent en conclure et en poursuivre l'exécution (Code civ., art. 1873-4. al. 3). Acte de disposition, elle requiert de ceux qui y sont parties la capacité et le pouvoir de disposer (Code civ., art. 1873-4. al. 1 et 2).
25C'est également un acte formaliste qui doit être établi par écrit à peine de nullité, et qui n'est opposable aux tiers qu'après l'accomplissement des formalités de la publicité foncière ou de l'article 1690 du Code civil, si la masse indivise comprend des biens immeubles ou des créances (Code civ., art. 1873-2).
26Elle ne peut, en principe, être conclue pour une durée supérieure à cinq années, mais les parties peuvent décider de proroger ce délai pendant lequel le partage ne peut, sauf justes motifs, être provoqué (Code civ., art. 1873-3). Ce partage peut, toutefois, intervenir à tout moment dans le cas où aucun terme n'a été fixé (Code civ., art. 1873-3, al. 2).
27Sans y être expressément assimilée, au plan du droit, l'indivision conventionnelle fonctionne en pratique dans les mêmes conditions qu'une société de personnes ; elle est pourvue d'un gérant et une assemblée de participants connaît des actes qui la concerne.
Le gérant est le représentant des indivisaires dans la mesure des pouvoirs qu'ils lui ont confiés (cf. toutefois Code civ., art. 1873-16 à 1873-18 lorsqu'il y a présence d'un usufruitier). Il est choisi parmi eux, ou en dehors d'eux et, le cas échéant, révoqué selon des modalités définies par la loi ou par une décision commune des indivisaires (Code civ., art. 1873-5).
Le gérant administre l'indivision (Code civ., art. 1873-6) et dispose à cet effet des pouvoirs que la loi attribue au mari sur les biens communs ordinaires (Code civ., art. 1421 et suiv.). Il a droit à la rémunération de son activité, pour laquelle il encourt la responsabilité du mandataire (Code civ., art. 1873-10, al. 1 et 2).
Les décisions qui excèdent ses pouvoirs, telle celle d'aliéner un immeuble indivis, sont prises par l'ensemble des indivisaires, à l'unanimité (Code civ., art. 1873-8). Il ne pourrait valablement consentir seul une hypothèque conventionnelle sur un immeuble indivis ou le nantissement d'un fonds de commerce appartenant à l'indivision.
28Comme pour l'indivision légale, les indivisaires ont droit aux fruits, revenus et bénéfices provenant des biens indivis, et ils contribuent aux pertes. Ils peuvent, cependant, convenir de modalités de jouissance et de répartition différentes de celles prévues par les articles 815-9. 815-10 et 815-11, s'ils souhaitent que celles-ci ne s'appliquent pas (Code civ.. art. 1873-11, al. 2).
B. DROITS DES CRÉANCIERS
I. Règles générales
29 a. Qu'il y ait ou non conclusion d'une convention d'indivision, les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant l'ouverture de l'indivision, et ceux dont la créance résulte de la gestion de l'indivision, sont payés, ou peuvent l'être après poursuites, sur les biens indivis (Code civ., art. 815-17. al. 1 et 1873-15).
30 b. Il est interdit aux créanciers personnels d'un indivisaire de saisir la part indivise de leur débiteur (Code civ., art. 815-17), quels que soient le régime de l'indivision - avec cependant une réserve lorsque l'indivision est conventionnelle (voir ci-après) - et la nature, meuble ou immeuble, des biens indivis.
31 c. De même, leur liberté de provoquer le partage est limitée. Les coïndivisaires de l'un ou l'autre régime peuvent, en effet, arrêter le cours de l'action en partage que ces créanciers ont entreprise, ou dans laquelle ils sont intervenus, en acquittant la dette au nom et en l'acquit du débiteur (Code civ., art. 815-17. al. 3). Également, ils pourront la tenir temporairement en échec par une action en sursis au partage, s'ils peuvent démontrer que les conditions en sont réunies (Code civ., art. 815 nouveau ; cf. n° 7 ).
Lorsqu'il a été conclu une convention d'indivision, les créanciers ne peuvent invoquer le partage que tout autant que leur débiteur l'aurait pu lui-même (Code civ., art. 1873-15). Dans les autres cas, en pratique lorsque la convention est à durée déterminée, ils peuvent poursuivre la saisie et la mise en vente de la quote-part de leur débiteur dans l'indivision, en suivant les formes applicables à la saisie et à la vente des droits immobiliers (c'est là l'exception au principe de l'insaisissabilité des droits indivis dont l'existence a été signalée plus haut). Les autres indivisaires bénéficiant alors des droits de préemption et de substitution (cf. n° 21 ).
32 Remarque. - En dépit du soin qu'elle a pris de définir les pouvoirs des créanciers, la loi ne précise pas quels sont leurs droits lorsque les forces actives de l'indivision sont insuffisantes à en couvrir les charges. La solution doit en effet alors être recherchée dans le droit propre à chaque cause d'indivision (succession, communauté...).
1 L'indivision est la situation juridique de plusieurs personnes, titulaires en commun d'un droit sur un même bien ou ensemble de biens, sans qu'il y ait division matérielle de leurs parts ( Cspitant voc. jur ., 1930-1936).