Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C221
Références du document :  12C221

SECTION 1 SAISIES DE DROIT COMMUN

3. La créance doit être exigible.

25.Une créance est exigible lorsque son terme est arrivé à échéance. Toutefois, en droit commun, les juges peuvent, en vertu de l'article 1244 du Code civil, accorder des délais supplémentaires au débiteur et faire surseoir corrélativement à l'exercice des poursuites.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux créances publiques. Il est en effet de principe qu'aucune autorité judiciaire ne peut suspendre le recouvrement de l'impôt (Cass. civ. 15 mars et 17 octobre 1922, D.P. 1922-1-76 ; Cass. com. 27 novembre 1978, Bull. civ. IV n° 280 p. 232 ; Paris 27 avril et 4 octobre 1960, RJC n°s 46 et 66 p. 126 et 193 ; Versailles 17 septembre 1987, Mémorial des percepteurs 1988 p. 203).

26.Toutefois, ce principe fondé sur la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire (loi des 16-24 août 1790) connaît une exception en matière de prévention des difficultés des entreprises (loi n° 84-148 du 1 er mars 1984).

La Cour de cassation a jugé que l'article 36 alinéa 9 de ce texte qui permet, sur le fondement de l'article 1244-1 précité, d'accorder des délais de grâce dans la limite de deux ans pour le règlement des créances non incluses dans le plan, s'imposait au Trésor (Cass. com. 16 juin 1998, Bull. civ. IV n° 193 p. 160).

27.En matière fiscale, la date d'exigibilité d'une créance est celle prévue au CGI ou dans les textes institués pour son paiement. Aucune autorité publique ou judiciaire n'a pouvoir pour modifier cette date. Cependant, si le redevable bénéficie d'un régime de crédit des droits (paiement par obligations cautionnées, paiement fractionné ou différé), la date légale d'exigibilité est prorogée d'une durée égale à celle du crédit consenti.

Mais les plans échelonnés qui sont accordés, sous leur responsabilité, par les comptables des impôts ou par la commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale n'ont pas pour effet de modifier la date d'exigibilité des créances qui en font l'objet.

  II. Conditions de forme

1. Règles générales.

28.En principe, la créance doit avoir été constatée dans un titre exécutoire. C'est ce que décide l'article 502 du nouveau Code de procédure civile aux termes duquel : « Nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire... ».

Il est précisé qu'en règle générale les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés.

La preuve du caractère exécutoire d'un jugement ressort de ce jugement même, lorsque celui-ci n'est susceptible d'aucun recours suspensif ou qu'il bénéficie de l'exécution provisoire.

Dans les autres cas, cette preuve résulte :

- soit de l'acquiescement de la partie condamnée ;

- soit de la notification de la décision et d'un certificat permettant d'établir, par rapprochement avec cette notification, l'absence, dans le délai légal, d'une opposition, d'un appel ou, éventuellement, d'un pourvoi en cassation lorsque le pourvoi est suspensif.

Le secrétaire greffier de la juridiction devant laquelle le recours pouvait être formé est habilité à délivrer le certificat attestant l'absence d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation ou indiquant la date du recours s'il en a été formé un.

Ont également force exécutoire les actes extra-judiciaires tels que les actes notariés.

En outre, les administrations sont habilitées à se délivrer des titres exécutoires sans vérification judiciaire préalable (art. L 252 A LPF).

29.Un titre exécutoire n'est toutefois exigé que lorsqu'il s'agit de procéder à une mesure d'exécution. A défaut, les comptables peuvent solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de prendre des mesures conservatoires (art. 67 de la loi du 9 juillet 1991).

2. Règles propres aux créances fiscales.

30.En principe, les comptables des impôts disposent toujours d'un titre exécutoire. En effet, ils agissent en vertu soit d'un jugement, soit d'un avis de mise en recouvrement, qui a force exécutoire.

Il est rappelé que les poursuites peuvent être engagées dès lors qu'une mise en demeure procédant de l'avis de mise en recouvrement a été notifiée au redevable et qu'elle est restée sans effet pendant un délai de vingt jours à compter de sa notification (art. L 257 et L 258 LPF).

  C. OBJET DE LA SAISIE

31.Aux termes de l'article 2093 du Code civil, « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ». Cette règle connaît toutefois de nombreuses exceptions.

  I. Principe : tous les biens sont saisissables

32.Toutefois, on ne peut saisir que les biens d'un débiteur et seulement si ces biens sont disponibles.

1. Le bien saisi doit appartenir au débiteur ou à une personne tenue de la dette.

a. Conséquences de cette règle :

1° La revendication.

33.L'article 128 du décret du 31 juillet 1992 permet au tiers qui se prétend propriétaire des biens saisis d'engager une action en distraction.

En matière fiscale, les articles L 283 et R* 283-1 du LPF imposent au tiers revendiquant une procédure spécifique.

2° Les biens indivis.

34.Lorsqu'un bien est indivis, la part indivise d'un coïndivisaire ne peut être saisie par ses créanciers personnels, mais ceux-ci ont alors la faculté de provoquer le partage. Lorsque cette faculté leur est refusée en raison de l'existence d'une indivision conventionnelle à durée déterminée, la saisie et la vente de la quote-part indivise est autorisée dans les formes prévues par le Code de procédure civile (loi 76-1286 du 31 décembre 1976). Le domaine et la portée de cette règle font l'objet du développement ci-après 12 C 2243 n° 4 et suivants auquel il convient de se reporter.

b. Cas particulier des personnes mariées.

1° Les nouvelles dispositions.

35.La loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985, publiée au Journal Officiel du 26 décembre 1985, relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs, a supprimé les inégalités juridiques qui subsistaient au détriment de la femme. Elle complète les dispositions de la loi du 13 juillet 1965 qui avait institué comme nouveau régime légal (applicable aux époux qui n'ont pas choisi un autre régime matrimonial), celui de la communauté réduite aux acquêts.

Si, dans son principe, le régime légal n'a pas été remis en cause par la réforme, en revanche, ses règles de gestion ont été transformées pour instaurer en la matière une égalité totale entre les époux.

En outre, les règles relatives au paiement du passif, à la dissolution, à la liquidation et au partage de la communauté ont été modifiées.

Par ailleurs, la loi a adapté certaines dispositions relatives aux droits et devoirs des époux, quel que soit leur régime matrimonial : communauté, séparation de biens, participation aux acquêts.

Certains de ces aménagements ont affecté plus particulièrement l'action en recouvrement des comptables des impôts.

2° Application dans le temps.

36.La loi du 23 décembre 1985 est entrée en vigueur le premier jour du septième mois suivant celui de sa promulgation, soit le 1 er juillet 1986 (art. 56, alinéa 1 er , de la loi).

Dès cette date, la loi régit donc la situation de tous les époux, quelle que soit la date de leur mariage (art. 56, alinéa 2, de la loi).

L'article 57 précise toutefois que le droit de poursuite des tiers ayant une créance antérieure à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle restera déterminé par la loi ancienne.

Les règles analysées ci-après, relatives au droit de poursuite des créanciers, ne jouent donc que pour les dettes fiscales nées après le 1 er juillet 1986.

3° Incidences pratiques pour le recouvrement

37.D'une manière générale, les impositions naissent du chef d'un des époux.

* Impositions nées avant le mariage.

38.Désormais, pour apurer des impositions antérieures au mariage, le receveur est fondé, durant la communauté, à saisir les biens propres et les revenus (c'est-à-dire les gains et salaires et les revenus des biens propres) de l'époux débiteur (art. 1411, alinéa 1, C. civil).

39.Il peut également appréhender les biens de la communauté quand le mobilier qui appartient au débiteur au jour du mariage ou qui lui est échu par succession ou libéralité a été confondu dans le patrimoine commun et ne peut plus être identifié selon les règles de l'article 1402 du Code civil (art. 1411, alinéa 2, C. civil).

40.Les mêmes possibilités de recouvrement existent après la dissolution de la communauté,mais avant le partage. Le comptable peut, en outre, provoquer le partage des biens communs, afin d'appréhender la part de communauté revenant au redevable (art. 815, alinéa 3, C. civil).

41.Après le partage, l'ensemble du patrimoine de l'époux débiteur peut être saisi, les dettes (notamment fiscales) dont il était tenu avant son mariage lui restant personnelles (art. 1410 C. civil).

* Impositions nées pendant le mariage.

42.Le recouvrement des créances fiscales résultant d'opérations imposables accomplies par l'un des époux au cours du mariage peut être poursuivi sur ses biens propres et sur les biens communs (art. 1413 C. civil). Mais les gains et salaires du conjoint ne peuvent être saisis (art. 1414 C. civil).

43.Pendant l'indivision post-communautaire (période intermédiaire entre la dissolution et le partage), les impositions nées au cours du mariage du chef de l'un des époux peuvent être recouvrées sur les biens personnels du débiteur (art. 1482 C. civil), c'est-à-dire les biens qui, avant la dissolution, constituaient ses propres - ainsi que sur les biens indivis, sauf les gains et salaires du conjoint - ; en effet, en application de l'article 815-17, alinéa 1, du Code civil, il est possible d'appréhender les biens communs qui entrent dans l'indivision communautaire dès lors que le service est en droit de les saisir avant la dissolution.

44.Après le partage, les possibilités de recouvrement portent sur le patrimoine du débiteur comportant à la fois les biens qui, précédemment, lui appartenaient personnellement et ceux qui lui sont échus dans le partage (art. 1482 C. civil). En outre, l'époux peut être poursuivi à concurrence de la moitié des dettes fiscales de son conjoint puisqu'il a recueilli la moitié de l'actif ; toutefois, ce droit de poursuite est limité, sous certaines conditions, à son émolument, c'est-à-dire à la valeur des biens effectivement recueillis par lui dans le partage de l'actif (art. 1483 C. civil).

* Cas particuliers.

→ Cautionnements souscrits en matière fiscale.

45.Lorsqu'une personne mariée se porte caution en garantie, notamment, de l'octroi de facilités de paiement (tel est, par exemple, le cas des dirigeants de sociétés), les poursuites engagées à l'encontre de l'intéressée doivent être limitées à ses biens propres et à ses revenus (art. 1415 C. civil).

46.Les biens communs ne peuvent donc, en principe, être appréhendés.

Pour obtenir une garantie plus large, il y a lieu, lors de la souscription de l'engagement de cautionnement :

- soit d'obtenir l'insertion du consentement du conjoint dans l'acte de caution (au plan pratique la formule manuscrite « Bon pour consentement » (art. 1415 C. civil), suivie de la signature du conjoint, sera utilisée). Dans ce cas, les biens de la communauté pourraient être saisis, mais pas les biens propres du conjoint (art. 1415 C. civil) ;

- soit, de faire souscrire par le conjoint un acte de caution distinct. En tant que de besoin, des poursuites pourront alors être exercées sur les biens communs et sur les biens propres de chacun des deux époux.

→ Dettes nées du chef des deux époux.

47.Si les dettes fiscales sont nées, pendant le mariage, du chef des deux époux, le recouvrement est poursuivi sur l'ensemble des biens du ménage (biens propres et revenus de chaque époux et biens communs).

48.Les mêmes possibilités existent après dissolution de la communauté (art. 1482 et 815-17, alinéa 1, C. civil). Chaque époux reste tenu de la totalité de la dette sur l'ensemble de ses biens après le partage.

* Impositions nées après le mariage.

49.Après la dissolution de la communauté, les dettes fiscales qui naissent du chef de chacun des ex-époux peuvent seulement être recouvrées sur les biens personnels de l'intéressé (biens propres et revenus), et non sur les biens qui composent l'indivision post-communautaire. Le receveur est toutefois en droit de provoquer le partage des biens indivis (art. 815-17, alinéa 3, C. civil). Après le partage, le débiteur est tenu sur l'intégralité de ses biens, c'est-à-dire ceux qui lui appartiennent personnellement et ceux qui lui sont échus dans le partage.

50.S'agissant des impositions qui résultent de la gestion des biens indivis (cas, par exemple, des taxes sur le chiffre d'affaires nées au cours de l'exploitation d'un fonds de commerce qui figure dans la communauté), le receveur est fondé à saisir et à vendre les biens qui composent l'indivision (art. 815-17, alinéa 1, C. civil). En outre, dans l'hypothèse où ce passif fiscal ne peut être apuré sur les biens indivis, le recouvrement de la créance peut être poursuivi sur le patrimoine des ex-époux à proportion des droits de chacun d'eux dans l'indivision (art. 815-10, alinéa 3, C. civil).

2. Le bien doit être disponible.

51.Le bien doit non seulement appartenir au débiteur pour qu'il soit saisissable, mais encore être disponible entre ses mains.

52.Ainsi, l'ouverture d'une procédure collective du passif du redevable entraîne son dessaisissement de la gestion de ses biens (art. 152 de la loi du 25 janvier 1985) et la suspension ou l'interdiction des poursuites (art. 47 de la même loi).

53.Enfin, la règle « saisie sur saisie ne vaut » interdit de saisir les biens déjà placés sous main de justice.