Date de début de publication du BOI : 01/10/1999
Identifiant juridique : 7S322
Références du document :  7S322

SECTION 2 PREUVE DU DROIT DE PROPRIÉTÉ

  D. BIENS DÉTENUS À TITRE PRÉCAIRE

11Les biens qui ne sont pas la propriété de la personne imposable et qu'elle ne détient qu'à titre précaire, n'ont pas à être déclarés.

Il en est ainsi des sommes et valeurs détenues en qualité de mandataire, de dépositaire, de tuteur ou de créancier gagiste.

Dans l'hypothèse d'un immeuble détenu en vertu d'un contrat d'antichrèse (contrat qui a pour effet de mettre un créancier en possession d'un immeuble avec faculté d'en percevoir les fruits à charge de les imputer sur les intérêts, puis sur le capital dus), l'immeuble grevé d'antichrèse doit être compris dans le patrimoine du débiteur qui est le propriétaire de l'immeuble, la créance de l'antichrésiste étant imposable dans le patrimoine de celui-ci.

Bien entendu, le débiteur pourra déduire de son patrimoine, pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, le montant de la dette garantie.

  E. PRÉSOMPTIONS DE PROPRIÉTÉ

12Par application du principe selon lequel l'impôt de solidarité sur la fortune est assis selon les mêmes règles que les droits de mutation par décès, le service est fondé à invoquer les présomptions de propriété existant en matière de droits de succession (cf. DB 7 G 2154 ).

  I. Présomption résultant de l'article 751 du CGI

13Aux termes de l'article 751 du CGI, est réputé, au point de vue fiscal, faire partie, jusqu'à preuve contraire, de la succession de l'usufruitier, toute valeur mobilière, tout bien meuble ou immeuble appartenant, pour l'usufruit au défunt et pour la nue-propriété à l'un de ses présomptifs héritiers ou descendants d'eux, même exclu par testament, ou à ses donataires ou légataires institués, même par testament postérieur, ou à des personnes interposées, à moins qu'il y ait eu donation régulière et que cette donation, si elle n'est pas constatée dans un contrat de mariage, ait été consentie plus de trois mois avant le décès.

Ce texte a pour but d'éviter que certaines personnes ne se dépouillent de leur vivant de la nue-propriété de tout ou partie de leurs biens en faveur de leurs présomptifs héritiers ou de leurs légataires, afin d'éviter à ceux-ci le paiement de l'impôt de mutation par décès. En effet, l'extinction naturelle de l'usufruit par le décès de l'usufruitier ne donne ouverture à aucun droit.

S'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune, afin d'éviter des démembrements de propriété ayant pour but d'éluder l'impôt, l'article 885 G, 1er alinéa, du CGI pose pour principe que les biens grevés d'un usufruit, d'un droit d'habitation ou d'un droit d'usage accordé à titre personnel, doivent être compris au titre de l'impôt, dans le patrimoine de l'usufruitier, pour leur valeur en toute propriété.

Cette disposition, commentée DB 7 S 3212, n°s 32 et suiv. , a un champ d'application plus large que celui de la présomption de propriété édictée par l'article 751 du CGI.

Dès lors, cette présomption ne devrait par trouver à s'appliquer au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune.

  II. Présomption résultant de l'article 752 du CGI

14Aux termes de l'article 752 du CGI, sont présumées, jusqu'à preuve contraire, faire partie de la succession, pour la liquidation et le paiement des droits de mutation par décès, les actions, obligations, parts de fondateur ou bénéficiaires, parts sociales et toutes autres créances dont le défunt a eu la propriété ou a perçu les revenus ou à raison desquelles il a effectué une opération quelconque moins d'un an avant son décès.

Ces dispositions sont directement applicables à l'impôt de solidarité sur la fortune.

Doivent être considérées comme dépendant du patrimoine du redevable au 1er janvier de l'année d'imposition, les actions, obligations, parts de fondateurs ou bénéficiaires, parts sociales et toutes autres créances dont il a perçu les revenus ou à raison desquelles il a effectué une opération quelconque au cours de l'année précédant celle au titre de laquelle l'imposition est établie.

La présomption légale s'applique non seulement aux valeurs mobilières et aux parts sociales, mais aussi aux créances.

Elle peut être invoquée dès lors que le redevable a touché une fois pendant l'année précédan celle de l'imposition tout ou partie des revenus de titres ou valeurs ou qu'il a effectué, durant la même période, une opération quelconque se rattachant à ces titres et valeurs telle que représentation à une assemblée générale, exercice du droit de souscription, dépôt ou retrait des titres d'une banque, constitution en nantissement, conversion au porteur de valeurs nominatives.

15La présomption édictée par l'article 752 du CGI n'est pas irréfragable. Le redevable est fondé à apporter la preuve contraire par tous les moyens compatibles avec la procédure écrite, notamment par la production d'un document attestant de la vente avant le 1er janvier des titres ou créances concernés (bordereaux bancaires ou de prestataires de service d'investissement 1 par exemple).

Mais, aux termes mêmes de l'article 752 précité, la preuve contraire ne peut résulter de la cession à titre onéreux consentie à l'un de ses héritiers présomptifs ou descendants d'eux ou à des personnes interposées, telles qu'elles sont désignées par les articles 911, 2e alinéa, et 1100 du code civil, à moins que cette cession ait acquis date certaine avant le 1er janvier de l'année d'imposition.

En conséquence, dans le cas où la cession invoquée a été consentie à l'une des personnes visées au deuxième alinéa de l'article 752 du CGI (héritiers présomptifs ou descendants d'eux, donataires, personnes interposées), la preuve contraire ne peut être considérée comme rapportée que si la cession est établie par acte authentique ou par acte sous seing privé dûment enregistré avant le 1er janvier de l'année d'imposition ou ayant acquis date certaine par le décès de l'acquéreur. Un simple bordereau de prestataire de service d'investissement 2 ne répond pas à ces conditions.

  III. Présomption résultant de l'article 753 du CGI

16Tous les titres, sommes ou valeurs existant chez les dépositaires désignés à l'article 806-I du CGI et faisant l'objet de comptes indivis ou collectifs sont considérés, pour la perception des droits de mutation par décès, comme appartenant conjointement aux déposants et dépendant de la succession de chacun d'eux, pour une part virile au sens du droit civil. Ainsi, si trois personnes ont fait ouvrir un compte de cette nature, elles sont considérées comme propriétaires chacune du tiers des titres, sommes ou valeurs en dépôt.

La présomption vise seulement les comptes connus plus généralement sous le nom de « comptes joints » ou « conjoints » qui sont ouverts au nom de plusieurs personnes avec stipulation que chaque titulaire peut faire fonctionner le compte et, notamment, retirer seul et sans l'assistance de son codéposant la totalité des sommes ou valeurs existant au crédit du compte.

Les dépositaires visés par le texte sont les administrations. publiques, les établissements ou organismes quelconques soumis au contrôle de l'autorité administrative, les sociétés ou compagnies, prestataires de service d'investissement 2 , changeurs, banquiers, escompteurs, officiers publics ou ministériels ou agents d'affaires.

Au titre de cette présomption, tout redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune doit inclure dans sa déclaration annuelle sa part « virile » des titres, sommes ou valeurs existant au 1er janvier de l'année d'imposition chez les dépositaires désignés ci-avant au titre d'un compte indivis ou collectif dont il est cotitulaire.

La preuve contraire réservée par l'article 753 du CGI peut être faite par l'administration au moyen de tous les modes de preuve compatibles avec la procédure écrite et par les parties, au moyen des énonciations du contrat de dépôt, ou d'actes authentiques ou sous seing privé ayant acquis date certaine avant le 1er janvier de l'année d'imposition autrement que par le décès de l'une des parties contractantes.

  IV. Présomption résultant de l'article 754 du CGI

17Aux termes de l'article 754 du CGI, les sommes, titres ou objets trouvés dans un coffre-fort loué conjointement à plusieurs personnes sont réputés, à défaut de preuve contraire, être la propriété conjointe de ces personnes. Cette disposition est applicable aux plis cachetés et cassettes fermées remis en dépôt aux banquiers, changeurs, escompteurs, et à toute personne recevant habituellement des plis de même nature.

En application de la présomption édictée par l'article 754 du CGI, tout redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune doit comprendre dans sa déclaration annuelle sa part " virile " des biens contenus au 1er janvier de l'année d'imposition dans un coffre loué conjointement.

  V. Présomptions résultant de l'article 754 B du CGI

18Les articles 94 de la loi de finances pour 1982 et 111 de la loi de finances pour 1984 ont créé un certain nombre d'obligations relatives à la forme et à l'inscription en compte des valeurs mobilières. Ces obligations sont sanctionnées par diverses mesures et notamment par une double présomption de propriété à l'égard de certains dirigeants de la société émettrice des titres pour lesquels ces règles n'auraient pas été respectées. Ces présomptions sont destinées à préserver les droits du Trésor. Seule l'administration a qualité pour les évoquer, les intéressés ne sauraient s'en prévaloir.

Applicable aux droits de mutation par décès, cette double présomption de propriété est expressément étendue à l'impôt de solidarité sur la fortune par l'article 885 C du CGI.

1. Présomption de propriété résultant de l'article 754 B-I du CGI.

19Lorsqu'ils ne justifient pas avoir effectué toute diligence pour assurer l'application effective des dispositions du premier alinéa de l'article 1649 quater-0 A et des premier à quatrième alinéas de l'article 94-I, complété, de la loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981, les gérants, le président du conseil d'administration ou du directoire de la société émettrice sont présumés, sauf preuve contraire, être les propriétaires des actions qui ne revêtiraient pas la forme nominative, ou qui n'auraient pas été vendues dans les conditions prévues à l'article 94-I précité.

a. Titres concernés.

20La présomption de propriété concerne les actions émises en territoire français, avant le 1er octobre 1982, et soumises à la législation française des sociétés par actions autres que les SICAV, qui ne sont inscrites ni à la cote officielle ni au second marché des bourses françaises de valeurs 3 ou qui, non inscrites au hors cote 4 , ne font pas l'objet de transactions d'une importance et d'une fréquence qui sont fixées par décret (voir l'article 4 du décret n° 78-1065 du 9 novembre 1978 joint en annexe).

La présomption de propriété ne s'applique pas :

- aux actions qui, émises avant le 1er octobre 1982, ont cessé de répondre après cette date aux conditions précitées ;

- aux actions émises après le 1er octobre 1982 et qui ne répondent pas aux conditions susvisées ;

- aux parts de fondateurs et aux parts bénéficiaires qui, légalement, constituent des créances et non des actions.

b. Mise en oeuvre de la présomption de propriété.

1° Notion de diligence.

21Par diligence, il faut entendre le respect des obligations mises à la charge des dirigeants et qui portent sur :

- la mise en harmonie des statuts de la société. À cet égard, il est précisé que l'assemblée générale a dû en tout état de cause être réunie avant le 1er octobre 1982 afin que le dirigeant ait pu, le cas échéant, saisir, le président du Tribunal de commerce avant cette date limite ;

- la surveillance de l'interdiction faite par la loi aux détenteurs d'actions non nominatives d'exercer à compter du 1er octobre 1982 les droits attachés à ces titres ;

- la mise en vente des droits correspondant aux titres non nominatifs.

De plus, conformément à la volonté du législateur, les dirigeants ont du également accomplir des actes positifs de recherche des porteurs qui ne se seraient pas spontanément présentés.

La diligence constitue pour le dirigeant, une obligation de moyens et non de résultats.

2° Administration de la preuve contraire.

22Conformément aux règles de preuve en matière de droit de mutation par décès et d'impôt de solidarité sur la fortune la preuve contraire ne peut être établie que par la procédure écrite.

En pratique, cette preuve peut être apportée comme suit :

- en ce qui concerne la mise en harmonie des statuts, la convocation de l'assemblée générale est justifiée par la communication du journal d'annonces légales ayant inséré l'avis de convocation visé à l'article 124 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967. La modification des statuts, qui doit être publiée au registre du commerce et des sociétés conformément à l'article 58 du décret n° 67-237 du 23 mars 1967, est établie au moyen du récépissé de dépôt visé à l'article 52 du même décret. Enfin, la saisine du président du Tribunal de commerce est prouvée par l'inscription au greffe de la requête à fin d'homologation du projet de mise en harmonie ;

- la surveillance de l'interdiction faite aux titulaires d'actions au porteur d'exercer les droits attachés à ces titres est matériellement établie, en ce qui concerne l'exercice du droit de vote, par la communication du procès-verbal de l'assemblée générale et du registre des titres nominatifs. Le respect de l'interdiction de distribution de bénéfices ou de réserves est justifié par la production des livres comptables ;

- les actes positifs de recherche des porteurs défaillants sont établis par la communication :

. des correspondances aux actionnaires relevés pour leur demander si, à leur connaissance, il existe d'autres porteurs de titres,

. des publications de communiqués ou d'annonces dans un journal d'annonces légales ;

- la preuve de la mise en vente des titres non nominatifs est apportée dans la mesure où les conditions de la vente fixées par décret sont respectées (cf. décret n° 82-893 du 18 octobre 1982, JO du 20 octobre 1982, p. 3154).

Enfin, la révélation de l'identité du porteur d'un titre non nominatif, accompagnée de la preuve de la qualité d'actionnaire de cette personne, constitue également la preuve contraire visée à l'article 754 B-I du CGI.

1   Les prestataires de service d'investissement se sont substitués aux sociétés de bourses depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières.

2   Les prestataires de service d'investissement se sont substitués aux sociétés de bourses depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières.

3   Depuis l'intervention de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières et notamment son article 96 II et III, il s'agit, en pratique, des titres susvisés qui sont négociés sur un marché réglementé.

4   Le relevé quotidien du hors cote est supprimé depuis le 2 juillet 1998 (décret n° 97-1050 du 1er novembre 1997).