SOUS-SECTION 1 RÉGIME SPÉCIAL DES ACHATS EN VUE DE LA REVENTE
c. Portée de la prorogation.
18Le dispositif mis en place a pour effet de proroger, jusqu'au 31 décembre 1998, la date de revente de tous les biens détenus par les marchands de biens au 1 er janvier 1993, dès lors que le délai qui leur était antérieurement imparti pour revendre n'était pas expiré à cette date.
C. DÉCHÉANCE DU RÉGIME DE FAVEUR
I. Événements entraînant la déchéance
1. Défaut de revente dans le délai imparti.
19La déchéance est encourue du seul fait que les biens acquis n'ont pas été revendus dans le délai de quatre ans 1 .
Ainsi, la Haute Juridiction en précisant que la portée des stipulations des actes doit être appréciée sans avoir à rechercher l 'intention des parties , a décidé qu'était justifié le jugement qui a constaté que le contribuable après avoir, dans l'acte présenté à la formalité, pris la qualité de marchand de biens et sollicité le régime de l'article 1115 du CGI n'avait pas respecté l'engagement souscrit. Au cas d'espèce, le contribuable contestait les droits complémentaires et supplémentaire mis à sa charge pour non respect de l'engagement visé à l'article 1115 précité en faisant valoir qu'elle avait pris par erreur dans l'acte d'acquisition cet engagement ainsi que la qualité de marchand de biens. Elle demandait à ce qu'il soit procédé, sur ce point, à une interprétation de l'acte par référence à la promesse de vente (Cass. com, arrêt du 12 janvier 1988, affaire X... , Bull. IV n° 21 p. 14).
Toutefois, les juges sont tenus de se prononcer sur la force majeure invoquée par un marchand de biens qui prétend « avoir été empêché de faire ce à quoi il était obligé dans le délai imparti » c'est-à- dire de revendre dans les cinq ans 1 de l'acquisition, dès lors qu'aucune disposition légale ne leur interdit de le faire (Cass. com. arrêts du 23 novembre 1983, n° 894, aff. X... , RJ p. 92 et du 27 novembre 1984, aff. SA Bâti-service n° 877P, RJ p. 40).
Pour constituer un cas de force majeure, l'événement invoqué doit avoir, outre les caractères d'extériorité et d'imprévisibilité, celui d'être insurmontable par l'impossibilité absolue de remplir l'obligation contractée.
Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision le tribunal qui admet la force majeure sans constater que la revente d'un immeuble acquis par un marchand de biens, quelles que fussent les stipulations du contrat 2 , avait été absolument impossible dès que le délai de cinq ans 1 avait commencé de courir, puis pendant toute sa durée (Cass. com., arrêt du 14 février 1989, affaire X... ).
De même, l'existence d'une inscription hypothécaire, fut-elle prise à tort sur un bien, n'empêche pas sa revente dans les délais légaux et ne saurait donc, faute de présenter un caractère d'irrésistibilité, constituer un cas de force majeure (Cass. com., arrêt du 24 novembre 1987, affaire Mme X... ).
En ce qui concerne les apports purs et simples en société effectués à compter du 1 er janvier 1996, cf. ci-dessous n° 23
2. Donation.
20Un marchand de biens ou un lotisseur qui, avant l'expiration du délai de quatre ans 1 consent une donation du bien acquis sous le régime spécial des achats effectués en vue de la revente est déchu du bénéfice de ce régime.
3. Perte de la nature immobilière du bien.
21Une société avait acheté le 20 février 1976 un bois de taillis sous futaie en se plaçant sous le régime de l'article 1115 du CGI et avait revendu respectivement les 15 et 26 juillet de la même année le sol du bois à un groupement forestier et la superficie à son gérant en sa qualité d'exploitant forestier.
Statuant sur les deux branches du moyen invoqué par la société et les déclarant non fondés, la cour a constaté :
- « d'une part, que le tribunal, ayant retenu dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de conviction versés aux débats que (le gérant) n'avait eu, dès l'acquisition du bois, en vue de l'exploitation de sa superficie, a pu en déduire que les arbres à abattre avaient été mobilisés par anticipation, peu important que certains de ces arbres fussent de haute futaie ;
- « d'autre part, que le tribunal fait ressortir à bon droit qu'un bien qualifié immeuble lors de son acquisition sous le régime de l'article 1115... doit, pour continuer de bénéficier dudit régime, avoir conservé sa nature immobilière lors de sa revente avant l'expiration du délai légal. »
Le service avait donc, à juste titre, remis le régime de faveur en cause en ce qui concerne la partie du prix d'acquisition excédant la valeur du sol (Cass. com., arrêt n° 1011 du 24 novembre 1981, affaire SARL Forestière et immobilière de Chamailles, RJ n° III p. 157).
4. Transformation d'une SARL en SCI.
22La déchéance du régime de faveur est également encourue lors de la transformation d'une SARL en SCI dès lors qu'une telle transformation, n'entraîne pas, au regard des dispositions de l'article 1115 du CGI, mutation d'immeuble. Les dispositions de l'article 221-2 du même code (dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 16-III-1 de la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989) qui considère une telle transformation comme une cessation d'entreprise, concernent l'impôt sur les sociétés et non les droits d'enregistrement (Cass. com., arrêt du 4 juillet 1984, aff. société Sodetim, RJ p.11).
5. Apport en société.
23L'article 17 de la loi de finances rectificative pour 1995 a complété l'article 1115 du CGI d'un alinéa qui dispose que, pour l'application de la condition de revente, les apports purs et simples effectués à compter du 1er janvier 1996 ne sont pas considérés comme des ventes.
Cette disposition concerne les seuls apports purs et simples.
Les apports effectués à titre onéreux demeurent assimilés à des ventes. Il en est de même en cas d'apport mixte pour la fraction de l'apport correspondant à un apport à titre onéreux (cf. définition des apports DB 7 H 21 ).
Cette mesure s'applique aux apports purs et simples effectués à compter du 1er janvier 1996.
Il s'ensuit que les apports purs et simples effectués avant le 1er janvier 1996 doivent être considérés comme valant revente au titre de l'article 1115 du CGI conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation. En conséquence, les impositions contestées peuvent être dégrevées sur demande des contribuables dans les conditions habituelles de recevabilité des réclamations.
6. Cas particulier : situation des biens ayant fait l'objet d'une réquisition effectuée conformément aux articles L. 641-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.
24Pour les biens ayant fait l'objet d'une réquisition effectuée conformément aux articles L. 641-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, le délai de revente, d'une part, et l'application des réductions mentionnées au II de l'article 1840 G quinquies du CGI, d'autre part, sont prorogés d'une durée égale à la durée d'immobilisation de l'immeuble.
Cette mesure a pour objet de neutraliser, au regard du régime fiscal prévu aux articles 1115 et 1840 G quinquies du CGI, la période durant laquelle les marchands de biens n'ont pu disposer des immeubles leur appartenant. Le délai de revente de quatre ans éventuellement prorogé est suspendu pendant la durée de la réquisition.
À la date de restitution de leurs biens, les marchands de biens bénéficient :
- d'un délai de revente identique à celui dont ils disposaient à la date de réquisition ;
- pour les biens visés au II de l'article 1840 G quinquies du CGI (cf. n° 35 ), des coefficients de réduction applicables au montant des droits dus lorsque les biens en cause sont vendus dans les trois années qui suivent l'expiration du délai de revente.
Les délais sont décomptés de quantième à quantième (cf. exemple n° 9 en annexe).
II. Effet de la déchéance
1. Principes généraux.
a. Droits exigibles.
25La déchéance du régime de faveur entraîne l'exigibilité :
- du complément de taxe de publicité foncière et de prélèvement pour frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non-valeurs ;
- des taxes additionnelles communale et régionale 3 ;
- du droit supplémentaire de 1 % 4 ;
- et de l'intérêt de retard.
1 ° Complément de droit de mutation et de prélèvement pour frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non-valeurs.
26L'acquéreur est tenu d'acquitter le complément de taxe de publicité foncière au taux de droit commun et d'après les tarifs en vigueur au jour de l'acquisition, ainsi que le complément de frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non-valeurs (cf. ci-avant DB 7 C 11 n os14 et 15 ) qui en résultent.
27Toutefois, jusqu'au 31 décembre 1998, dans le cas d'un immeuble affecté à l'habitation, le marchand de biens pouvait bénéficier du tarif réduit prévu à l'ancien article 710 du CGI (cf. ci-avant DB 7 C 1421 ) à la double condition :
- qu'il se soit engagé dans l'acte d'acquisition ou dans un acte séparé, passé dans le délai de réclamation courant à compter de l'acte d'acquisition à ne pas. affecter l'immeuble acquis à un usage autre que l'habitation pendant un délai de trois ans ;
- et que cet engagement ait été respecté (cf. ci-avant DB 7 C 1421 n° 127 ).
2° Taxes additionnelles.
28Le marchand de biens ou le lotisseur doit acquitter, en sus, la taxe additionnelle communale dont il avait été dispensé et, le cas échéant, la taxe additionnelle régionale 3 .
3° Droit supplémentaire de 1 % 4 .
29Ce droit, prévu à l'article 1840 G quinquies du CGI, constitue une pénalité d'assiette (CE, arrêt du 31 mars 1993 ; aff. X... ).
4° Intérêt de retard.
30L'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI, décompté du premier jour du mois suivant la date d'expiration du délai légal de présentation de l'acte à la formalité, doit être appliqué, indépendamment du droit supplémentaire de 1% ou 6 %.
5° Paiement des droits et pénalités.
31Le complément et le supplément de droit de mutation, le complément de frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non-valeurs, ainsi que la (ou les) taxe(s) additionnelle(s), doivent être versés dans le mois suivant l'expiration du délai imparti.
32Bien entendu, avant de mettre en recouvrement les droits et taxes exigibles, le service doit adresser au redevable une notification de redressements précisant les motifs et le montant de la taxation complémentaire.
b. Mutations successives entre marchands de biens.
33En cas de mutations successives entre marchands de biens (cf. ci-avant n os8 à 11 ), c'est le professionnel, propriétaire de l'immeuble à l'expiration du délai de quatre ans (délai calculé à compter de l'acquisition par le premier marchand de biens) qui est tenu d'acquitter le complément de taxe, prélèvement, droits et pénalités (cf. ci-avant n os26 à 32 ) sur la valeur des biens au jour de sa propre acquisition.
Aucune régularisation n'est exigible des précédents acquéreurs marchands de biens dès lors qu'ils ont revendu l'immeuble dans le délai légal qui leur était imparti.
2. Aménagement de la déchéance du régime de faveur lorsque les biens ayant bénéficié du report de délai de revente au 31 décembre 1998 sont revendus entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2001.
34Conformément au I de l'article 1840 G quinquies du CGI, le marchand de biens qui n'a pas revendu le bien acquis dans le délai qui lui était imparti est normalement tenu d'acquitter les droits et taxes de mutation à titre onéreux dont avait été dispensée l'acquisition auxquels s'ajoutent un droit supplémentaire de 1 % 5 et l'intérêt de retard.
35Toutefois, le II de l'article 1840 G quinquies du code précité prévoit que lorsque les biens ayant bénéficié du report de délai jusqu'au 31 décembre 1998 sont revendus entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2001, le vendeur est tenu d'acquitter le montant des impositions dont la perception a été différée, respectivement réduit :
- de 75 p. 100 en cas de revente entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 1999 ;
- de 50 p. 100 en cas de revente entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2000 ;
- de 25 p. 100 en cas de revente entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2001.
À ces droits et taxes de mutation à titre onéreux, s'ajoute l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI, décompté du premier jour du mois suivant la date d'expiration du délai légal de présentation de l'acte d'acquisition à la formalité de l'enregistrement 6 (cf. exemples n os 7 et 8 en annexe).
Les sommes dues doivent être versées dans le mois suivant la revente du bien.
36Ce dispositif transitoire est donc applicable à la double condition que :
- les biens aient été acquis avant le 1er janvier 1993 et que le délai de revente soit en cours à cette même date ;
- les biens soient revendus entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2001.
L'absence de revente de ces biens, au 1er janvier 2002, entraîne la remise en cause du régime de faveur de l'article 1115 du CGI dans les conditions de droit commun prévues au I de l'article 1840 G quinquies du CGI.
1 Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 1990 (n° 90-1159 du 29 décembre 1990.) [cf. ci-dessus n° 5 ], le délai était de cinq ans.
2 Engagement, visé à l'article 1115 du CGI, de revendre l'immeuble dans le délai requis à l'époque des faits (cinq ans).
3 La taxe additionnelle régionale prévue à l'ancien article 1599 sexies du CGI était perçue pour les actes signés jusqu'au 31 décembre 1998. Pour les mutations à titre onéreux d'immeubles à usage d'habitation ou de garage, elle a été supprimée dès le 1 er septembre 1998 (cf. DB 7 C 11, n° 14 ).
4 Taux applicable depuis le 1er janvier 1999 ; auparavant il était de 6%.
5 Taux applicable depuis le 1 er janvier 1999 ; auparavant il était de 6%.
6 Le droit supplémentaire de 1 % ou (6 %) ne s'applique pas.
Article abrogé à compter du 1 er juin 2000 pour les immeubles sis dans le département de la Marne et à compter du 15 septembre 1999 pour les immeubles sis dans les autres départements.