CHAPITRE 2 ACTIVITES PASSIBLES DE LA TAXE PROFESSIONNELLE
CHAPITRE 2
ACTIVITES PASSIBLES DE LA TAXE PROFESSIONNELLE
L'article 1447 du CGI ne soumet à la taxe professionnelle que les activités exercées à titre habituel, qui revêtent un caractère professionnel et qui ne sont pas salariées.
La taxe ne concerne que les activités exercées dans les limites du territoire national.
Les développements qui suivent traitant successivement :
- des conditions requises pour qu'une activité soit passible de la taxe ;
- des règles de territorialité de l'impôt.
SECTION 1
Caractéristiques des activités imposables
1Ces caractéristiques sont au nombre de trois et doivent être réunies :
- l'activité doit présenter un caractère habituel ;
- elle doit être exercée à titre professionnel, ce qui exclut les personnes qui se bornent à gérer leur patrimoine et les activités sans but lucratif ;
- elle ne doit pas être rémunérée par un salaire.
A. CARACTERE HABITUEL
2Cette première condition est considérée comme satisfaite lorsque les actes qui caractérisent l'activité sont effectués de manière répétitive.
C'est ainsi que le Conseil d'Etat a déclaré imposables :
- les activités saisonnières (saison touristique, artistique ou sportive) ;
- l'opération consistant en un achat unique suivi de nombreuses ventes (lotisseur, revente d'un immeuble par appartements...) :
- les personnes liées par contrat à une seule entreprise 1 ;
- les entreprises dont l'activité se limite à la gestion de contrats antérieurs, ou à la vente de leurs stocks alors qu'elles ont cessé tout achat ou toute fabrication.
De même, il a été jugé que la répétition d'actes caractéristiques d'une profession suffisait à justifier l'imposition, même si :
- l'activité est exercée à titre précaire ;
- la personne qui l'exerce n'a pas recours à la publicité, n'a pas de personnel et ne dispose pas de bureaux ouverts au public.
3Sont également soumis à la taxe professionnelle dès l'instant où le nombre des actes effectués et l'importance des recettes correspondantes sont suffisants pour caractériser l'exercice habituel d'une profession :
- les employés des compagnies d'assurances qui apportent des contrats à leur employeur et perçoivent des commissions ayant le caractère de bénéfices non commerciaux ;
- les médecins retraités pratiquant des expertises médicales (RM Cazalet, JO, déb. AN du 3 mars 1979, p. 1288, n° 6710) et de manière plus générale toutes personnes retraitées exerçant une activité d'expert lorsque cette activité n'est pas considérée comme une activité salariée ;
- les étudiants en médecine effectuant des remplacements (RM Dehaine, JO, déb. AN du 17 mars 1979, p. 1825, n° 7702) ;
- les médecins et enseignants experts prés des tribunaux (RM Pierre Bloch, JO, déb. AN du 9 février 1981, p. 564, n° 37985) ;
- un exploitant agricole qui se livre à l'achat-revente de terrains et qui n'établit pas qu'il a effectué ces opérations exclusivement pour les besoins de son exploitation 2 . Cette activité exercée de manière habituelle a été jugée imposable à la taxe professionnelle, eu égard à la répétition des opérations d'achat et de revente et à la brièveté du délai écoulé entre les achats et les ventes (CE, 12 mai 1980, req. n° 13995) ;
- les délégués et correspondants départementaux d'une mutuelle rémunérés par une indemnité fofaitaire destinée notamment à couvrir les dépenses qu'ils sont amenés à engager dans l'exercice de leur mandat et soumise à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des BNC, dès lors que leur activité présente un caractère professionnel et habituel ;
- les personnes qui effectuent des missions de commissaires-enquêteurs, et qui sont rémunérées à ce titre sous forme d'honoraires imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, l'absence de personnel ou de bureaux ouverts au public étant sans influence sur le principe de l'imposition (RM Cornac, JO, déb. Sénat, 15 novembre 1990, p. 2446 n° 8774).
Il est précisé que l'appréciation du caractère habituel d'une activité est une question de fait qu'il convient d'examiner chaque année, en fonction des conditions particulières dans lesquelles est exercée l'activité.
4Bien entendu, les actes isolés ou qui présentent un caractère accidentel, occasionnel ou exceptionnel ne donnent pas lieu au paiement de la taxe professionnelle (ex. : perception d'une commission à la suite d'un acte unique d'entremise, médecin ou avocat retraité donnant quelques consultations à titre gratuit ou nommé à titre exceptionnel comme expert...).
B. CARACTERE PROFESSIONNEL
5Une activité même effectuée à titre habituel ne peut revêtir un caractère professionnel que si elle est exercée dans un but lucratif et n'est pas limitée à la gestion d'un patrimoine privé.
Sont donc placées hors du champ d'application de l'impôt :
- les activités sans but lucratif ;
- les activités limitées à la gestion d'un patrimoine privé de caractère mobilier ou immobilier.
I. Activités sans but lucratif
6Le point de savoir si une activité est ou non lucrative dépend des conditions dans lesquelles elle est exercée. Il convient donc d'examiner ces conditions, dans chaque cas particulier, en fonction de la situation de droit et de fait.
1. Détermination du caractère lucratif d'une activité.
7Cette question a donné lieu à une très abondante jurisprudence. Le service trouvera ci-après un résumé des critères le plus souvent retenus par les juridictions administratives. Il ne suffit évidemment pas qu'une seule des conditions, soit satisfaite pour que l'activité soit dépourvue d'intention lucrative. Inversement, il ne saurait être exigé que tous les critères ci-après soient réunis. Ce n'est qu'à partir d'un faisceau d'indices qu'il est possible de déterminer si une activité est ou non exercée dans un but lucratif.
8 1. Tout d'abord, la forme ou l'objet social de l'organisme n'ont en eux-mêmes qu'une importance secondaire.
La forme de société notamment ne suffit pas à conférer a priori un caractère lucratif à l'activité (CE, arrêt du 25 février 1985, n° 39703).
Il est toutefois rappelé que les organismes sans but lucratif revêtent en général la forme d'association (loi du 1er juillet 1901), d'oeuvres ou de fondations (éventuellement agréées ou subventionnées par l'Etat) et exercent plus particulièrement leur activité dans les domaines suivants :
- assistance sanitaire ou sociale (clinique, maternité, orphelinat, hébergement des jeunes travailleurs, des immigrés, des personnes âgées, des handicapés physiques) ;
- restauration (cantines) ;
- culture (foyers) ;
- éducation (alphabétisation, formation professionnelle) ;
- sport, tourisme ;
- défense des intérêts professionnels ou particuliers.
9 2. Il n'est pas nécessaire ensuite qu'il y ait effectivement réalisation d'un profit. Il suffit que, directement ou indirectement, l'activité soit susceptible de procurer un bénéfice. C'est ce qui ressort constamment de la jurisprudence du Conseil d'Etat.
10 3. Pour être réputée non lucrative l'activité ne doit pas être exercée dans les conditions habituelles de la profession.
Il convient donc dans chaque cas particulier de comparer les conditions dans lesquelles le contribuable exerce son activité avec celles pratiquées par des entreprises à but lucratif et rechercher notamment :
1° Si l'activité du contribuable concerne la même clientèle que celle des entreprises assujetties ou si au contraire elle vise des catégories sociales plus défavorisées ou s'exerce dans un secteur mal couvert par les entreprises commerciales.
2° Si la gestion est conduite dans un esprit largement désintéressé. Tel n'est pas le cas, en particulier, lorsque le mode de rémunération choisi permet à certaines personnes de se partager directement ou indirectement des bénéfices ou lorsque le mode de dévolution de l'actif permet aux associés de réaliser des gains en capital ou de profiter d'améliorations effectuées dans les locaux dont ils sont propriétaires.
3° Si les prix pratiqués (compte tenu éventuellement des subventions ou avantages accordés par les pouvoirs publics ou des collectivités privées) sont analogues à ceux d'entreprises soumises à la taxe professionnelle à moins bien entendu que ces prix n'aient été fixés par l'autorité publique dans des conditions telles qu'elles excluent toute possibilité de profit.
4° Si les résultats sont généralement excédentaires. Il convient cependant de rechercher si ces excédents ne sont pas la conséquence directe du caractère désinteressé de la gestion (dirigeants bénévoles, personnel percevant de très faibles rémunérations).
5° Lorsqu'il y a des excédents, si ceux-ci sont affectés à la satisfaction de besoins qui se manisfestent dans des secteurs où l'initiative privée ou publique est déficiente ou insuffisante (traitement de maladies incurables).
6° Si l'activité constitue le prolongement de celle d'entreprises assujetties ; dans ce cas, elle est imposable.
2. Exemples d'activités jugées sans but lucratif.
11 1° Gestion par une association régie par la loi de 1901, d'une résidence pour retraités édifiée par une caisse d'épargne et qui offre ses services dans un domaine où les besoins sont insuffisamment couverts par les établissements tant publics que privés de même nature dès lors :
- que le prix de pension est fixé à un montant destiné à ne couvrir que les frais d'exploitation et ne permet pas de dégager des excédents de recettes, l'association ayant d'ailleurs bénéficié d'aides financières de la caisse d'épargne pour son fonctionnement ;
- que le président et les membres du conseil d'aministration de l'association ne perçoivent aucune rémunération ;
- que le loyer stipulé au profit de la caisse d'épargne est très modéré et que l'association a d'ailleurs été dispensée de le payer au cours de l'année en cause ; (CE, arrêt du 4 février 1976, req. n° 95355 et arrêts du 24 octobre 1979, req. n° 14821 et 14822).
2° Hébergement de personnes âgées à titre principal et de manière permanente par des organismes sans but lucratif présentant un caractère social, dont la gestion est désintéresée et les prix pratiqués homologués ou fixés par l'autorité publique ou, à défaut, si des opérations analogues ne sont pas réalisées couramment à des prix comparables par des entreprises commerciales sur le plan local (RM Spiller, JO, AN 10 décembre 1990, p. 5630, n° 26979).
3° Gestion sans but lucratif par un comité interentreprises d'un restaurant dès lors que l'accès du restaurant est réservé exclusivement aux personnels des entreprises participantes et que le prix des repas servis est sensiblement inférieur à ceux pratiqués par des établisements similaires de la localité.
Le fait que quelques personnes étrangères au personnel des entreprises participantes aient pu se faire servir des repas ne suffit pas à permettre de considérer l'établissement comme " ouvert à tous " et imposable (CE, arrêt du 27 février 1980, req. n° 4182).
4° Une clinique créée en vue de répondre à un besoin local et gérée par des médecins sans rémunération, qui accueille des indigents, pratique des prix de journée inférieurs à ceux des établissements à but lucratif de la région et réinvestit intégralement les excédents qu'elle réalise ne poursuit pas un but lucratif (CE, arrêt du 20 mai 1981, n° 24525).
5° Un centre de soins géré par une association régie par la loi de 1901, qui pratique des tarifs inférieurs aux tarifs conventionnés, qui n'a depuis sa création distribué directement ou indirectement aucun bénéfice et dont les déficits cumulés d'exploitation ont été comblés par des apports effectués sans intérêts par le créateur de l'association, n'exerce pas une activité lucrative (la circonstance que la direction et le personnel du centre étaient rémunérés à des taux normaux et que les statuts de l'association prévoyaient la constitution d'un fonds de réserve destiné à financer l'acquisition des immeubles nécessaires à la réalisation de l'objet social ainsi que des travaux de réfection ne modifie pas le caractère désintéressé de la gestion) [CE, arrêt du 6 janvier 1984, n° 34628].
6° Une association qui accueille des clercs et des laïcs pour des retraites spirituelles, des personnes âgées isolées ou des jeunes sans foyer qui pratique des prix inférieurs à ceux des entreprises à but lucratif et dont les membres perçoivent des rémunérations inférieures à la normale affectées, le cas échéant, aux besoins de l'association, ne poursuit pas un but lucratif.
7° Une société civile coopérative de consommation est dépourvue de caractère lucratif dès lors que : les statuts excluent tout excédent de recette, les membres du comité de gestion ne sont pas rémunérés, les prix sont inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et les services adaptés aux besoins particuliers des sociétaires ne sont pas de ceux qu'offre ce secteur (CE, arrêt du 3 juin 1985, n° 45547).
8° Activités réalisées par les associations intermédiaires agréées (loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 - art. 19 ; cf. 4 H 1372 n°s 10 et suiv.).
L'agrément accordé aux associations intermédiaires emporte pour ces dernières reconnaissance de la poursuite d'une activité non lucrative. Les associations intermédiaires agréées ne sont, dès lors, pas soumises à la taxe professionnelle au titre de l'activité concernée 3 .
9° Une fédération régionale du Crédit Mutuel, chargée de gérer un fonds de péréquation et de mutualisation des pertes, pour le compte des caisses locales, qui ne lui versent aucune rémunération spécifique, en dehors des cotisations forfaitaires annuelles destinées à couvrir ses seuls frais de fonctionnement a une activité qui n'est pas comparable à celles d'un organisme à but lucratif du secteur concurrentiel (CE, arrêt du 1er février 1989, n° 64086).
10° Imprimerie de l'Etat.
L'imprimerie de la marine nationale, exploitée en régie directe par l'Etat, qui confectionne moyennant rémunération des bulletins ou revues au profit d'associations de marins ou d'anciens marins, poursuit une activité à caractère non lucratif et par suite non passible de la taxe professionnelle, dès lors que cette activité est la seule à être rémunérée par des tiers et que le prix facturé est très inférieur au coût de revient des services rendus (CE, arrêt du 2 mars 1990, n° 44668).
1 A la condition, bien entendu, qu'elles n'aient pas la qualité de salarié.
2 Voir également Exonérations 6 E 132.
3 Si le caractère désintéressé de la gestion était remis en cause dans le cadre d'opération de contrôle, l'association intermédiaire serait redevable de la taxe professionnelle. L'association intermédiaire qui cesse d'être agréée en cours d'année devient imposable à la taxe professionnelle à compter de l'année suivante.