Date de début de publication du BOI : 15/12/1988
Identifiant juridique : 6C422
Références du document :  6C422
Annotations :  Lié au BOI 6C-3-04
Lié au BOI 6C-3-91

SECTION 2 IMPOSITION DES TITULAIRES DE DROITS SPÉCIAUX

SECTION 2  

Imposition des titulaires de droits spéciaux

Le législateur et la jurisprudence ont réglé la situation des différents titulaires de droits spéciaux. Le droit de propriété, en effet, peut faire l'objet de diverses restrictions.

En principe, l'impôt doit être établi au nom de celui qui jouit des revenus de l'immeuble et qui dispose d'un droit réel immobilier - susceptible d'être cédé - sur le fonds.

Dans la pratique, les situations juridiques rencontrées sont très diverses. Parmi elles, les différents cas suivants sont examinés :

1. Usufruit.

2. Antichrèse.

3. Emphytéose.

4. Bail à construction.

5. Location-vente ou location-attribution.

6. Droit d'usage ou d'habitation.

7. Bail à domaine congéable.

8. Concession.

9. Permission de voirie.

  I - Usufruit.

(CGI, art. 1400-II)

1L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance (Code civil, art. 578).

En cas d'usufruit, les droits du propriétaire sur les fruits et revenus sont annihilés temporairement et sans compensation ultérieure.

C'est donc l'usufruitier qui jouit des revenus de l'immeuble et qui, en conséquence, doit être imposé à la taxe foncière.

Le nom de l'usufruitier doit figurer au rôle de la taxe foncière à la suite de celui du nu-propriétaire.

Exemple : M. Marche Jean, nu-propriétaire à... par M. Dupont Michel, usufruitier à...

  II - Antichrèse.

(Code civil, art. 2085 et suiv.)

2L'antichrèse est une convention écrite aux termes de laquelle un débiteur transfère à son créancier la possession d'un immeuble, à titre de sûreté de sa dette, afin que ledit créancier en perçoive les fruits ou revenus à charge de les imputer annuellement sur les intérêts, s'il lui en est dû, et ensuite jusqu'à parfait paiement, sur le capital de la créance.

L'antichrèse confère sur l'immeuble un droit réel de jouissance.

La taxe foncière est due par le créancier antichrésiste. Les nom et adresse de ce dernier doivent figurer au rôle après la désignation du propriétaire.

  III - Emphytéose.

(Code rural, art. L 451-1 à L 451-13)

3Le bail emphytéotique, bail de longue durée, de biens immeubles confère au preneur un droit réel immobilier spécial moyennant redevances annuelles, susceptible d'hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière.

La durée du bail emphytéotique doit être comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans. Elle ne peut se prolonger par tacite reconduction.

L'emphytéote est tenu de tous les impôts et charges afférents au fonds, notamment des taxes foncières (CGI, art. 1400-II). Son nom doit être porté au rôle à la suite du nom du propriétaire.

  IV - Bail à construction.

4Un bail à construction est le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail.

Le bail à construction est consenti par ceux qui ont le droit d'aliéner et dans les mêmes conditions et formes.

Il est conclu pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction.

Les parties conviennent de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions existantes et sur les constructions édifiées. À défaut d'une telle convention, le bailleur en devient propriétaire en fin de bail et profite des améliorations (art. L. 251-2 du Code de la construction et de l'habitation).

Le bail à construction confère au preneur un droit réel immobilier qui peut être hypothéqué, saisi ou cédé (art. L. 251-3 du code précité).

Le preneur est dès lors tenu, aux termes de l'article 1400-II du CGI, au paiement de la taxe foncière relative tant aux constructions qu'au terrain et l'imposition afférente à ces immeubles doit être libellée comme suit :

« X... bailleur à construction à... par Y... preneur, à... ».

  V - Location-vente ou location-attribution.

5Conformément à l'article 1378 quinquies-I du CGI, les contrats de location-attribution consentis par les sociétés anonymes coopératives d'HLM sont considérés comme des contrats de vente pure et simple du point de vue fiscal. En conséquence, la taxe foncière et les taxes annexes doivent être directement établies au nom des locataires-attributaires 1 .

6  En vertu des dispositions du paragraphe II de l'article 1378 quinquies précité, le même régime est applicable aux contrats de location-vente portant sur des locaux d'habitation lorsque les conditions suivantes sont remplies :

1° Il doit s'agir de locaux d'habitation et de leurs dépendances, à l'exclusion des locaux à usage professionnel ou commercial ou des locaux à usage commun (loge du gardien, garage à vélos ou à voitures d'enfants, salle de réunion...) ;

2° Le contrat de location-vente doit intervenir en cours de construction ou dans un délai de cinq ans à compter de la date d'achèvement ;

3° Les locaux doivent avoir donné lieu à l'attribution de primes convertibles en prêts spéciaux immédiats ou différés du Crédit Foncier de France ou avoir bénéficié du financement prévu pour les habitations à loyer modéré ;

4° Les contrats doivent être réalisés sous la forme de baux assortis soit de promesses unilatérales de vente, soit de ventes soumises à la condition suspensive de l'exécution intégrale des obligations relatives au paiement des annuités à la charge du bénéficiaire du contrat.

Mais, il a été admis que ces dispositions s'appliquent également :

- aux ventes à terme d'immeubles à construire répondant aux prescriptions de l'article 1601-2 du Code civil et de l'article 6 de la loi n° 67-3 du 3 janvier 1967 modifié par la loi n° 67-547 du 7 juillet 1967 ;

- aux ventes à terme consenties après l'achèvement des immeubles, dans le délai prévu au 2° ci-dessus.

5° Ces contrats doivent être consentis :

- par une collectivité locale ;

- par une société d'économie mixte, même si la majorité du capital n'est pas détenue par une collectivité publique ;

- par un organisme d'habitations à loyer modéré mentionné à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation  ;

- par une société civile dont la création a été suscitée par une société d'économie mixte ou une société anonyme d'habitations à loyer modéré ou de crédit immobilier et dont la gérance est statutairement assurée par la société qui en a provoqué la création ;

- par une société coopérative de construction visée à l'article L. 432-2 du code de la construction et de l'habitation.

Le bénéficie du présent régime ne peut donc être appliqué aux contrats passés avec des organismes autres que ceux définis ci-dessus et, en particulier, avec des sociétés privées.

Lorsque les cinq conditions ci-dessus sont simultanément remplies, la taxe foncière et les taxes annexes doivent être établies au nom du titulaire du contrat de location-vente.

  VI - Droit d'usage ou d'habitation.

7Lorsqu'un immeuble est grevé d'un droit d'usage ou d'habitation 2 l'usager est bien tenu au paiement de l'impôt dans la proportion de sa jouissance, conformément aux dispositions de l'article 635 du Code civil, mais cette responsabilité ne s'exerce qu'à l'égard du propriétaire et la taxe foncière est régulièrement établie au nom de ce dernier, seul débiteur légal de l'impôt. En effet, l'usager ne peut exercer son droit sur l'immeuble que pour ses besoins et ceux de sa famille et il ne peut le céder.

Il en est de même lorsque l'immeuble est grevé d'un droit d'habitation à vie.

Ainsi, le Conseil d'État a jugé que dans le cas où un contribuable est propriétaire d'un immeuble dans lequel l'occupant est titulaire d'un droit d'habitation à vie, sans en être ni usufruitier, ni emphytéote, il doit seul être inscrit au rôle de la taxe foncière, réserve faite des droits que ses titres de propriété seraient susceptibles de lui permettre d'exercer contre l'occupant devant la juridiction compétente (CE, arrêt du 7 décembre 1960, req. n° 37988, RO, p. 217).

De même, les personnes retraitées qui souscrivent dans une résidence du troisième âge protégée, un droit d'habitation à vie dans un appartement non transmissible ne peuvent être inscrites au rôle de la taxe foncière (RM. M. Paul-Louis Tenaillon, JO AN du 25 mai 1987, p. 3035).

8 Vente en viager. - Dans le cas de vente en viager avec réserve du seul droit d'usage et d'habitation au profit du vendeur, c'est l'acheteur qui est le redevable légal de la taxe, conformément aux principes énoncés ci-dessus.

  VII - Bail à domaine congéable.

(Code rural, art. L. 431-1 à L. 431-23)

9Il s'agit d'un louage rural consenti par le bailleur ou « foncier » moyennant une redevance annuelle « rente convenancière  » et dans lequel le preneur appelé « tenuyer » ou « domanier » possède, en propriété, les « édifices et superficies » (bâtiments, arbres...) élevés par lui sur le sol. En cas de cessation du bail par la volonté de l'une ou l'autre des parties, le bailleur doit rembourser au preneur la valeur de ces édifices et superficies.

La répartition de l'impôt entre le foncier et le tenuyer a lieu dans des proportions très variables suivant les localités et les conventions intervenues entre les parties.

Le tenuyer acquitte la taxe foncière, sauf à retenir au foncier, sur la redevance convenancière, la portion de cette taxe relative à la redevance (cf. 6 B 33, n° 7 ).

  VIII - Concession

(voir aussi C 1213, n os4 et suiv. )

10La concession est un contrat par lequel une personne morale ou physique (le concessionnaire) s'engage, vis-à-vis d'un tiers (le concédant), qui est le plus souvent une collectivité publique, à effectuer certains travaux ou à assurer certains services moyennant la perception à son profit, pendant une période déterminée, de redevances sur les usagers.

En principe, dans le cas de concession, la taxe foncière doit être établie suivant les mêmes règles que lorsqu'on se trouve en présence de constructions édifiées sur sol d'autrui.

Il convient donc d'analyser dans chaque cas d'espèce les clauses juridiques du traité de concession.

Imposition au nom du concessionnaire.

11 Si les constructions édifiées sur le terrain concédé doivent, à l'expiration de la concession, rester la propriété du concessionnaire ou bien revenir à l'autorité concédante mais contre indemnité, le concessionnaire est seul imposable à raison des installations qu'il a édifiées et qui sont considérées, au point de vue juridique, comme lui appartenant pendant toute la durée de la concession.

C'est ainsi que le concessionnaire est imposable lorsque les installations édifiées par lui ne doivent pas obligatoirement faire retour à l'État enfin de concession ; l'État ne saurait, en effet, être réputé propriétaire des installations en raison du caractère facultatif de son droit sur elles (CE, arrêt du 10 janvier 1938, RO, p. 11 ; voir également dans le même sens, CE, arrêt du 6 mars 1944, RO, p. 64).

Imposition au nom du concédant.

12Le concédant est normalement imposable lorsque les constructions doivent lui revenir gratuitement à l'expiration de la concession. Il est, dans cette hypothèse, considéré comme propriétaire desdites constructions, dès leur édification (CE, arrêts du 10 février 1936, RO, 6366 et du 21 décembre 1939, RO, p. 471).

Nota.- La circonstance que l'impôt afférent aux immeubles en cause aurait été établi - pour faciliter le recouvrement - au nom de « l'État par la société X..., concessionnaire » n'a pas pour effet de rendre celle-ci personnellement redevable envers le Trésor (CE, arrêt du 22 décembre 1947, RO, p. 323).

De même, lorsque le concessionnaire a pour seules perspectives, à l'issue de la concession, suivant la décision qui sera prise à ce moment-là par l'autorité concédante (en l'occurrence l'Etat), soit de remettre gratuitement à cette dernière lesdites constructions en bon état d'entretien, soit de les détruire à ses frais et sans pouvoir prétendre à aucune indemnité, l'État doit être considéré comme propriétaire des constructions en cause et imposable à ce titre (CE, arrêt du 5 mai 1958, RO, p. 128).

Dispositions contractuelles.

13Les parties peuvent décider contractuellement que la taxe foncière sera à la charge de l'une ou de l'autre (plus généralement du concessionnaire).

C'est ainsi que l'article 41 du décret du 6 mai 1955, approuvant le cahier des charges type applicable aux concessions d'outillage public d'aéroport aux chambres de commerce, prévoit que la Chambre de commerce devra seule supporter la charge de tous les impôts - de la taxe foncière notamment - afférents aux terrains, ouvrages et installations compris dans la concession.

De même, le cahier des charges type applicable aux concessions d'autoroute prévoit que « tous les impôts et taxes établies ou à établir, y compris les impôts relatifs aux immeubles de la concession, seront à la charge de la société concessionnaire  ».

Mais il s'agit là de dispositions conventionnelles régissant les rapports entre les parties et ne pouvant pas, en principe, s'opposer à l'application des règles juridiques exposées ci-dessus.

Concession de chemins de fer ou de canaux et barrages.

14Il convient de noter une exception à la règle générale d'imposition au nom du propriétaire dans le cas de concession de chemins de fer d'intérêt général ou de canaux et barrages.

Dans ce cas, en effet, l'imposition est directement établie au nom du concessionnaire lorsque les accords contractuels ont reçu la sanction législative.

Ainsi jugé dans le cas d'une concession de tramways alors que la compagnie concessionnaire n'était pas propriétaire des bâtiments dépendant de l'exploitation de la voie ferrée (CE, arrêts du 20 juillet 1936, RO, 6519 et du 24 mai 1937, RO, p. 313).

En revanche, dans le cas d'une concession de canal, le Conseil d'État a jugé que le fait que les impôts avaient été mis contractuellement à la charge de la société concessionnaire n'autorisait pas l'Administration - à défaut d'approbation législative - à établir l'impôt foncier au nom du concessionnaire (CE, arrêt du 11 juillet 1938, RO, p. 384).

Nota. - Au cas particulier, le canal et ses dépendances devaient être remis gratuitement à l'État à la fin de la concession.

1   La location-attribution a été supprimée par la loi n° 71-580 du 16 juillet 1971 (JO du 17 juillet, p. 7053), mais elle continue à s'appliquer aux opérations déjà réalisées.

2   Le droit d'usage ou d'habitation est un droit réel et viager, de même nature que l'usufruit, mais inférieur an étendue ; son titulaire (usager) peut demeurer dans la maison ou le logement avec sa famille, mais la location lui est interdite.