Date de début de publication du BOI : 15/05/2000
Identifiant juridique : 5E1112
Références du document :  5E1112

SOUS-SECTION 2 REVENUS EXCLUS DE LA CATÉGORIE DES BÉNÉFICES AGRICOLES

SOUS-SECTION 2

Revenus exclus de la catégorie des bénéfices agricoles

1Ainsi qu'il a été indiqué DB 5 E 111 n°s 1 et 2 , tous les profits procurés par l'exploitation de biens ruraux ou qui découlent d'une telle exploitation ne sont pas classés dans la catégorie des bénéfices agricoles.

2Tout d'abord, les produits d'activités purement agricoles peuvent être imposés au titre des bénéfices industriels ou commerciaux. Il en est ainsi, en vertu de l'article 155 du CGI, lorsque ces activités ne constituent que l'accessoire d'une activité industrielle ou commerciale. En pareil cas, la totalité du bénéfice professionnel est imposée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

3En second lieu, les agriculteurs peuvent se livrer, concurremment à la mise en valeur de biens ruraux, à des activités qui ne relèvent pas de l'agriculture. Dans cette hypothèse, les produits retirés de l'exploitation agricole demeurent taxés au titre des bénéfices agricoles mais les bénéfices procurés par les activités extra-agricoles sont imposés, en principe et sauf application des dispositions de l'article 75 du CGI, dans la catégorie de revenus correspondant à la nature des opérations réalisées.

  A. ACTIVITÉS AGRICOLES CONSTITUANT LE PROLONGEMENT D'UNE ENTREPRISE INDUSTRIELLE OU COMMERCIALE

4En vertu de l'article 155 du CGI, lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale étend son activité à des opérations dont les résultats entrent, notamment, dans la catégorie des bénéfices agricoles, il est tenu compte de ces résultats pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu (règle dite « du cumul »).

  I. Portée

5L'article 155 trouve à s'appliquer dès lors que les opérations agricoles -effectuées à titre complémentaire ou accessoire- peuvent être considérées comme une simple extension de l'activité industrielle ou commerciale exercée par l'entreprise considérée.

En d'autres termes, cette disposition n'èst applicable qu'aux contribuables qui se livrent à des opérations relevant en principe de catégories différentes mais constituant en fait l'exploitation d'une seule et même entreprise dans laquelle l'objet industriel et commercial est prédominant.

Par contre, il n'est pas nécessaire que l'activité industrielle ou commerciale prédominante soit antérieure à l'activité agricole qui en est considérée comme le prolongement. Le caractère prépondérant de l'entreprise industrielle ou commerciale dépend des conditions d'exploitation qu'il convient d'examiner, dans chaque cas d'espèce, compte tenu des circonstances et au vue de la comptabilité décrivant les diverses activités exercées. Lorsqu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 155 du CGI, les résultats imposables de l'ensemble des activités exercées (agricole et industrielle ou commerciale notamment) sont déterminés suivant les règles propres aux bénéfices commerciaux.

A contrario, lorsque l'activité agricole est prépondérante ou nettement distincte de l'activité commerciale, les produits de chacune de ces activités demeurent rattachés, en principe et sauf application des dispositions de l'article 75 du CGI, à la catégorie fiscale dont ils relèvent (cf. ci-dessous n°s 21 et suiv. et DB 5 E 113 n°s 4 et suiv. ).

Ainsi jugé, dans le cas d'un contribuable exploitant simultanément un domaine agricole constitué pour un tiers de peupleraies et pour deux tiers de vignobles et arbres fruitiers et une entreprise industrielle de scierie-caisserie n'utilisant que le bois provenant des peupleraies, dès lors, d'une part, que ces plantations n'étaient pas dissociables de l'ensemble de l'exploitation agricole et, d'autre part, que les revenus de cette exploitation étaient notablement supérieurs à ceux tirés de la scierie (CE, arrêt du 4 février 1974, req. n° 89544, RJ n° III, p. 34).

De même, dès lors que les activités agricoles et commerciales d'un contribuable, qui est à la fois exploitant agricole et négociant en bestiaux, sont retracées dans des comptabilités séparées, et doivent être considérées comme des activités distinctes, l'intéressé ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 155 du CGI, même si le volume des affaires commerciales est sensiblement supérieur à celui des affaires de l'exploitation agricole (CE, arrêt du 11 janvier 1984, n°s 33656 et 33657).

6Enfin, dès lors que l'impôt sur les sociétés atteint, sans distinction d'origine, l'ensemble des résultats des entreprises qui y sont soumises, il va de soi que les dispositions de l'article 155 du CGI n'ont de portée qu'à l'égard des personnes physiques et des sociétés ou groupements non passibles de cet impôt.

  II. Applications 1

7Les dispositions de l'article 155 du CGI ont été reconnues applicables aux profits réalisés notamment :

8- par un fabricant de beurre ou fromage exploitant un domaine agricole pour la production du lait et utilisant ce lait dans sa fabrication comme celui qu'il achète à d'autres producteurs ;

9- par un contribuable exploitant un commerce de bois et écoulant, dans son entreprise commerciale principalement des bois achetés à des tiers et accessoirement les bois provenant de ses propriétés forestières (CE, arrêt du 5 mai 1968, req. n° 72085, RJCD, 1re partie, p. 162) ;

10- par un contribuable qui exploite une entreprise de scierie et perçoit en outre des revenus pour sa participation dans un groupement forestier agricole qu'il contrôle totalement avec un associé et qui approvisionne totalement les scieries qu'ils exploitent chacun à titre personnel (CE, arrêt du 09.11.1990, req. n° 64 965).

11- par un chevillard dont les ventes à la cheville sont supérieures à celles portant sur des animaux vivants venant de son propre troupeau et alors que la durée d'embouche du bétail acheté est très courte (CE, arrêt du 18 mars 1963, req. n° 57117, R0 p. 308) ;

12- par un emboucheur, par ailleurs marchand de bestiaux et boucher, dès lors que les opérations d'embouche, sont liées aux opérations commerciales (CE, arrêt du 14 février 1964, req. n° 56019. Dans le même sens, CE, arrêt du 7 juillet 1971, req. n° 71564) ;

13- par un contribuable exerçant les professions d'agriculteur-éleveur et de marchand de bestiaux lorsque :

• le rapprochement du nombre des bêtes achetées et revendues par l'intéressé avec celui des animaux qui, compte tenu du rendement normal des pâturages, provient de l'embouche, fait apparaître une prépondérance de l'activité de négoce (CE, arrêt du 17 janvier 1975, req. n° 86610, RJ n° III, p. 7) ;

• faute de tout document comptable régulier, il ressort de l'expertise ordonnée par les premiers juges que le nombre maximum de bêtes qu'il est possible d'engraisser dans les prairies et étables de l'exploitant est inférieur à la moitié du nombre total des bêtes vendues au cours de chaque exercice (CE, arrêt du 14 mai 1975, req. n° 92369, RJ n° III, p. 80) ;

• l'intéressé utilise son exploitation agricole à la fois pour la production de bêtes de viande et pour le séjour des animaux faisant l'objet de son négoce durant la période s'écoulant entre leur acquisition et leur revente, la grande majorité des bovins acquis pour les besoins de l'exploitation agricole le sont par l'intermédiaire de son activité de négoce, le chiffre d'affaires réalisé dans l'activité de négoce est largement prépondérant par rapport au chiffre d'affaires de l'exploitation agricole (CE, arrêt du 6 février 1981, req. n° 17584 et 18369, RJ n° II p. 21).

Remarque  : Dans les deux dernières espèces exposées ci-dessus, le fait que la plupart des animaux élevés sur les herbages du contribuable n'aient pas été vendus par l'intermédiaire de son entreprise commerciale, n'a pas été considéré comme suffisant pour dénier l'existence d'un lien de connexité entre l'exploitation agricole et l'entreprise commerciale ;

14- par un fabricant de conserves exerçant également la profession de champignonniste dès lors que :

• la main-d'oeuvre utilisée et les capitaux investis dans l'entreprise de conserverie sont les plus importants,

• les achats dépassent largement la vente de champignons frais,

• l'intéressé a confondu ses deux activités dans sa comptabilité (CE, arrêt du 12 juillet 1956, req. n° 21611) ;

15- par un marchand de vins écoulant dans son entreprise commerciale le vin provenant du vignoble dont il est propriétaire, eu égard au caractère prédominant de l'entreprise d'achat et de vente de vins et nonobstant la circonstance que les débuts de l'exploitation viticole sont antérieurs à l'exercice de la profession commerciale (CE, arrêt du 10 juillet 1954, req. n° 25557, RO p. 116. Dans le même sens, CE, arrêt du 17 décembre 1956, req. n° 34431) ;

16- par un marchand de chiens se livrant également à l'élevage de chiens, dès lors que le rapprochement entre le nombre de chiens provenant de l'élevage et le nombre de ceux achetés et revendus établit que l'activité commerciale est largement prédominante. La circonstance que l'activité d'éleveur ait été antérieure à celle de négociant et que les ventes de chiens achetés aient pu être facilitées par la bonne renommée de l'élevage ne s'oppose pas à ce que l'ensemble des bénéfices soit imposé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (CE, arrêt du 5 octobre 1977, req. n° 99846, RJ n° III, p. 166) ;

17- par un négociant en primeurs et en pommes de terre vendant les pommes de terre de semence récoltées sur des terres qu'il a prises à bail dès lors que :

• ces ventes représentent un très faible pourcentage du chiffre d'affaires de l'entreprise,

• les deux activités sont retracées dans une comptabilité unique et exercées à l'aide du même personnel (CE, arrêt du 19 mars 1956, req. n° 20921, RO p. 54 ; dans le même sens, CE, arrêt du 27 juin 1966, req. n° 66742) ;

18- par un fabricant d'engrais qui utilise principalement son domaine agricole à des recherches tendant à éprouver l'action de certains engrais (CE, arrêt du 25 novembre 1964, req. n° 47657) ;

19- par un horticulteur fleuriste vendant sa production dans un magasin de détail agencé commercialement ou à l'aide d'un personnel spécial distinct de celui qui est exclusivement affecté à la production agricole, dès lors que l'exploitation agricole apparaît comme l'accessoire de l'activité commerciale ;

20- par un paysagiste dont le volume des affaires provenant de son activité industrielle et commerciale est cinq fois plus important que celui qu'il réalise dans le cadre d'une activité agricole de pépiniériste dont la production est destinée à concurrence de 85 % à la satisfaction des besoins de l'entreprise de paysagiste.

Le Conseil d'État a jugé que l'intégralité des bénéfices dégagés dans les deux activités devait être imposée dans la catégorie des bénéfices industriels ou commerciaux sans qu'il y ait lieu, au cas particulier, de tenir compte des montants respectifs des profits réalisés ou de l'importance respective des moyens mis en oeuvre (valeur des immobilisations ou des stocks) dans l'un et l'autre des secteurs d'activité (CE, arrêt du 5 décembre 1979, req. n° 9325, RJ n° II, p. 114).

Remarque : L'activité de paysagiste que le Conseil d'État a regardée comme présentant un caractère industriel et commercial en raison notamment des travaux immobiliers d'aménagement et des prestations de service de toute nature qu'elle comportait, consistait à concevoir et à réaliser pour le compte de collectivités publiques et de grands ensembles d'habitation, des jardins et espaces verts, des terrains de sport et des abords d'autoroute.

Rapprocher sur ce point de l'arrêt du 4 octobre 1978, req. n° 7665 (RJ n° II, p. 119), par lequel le Conseil d'État a également reconnu un caractère industriel et commercial à une activité d'entrepreneur de parcs et jardins.

Mais dans cette dernière affaire, l'activité commerciale ne présentait pas un caractère prépondérant par rapport à l'activité agricole ; il ne pouvait donc être fait application de l'article 155 du CGI.

En revanche, les revenus d'une activité agricole de pépiniériste qui constitue l'extension d'une activité industrielle et commerciale d'entrepreneur de parcs et jardins, laquelle représente les trois-quarts du chiffre d'affaires de l'entreprise et absorbe une part importante de la production végétale de la pépinière, doivent être imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l'article 155 du CGI (CE, arrêt du 5 février 1986, req. n° 35298).

  B. ACTIVITÉS EXTRA-AGRICOLES

21Les revenus provenant d'opérations qui ne se situent pas dans le prolongement normal de l'agriculture sont, en principe et sauf application de l'article 75 du CGI (cf. DB 5 E 113, n°s 4 et s. ) imposés dans la catégorie correspondant à la nature de l'activité dont ces opérations relèvent, dès lors que l'activité agricole du contribuable est prédominante ou nettement distincte.

Il en est ainsi dans les hypothèses suivantes :

- les produits agricoles vendus par l'exploitant ne proviennent pas exclusivement de son exploitation ;

- l'exploitant procède à la transformation de produits agricoles ;

- l'exploitant réalise des opérations qui ne se rattachent pas à la vente des produits récoltés.

Remarque : Les modalités d'application de l'article 75 du CGI sont exposées DB 5 E 113 n°s 4 et suiv.

  I. Vente de produits ne provenant pas de l'exploitation

1. Vente de produits préalablement achetés.

22Sous réserve de l'application des dispositions exposées DB 5 E 113 n°s 4 et s. , lorsque des agriculteurs vendent, en même temps que les produits de leur propre exploitation, des produits achetés, les profits réalisés sur la vente de ces derniers entrent dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

De même, les contribuables qui ne participent pas eux-mêmes à la culture des produits qu'ils vendent réalisent, en principe, sur ces produits des profits de nature commerciale.

a. Produits non récoltés sur l'exploitation.

Producteur de lait.

23L'agriculteur qui achète du lait à des tiers pour compléter sa production doit être assujetti à l'impôt sur le revenu :

- dans la catégorie des bénéfices agricoles pour les revenus provenant de son exploitation proprement dite ;

- et dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux pour les profits réalisés sur la vente des produits achetés 22 .

Maraîcher.

24Le contribuable qui ne se borne pas à écouler la production de son exploitation maraîchère mais se livre à la vente de produits maraîchers achetés est imposable, à raison des profits retirés de ce commerce, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux 3 .

Horticulteur.

25L'horticulteur qui, en sus de sa propre production, revend des produits achetés, est imposé à raison des profits qu'il tire de ces opérations au titre des bénéfices industriels et commerciaux, dès l'instant que les opérations d'achat suivies de revente ne présentent pas un caractère exceptionnel 3 .

Pépiniériste.

26La revente en l'état, par un pépiniériste, de plants qu'il a achetés au cours de la même année, constitue une opération commerciale. Les profits qui en sont retirés sont, par suite, considérés comme des bénéfices commerciaux 4 .

Élevage.

Doivent être imposés au titre des bénéfices industriels et commerciaux, les profits réalisés 4  :

27- par un contribuable qui, faisant habituellement des achats plus fréquents ou plus importants que ne le justifient la nature et l'étendue de son domaine, n'y fait pas séjourner le bétail acheté pendant un délai suffisant pour qu'on puisse le considérer comme cherchant principalement à réaliser, pour la revente, le croît des animaux ;

28- par un contribuable qui, ne se bornant pas à exploiter ses terres, vend sur différents marchés des bêtes ne provenant pas de son exploitation (CE, arrêt du 3 novembre 1947, req. n° 8580) ;

29- par un négociant en chevaux, en même temps éleveur de bovins, dès lors que les pâtures ne servent que subsidiairement à l'entretien des chevaux achetés pour la revente et sont principalement affectées à l'élevage (CE, arrêt du 5 février 1969, req. n° 71564).

1   Cf. également DB 4 F 113, n°s 8 et suiv.

2   Bien entendu, si la production de lait provenant de l'exploitation agricole ne représente pas une part prépondérante dans la quantité totale du lait de toutes origines vendu, l'intéressé doit être assujetti à l'impôt sur le revenu -pour l'ensemble des profits- dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (cf. ci-dessus, n°s 4 et suiv. ).

3   Sous réserve de l'application des dispositions de l'article 75 du CGI exposées DB 5 E 113, n°s 4 et suiv.

4   Sous réserve de l'application des dispositions de l'article 75 du CGI exposées DB 5 E 113 n°s 4 et suiv.