B.O.I. N° 152 du 18 AOUT 2000
C. LES CONSEQUENCES FISCALES DE LA DATE D'EFFET RETROACTIF
I. Détermination des résultats imposables de la société apporteuse au titre de l'exercice de l'apport
105.La société apporteuse prend en compte, pour la détermination de ses résultats imposables, les produits et les charges qui proviennent de l'exploitation des activités apportées pendant la période comprise entre la date d'ouverture de l'exercice au cours duquel l'opération est réalisée et la date d'effet fixée par les parties.
106.Les biens sont apportés pour leur valeur à la date d'effet rétroactif.
Les plus ou moins-values d'apports sont déterminées à la date d'effet stipulée dans le traité d'apport. Ces plus-values d'apports peuvent être placées en sursis d'imposition conformément aux dispositions prévues à l'article 210 A du code général des impôts.
II. Détermination des résultats imposables de la société bénéficiaire des apports au titre de l'exercice de l'apport
107.Les biens sont inscrits au bilan de la société bénéficiaire des apports pour leur valeur d'apport.
La société bénéficiaire des apports peut déduire, au titre de l'exercice au cours duquel le traité est conclu, les amortissements calculés en fonction :
- de la valeur d'apport des biens transmis ;
- et de la date d'effet de l'opération d'apport.
108.La société bénéficiaire de l'apport prend en compte pour la détermination de ses résultats imposables ceux provenant des activités apportées à compter de la date d'effet.
La société bénéficiaire de l'apport rattache au résultat de l'exercice au cours duquel la convention est conclue l'ensemble des produits et des charges provenant de l'exploitation des activités apportées pendant la période intercalaire.
En particulier, la société bénéficiaire des apports prend en compte, dans le premier bilan établi après l'apport, les pertes provenant des opérations de la société apporteuse depuis la date d'effet de la rétroactivité fixée dans le contrat.
109.Les résultats des opérations réalisées par la société apporteuse pendant la période intercalaire qui sont pris en compte dans les résultats imposables de la société bénéficiaire des apports sont déterminés en fonction de la valeur fiscale des biens apportés.
La valeur fiscale des biens apportés diffère selon que l'opération d'apport est placée ou non sous le régime fiscal de faveur prévu à l'article 210 A du code déjà cité.
Cas particuliers :
• Les opérations réciproques :
110.Les opérations réalisées pendant la période intercalaire entre la société apporteuse et la société bénéficiaire de l'apport au titre des activités apportées ne sont pas prises en compte pour la détermination des résultats imposables de la société bénéficiaire de l'apport.
En revanche, les opérations réalisées pendant la période intercalaire entre la société apporteuse et la société bénéficiaire de l'apport (considérée séparément en cas de scission) qui ne relèvent pas de l'activité qui lui est apportée ne sont pas neutralisées pour la détermination des résultats imposables de ces sociétés. Elles restent prises en compte pour la détermination des résultats imposables des sociétés apporteuse et bénéficiaire de l'apport en cas d'apport partiel d'actif et, en cas de scission, sont prises en compte pour la détermination des résultats imposables des sociétés bénéficiaires des apports.
Distributions réalisées par la société absorbée au profit de la société absorbante (ou inversement) :
111.Le dividende est extourné du résultat de la société bénéficiaire de la distribution qui n'a donc pas à procéder, le cas échéant, à la défalcation d'une quote-part de frais et charges dans les conditions prévues à l'article 216 du code général des impôts.
112.En ce qui concerne le précompte, son fait générateur intervient dès la mise en paiement du dividende. Le précompte afférent à une distribution de la période intercalaire est dû par la société distributrice. En effet, la rétroactivité ne peut modifier ni le fait générateur de l'impôt ni son redevable légal. Le redevable légal du précompte est la société qui procède à la mise en paiement du dividende. La rétroactivité ne permet donc pas de liquider le précompte au niveau de la société absorbante. De même, elle ne peut conduire à l'annulation du précompte correspondant à la partie de la distribution attribuée à la société absorbante.
Le précompte correspond à un avoir fiscal qui peut être utilisé dans les conditions de droit commun par les associés qui ne sont pas parties à la fusion. En revanche lorsque la société absorbante est également associée de la société absorbée (ou inversement), la rétroactivité devrait, en principe, interdire l'utilisation de l'avoir fiscal. En effet, l'avoir fiscal ne peut être imputé sur l'impôt sur les sociétés dès lors que le dividende, neutralisé du fait de la rétroactivité, n'est pas compris dans le résultat imposable.
Toutefois, il est admis que le dividende neutralisé peut être assimilé à un produit de participation du régime des sociétés mères afin de permettre l'imputation de l'avoir fiscal sur le précompte dû en cas de redistribution dans les conditions prévues au 2 de l'article 146 du code général des impôts. Le taux de cet avoir fiscal est égal à 50 % du montant du dividende net lorsque ce dividende aurait été reçu dans le cadre du régime des sociétés mères en l'absence d'effet rétroactif de la fusion. Dans le cas où le régime des sociétés mères n'aurait pas pu s'appliquer, l'avoir fiscal doit être calculé dans les conditions prévues au II de l'article 158 bis du code déjà cité.
• La réserve spéciale des plus-values à long terme :
113. Pour l'application des dispositions de l'article 209 quater du code général des impôts 14 la société absorbée ou scindée est réputée dissoute à la date d'effet de la fusion ou de la scission. Selon que la fusion ou la scission bénéficie ou non du régime fiscal de faveur prévu à l'article 210 A ou 210 B du code déjà cité, il en résulte les conséquences suivantes.
- Opération de fusion ou de scission soumise au régime fiscal de droit commun
114. Les prélèvements résultant de la dissolution de la société absorbée ou scindée du fait de la transmission universelle de son patrimoine au profit d'une ou plusieurs sociétés et la non-dotation à la réserve des plus-values en instance d'affectation, c'est-à-dire de la plus-value nette du dernier exercice clos et de la plus-value nette des deux exercices précédents lorsque les résultats comptables de ces exercices n'ont pas été suffisants, n'emportent pas d'imposition complémentaire au nom de la société dissoute au titre de son dernier exercice.
La ou les sociétés bénéficiaires des apports n'étant pas tenues à une obligation de reprise de la réserve spéciale des plus-values à long terme de la société absorbée ou scindée, les éventuelles décisions prises sur le plan juridique par la société absorbée ou scindée durant la période de rétroactivité et concernant la distribution de la réserve spéciale sont, pour l'application de l'imposition complémentaire prévue au 2 de l'article 209 quater du code général des impôts, réputées concerner des réserves ordinaires ; elles n'emportent donc aucune imposition complémentaire au nom de la société absorbante ou des sociétés bénéficiaires des apports.
115. La distribution de dividendes prélevée sur la réserve spéciale des plus-values à long terme pendant la période intercalaire donne toujours lieu à un précompte exigible au nom de la société absorbée ou scindée et plafonné dans les conditions prévues au quatrième alinéa du 1 de l'article 223 sexies du code général des impôts. En effet, une clause de rétroactivité ne peut modifier le fait générateur d'un impôt.
Ce précompte ne peut s'imputer ni sur l'impôt sur les sociétés dû par les sociétés absorbante ou bénéficiaires des apports, ni sur l'impôt sur les sociétés éventuellement dû par la société absorbée ou scindée qui ne procède pas à la réintégration prévue au 2 de l'article 209 quater précité.
- Opération de fusion ou de scission soumise au régime fiscal de faveur
116. Aux termes du a du 3 de l'article 210 A du code général des impôts, l'application du régime spécial des fusions est notamment subordonnée à la condition que les sociétés absorbante ou bénéficiaires des apports reprennent à leur passif la réserve spéciale où la société apporteuse a porté les plus-values à long terme soumises antérieurement au taux réduit. En cas de scission placée sous le régime fiscal de faveur prévu à l'article 210 B du même code, la répartition de la réserve spéciale des plus-values nettes à long terme constituée par la personne morale scindée doit être opérée proportionnellement à la valeur nette réelle des apports reçus par chaque personne morale bénéficiaire des apports.
117. L'application du régime fiscal de faveur confère aux fusions et aux scissions un caractère intercalaire. Dès lors, si la société absorbée ou scindée a opéré durant la période de rétroactivité des prélèvements sur la réserve spéciale, l'imposition complémentaire prévue au 2 de l'article 209 quater du code général des impôts est due par la société absorbante ou les sociétés bénéficiaires des apports 15 au titre de l'exercice en cours à la date de réalisation de la fusion ou de la scission. Corrélativement, l'obligation de reprise de la réserve spéciale des plus-values à long terme, porte sur la réserve spéciale des plus-values à long terme de la société scindée ou absorbée existant à la date d'effet de la fusion ou de la scission, diminuée des prélèvements en cause 16 .
118. La distribution de dividendes prélevée sur la réserve spéciale des plus-values à long terme pendant la période de rétroactivité donne obligatoirement lieu à un précompte plafonné exigible au nom de la société absorbée ou scindée (voir n° 115 .). Ce précompte peut s'imputer, dans les conditions prévues aux n°s 58 et suivants de la DB 4 J 1322 17 , sur l'impôt sur les sociétés dû par les sociétés absorbante ou bénéficiaires des apports au titre de l'exercice en cours à la date de la distribution.
119. Enfin, la société absorbante ou les sociétés bénéficiaires des apports sont tenues d'inscrire à leur réserve spéciale, les plus-values nettes long terme réalisées par la société absorbée ou scindée, qui étaient en instance d'affectation à la réserve à la date d'effet de la fusion ou de la scission 18 . Cette inscription doit s'opérer dans les conditions prévues aux n°s 19 à 33 de la documentation administrative 4 H 2132.
Exemple :
120. Soient les sociétés A et B dont les exercices coïncident avec l'année civile.
La société A absorbe la société B. La dernière assemblée générale qui a approuvé l'opération s'est tenue le 10 novembre N. La date d'effet rétroactif est fixée au 1 er juillet N.
La société absorbée B apporte principalement les éléments d'actif immobilisé suivants :
- Eléments incorporels (deux fonds de commerce F 1 et F 2 ) :
• Valeur fiscale des éléments incorporels au 1 er juillet N : 100 000 F :
- 0 F pour F 1 (création du fonds de commerce par la société B) ;
- 100 000 F pour F 2 .
• Valeur réelle des éléments incorporels au 1 er juillet N : 2 500 000 F :
- 2 000 000 F pour les éléments incorporels du fonds de commerce F 1 ;
- 500 000 F pour les éléments incorporels du fonds de commerce F 2 .
• Plus-values d'apports appréciées au 1 er juillet N : 2 400 000 F :
- Plus-value sur les éléments incorporels du fonds de commerce F 1 : 2 000 000 F ;
- Plus-value sur les éléments incorporels du fonds de commerce F 2 : 400 000 F.
- Installations techniques (seules immobilisations amortissables apportées) :
• Valeur fiscale des installations techniques au 1 er juillet N : 440 000 F ;
• Valeur réelle des installations techniques au 1 er juillet N : 490 000 F ;
• Plus-value d'apport appréciée au 1 er juillet N : 50 000 F.
La société absorbée B prend en compte, pour la détermination de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en N, les résultats des activités exercées pendant la période comprise entre le 1 er janvier N et le 30 juin N.
La société absorbante A inscrit à l'actif de son bilan les biens apportés pour leur valeur à la date d'effet soit :
- éléments incorporels des fonds de commerce : 2 500 000 F [2 000 000 F (F 1 ) et 500 000 F (F 2 )] ;
- installations techniques : 490 000 F.
Par ailleurs, la société A rattache au résultat de l'exercice clos le 31 décembre N l'ensemble des produits et des charges provenant de l'exploitation des activités apportées à compter du 1 er juillet N.
La société A pourra amortir les installations techniques sur la base de leur valeur d'apport soit 490 000 F. La date d'effet rétroactif constitue le point de départ de l'amortissement.
121. Cas n° 1 : La société B cède les éléments incorporels de son fonds de commerce F 1 à une société C le 16 septembre N pour 2 100 000 F.
• Société A (absorbante) :
• Société B (absorbée) :
La société A est tenue de tirer toutes les conséquences de la date d'effet convenue avec la société B. La société A prend donc en compte, pour la détermination de ses résultats imposables en N, le résultat de la cession des éléments incorporels du fonds de commerce F 1 intervenue pendant la période intercalaire.
Le résultat de la cession diffère selon que la fusion est placée sous le régime de faveur prévu à l'article 210 A du code général des impôts ou sous le régime fiscal de droit commun.
1) La fusion est placée sous le régime fiscal de droit commun :
La plus-value d'apport de 2 000 000 F est soumise à l'impôt sur les sociétés chez la société B 19 .
Le résultat de la cession pris en compte par la société A s'élève à 100 000 F [2 100 000 F (prix de cession) - 2 000 000 F (valeur d'apport)].
2) La fusion est placée sous le régime fiscal de faveur prévu à l'article 210 A du code général des impôts :
La plus-value d'apport de 2 000 000 F est placée en sursis d'imposition.
La société absorbante A s'est engagée, dans l'acte de fusion, à calculer les plus-values de cessions ultérieures des éléments d'actif immobilisé non amortissables apportés d'après la valeur fiscale que ces biens avaient dans les écritures de la société absorbée B.
Le résultat de la cession pris en compte par la société A s'élève donc à 2 100 000 F [2 100 000 F (prix de cession) - 0 F (valeur fiscale des éléments incorporels du fonds de commerce F 1 dans les écritures de la société absorbée B)].
122. Cas n°2 : La société B vend ses installations techniques à la société A pour le prix de 500 000 F le 21 octobre N.
• Société A (absorbante) :
• Société B (absorbée) :
La fusion est placée sous le régime fiscal de faveur prévu à l'article 210 A du code précité. Dès lors, la plus-value d'apport au 1 er juillet N qui s'élève à 50 000 F(490 000 F - 440 000 F) n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés.
En contrepartie, la société A s'est engagée, dans l'acte de fusion, à réintégrer la plus-value d'apport dans ses bénéfices imposables par parts égales sur une période de cinq ans.
L'opération de cession entre les sociétés A et B n'est pas prise en compte pour la détermination des résultats imposables de la société A.
Les installations techniques sont inscrites au bilan de la société A pour la valeur d'apport de 490 000 F et non pas pour leur prix d'acquisition de 500 000 F. Elles sont amorties à compter du 1er juillet N, date d'effet de la fusion et, non à partir de la date de la cession.