Date de début de publication du BOI : 20/11/2000
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 209 du 20 NOVEMBRE 2000

Com. 27 juin 2000, n° 1469 FS-D :

« Attendu, selon le jugement déféré, que M. X... est décédé le 29 juin 1991 laissant quatre enfants pour recueillir sa succession ; que ceux-ci ont versé un acompte de 337 000 francs sur les droits de succession le 31 décembre 1991 ; qu'à la suite du défaut du premier notaire mandaté à effectuer la déclaration de succession, l'administration a procédé par voie de taxation d'office par notification d'un redressement le 3 mars 1995 puis d'un avis de mise en recouvrement ; que le second notaire mandaté par les consorts X... a déposé la déclaration de succession le 14 juin 1995 ; que, par réclamation du 27 juin 1995, les consorts X... ont sollicité le bénéfice de certaines exonérations et ont contesté la mise à leur charge de pénalités au taux de 80 % sur le fondement de l'article 1728 du Code général des impôts ; qu'après le rejet de leur réclamation, ils ont assigné le directeur des services fiscaux de la Sarthe devant le tribunal de grande instance ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

...

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Attendu qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'un système de majorations d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte ; que la majoration prévue par l'article 1728-3 du Code général des impôts constitue une sanction ayant le caractère d'une punition et que cette disposition n'a pas institué à l'encontre de la décision de l'administration un recours de pleine juridiction permettant au tribunal de se prononcer sur le principe et le montant de l'amende ; qu'il en résulte que l'application de l'article 1728-3 doit être dans cette mesure écartée au regard de l'article 6 § 1 de la Convention susvisée ;

Attendu que, pour rejeter la demande des consorts X... quant à la pénalité de 80 % qui invoquaient notamment le fait que le retard dans le dépôt de la déclaration de succession était dû à l'incurie du premier notaire mandaté par eux, le Tribunal retient que cette pénalité ne relève pas de la compétence du juge judiciaire et que ce litige doit faire l'objet d'un recours gracieux ; qu'en statuant ainsi, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande des consorts X... quant à la pénalité de 80 %, le jugement rendu le 17 septembre 1997, entre les parties, par le tribunal de grande instance du Mans. »

Com. 14 juin 2000, n° 1309 FS-P, Bull. IV, n° 124

« Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance de Versailles, 18 février 1998), que M. X... , propriétaire d'un véhicule automobile d'une puissance fiscale de 28 chevaux, a fait l'objet de trois procès-verbaux les 17 février 1995, 4 janvier et 26 juillet 1996 pour le non-paiement de la taxe différentielle sur les véhicules due au titre des années 1995 et 1996 ; que l'administration fiscale lui a notifié des avis de mise en recouvrement des taxes et pénalités estimées dues ; qu'après le rejet partiel de ses réclamations des 9 et 31 octobre 1996, M. X... a assigné le directeur des services fiscaux des Yvelines devant le tribunal de grande instance pour solliciter l'annulation des avis de mise en recouvrement ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

...

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... fait encore grief au jugement d'avoir rejeté sa demande de décharge des pénalités de l'article 1840 N quater du Code général des impôts pour les années 1995 et 1996, alors, selon le pourvoi, 1°) qu'en statuant ainsi, bien qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'un système de majorations d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un Tribunal offrant les garanties de ce texte ; que l'amende fiscale prévue par l'article 1840 N quater du Code général des impôts constitue une sanction ayant le caractère d'une punition et que cette disposition n'a pas institué à l'encontre de la décision de l'administration un recours de pleine juridiction permettant au Tribunal de se prononcer sur le principe et le montant de l'amende ; qu'il en résulte que l'application de l'article 1840 N quater doit être écarté dans cette mesure au regard de l'article 6-1 susvisé et que le Tribunal a violé cette disposition ; et alors 2°) qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi ne doit établir que des peines évidemment et strictement nécessaires et que les dispositions de l'article 17 du Pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques font obstacle à ce qu'un contribuable soit puni à deux reprises à raison d'une même infraction ; qu'il ressort du jugement attaqué que l'infraction reprochée à M. X... et pour laquelle il a été deux fois sanctionné par deux amendes fiscales est unique et réside dans le défaut de paiement de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur durant l'exercice 1995-1996 ; qu'en estimant cependant que cette infraction, punie d'une première amende, pouvait être sanctionnée une nouvelle fois, le Tribunal a violé les dispositions susmentionnées ; et alors 3°) que le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée s'étend à l'amende prévue par l'article 1840 N quater du Code général des impôts ; qu'en effet, dès lors qu'elle présente le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elle vise et n'a pas pour objet la seule réparation d'un préjudice pécuniaire, cette amende constitue, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à l'autorité administrative, une sanction soumise au principe de nécessité des peines, tel qu'il résulte de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », et de l'article 15-1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; que dès lors qu'une contestation propre aux pénalités a été présentée au juge de l'impôt, il appartient à celui-ci d'examiner d'office s'il y a lieu de faire application de la loi répressive nouvelle plus douce ; que, dans cette hypothèse en effet, il ne pourrait statuer sur le moyen dont il est saisi sans méconnaître lui-même le champ d'application de la loi dans le temps ; que, pour déterminer la loi applicable à la pénalité contestée devant lui, le juge de l'impôt doit se placer à la date à laquelle il statue ; qu'en déboutant, le 18 février 1998, M. X... d'une demande dirigée contre deux amendes infligées au taux de 200 %, en application des dispositions de l'article 1840 N quater du Code général des impôts dans la rédaction en vigueur en janvier et en juillet 1996, bien que l'article 114 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 ait réduit ce taux à 80 % et qu'il lui appartenait d'office d'appliquer cette loi répressive plus douce en vigueur le jour où il se prononçait, le Tribunal a violé les dispositions susmentionnées ;

Mais attendu, d'une part, que le Tribunal a constaté que l'attitude de M. X... traduit la volonté constante de s'exonérer des droits dont il est redevable au titre de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur et qu'il n'y a pas lieu dès lors de faire droit à sa demande de minoration des pénalités au-delà de celle déjà consentie par l'administration fiscale ; qu'ainsi, le Tribunal s'est prononcé sur le principe et le montant de la sanction à proportion du comportement du contribuable ;

Attendu, d'autre part, que les textes invoqués par le moyen en sa deuxième branche ne font pas obstacle à ce que la mise en circulation d'un véhicule sans paiement de la taxe différentielle, successivement réitérée, soit sanctionnée par le prononcé par l'administration de plusieurs amendes au titre de la même période d'imposition ; que c'est dès lors à bon droit que le Tribunal a ainsi statué ;

Attendu, enfin, que le jugement constate que M. X... a obtenu, à la suite de ses réclamations, le dégrèvement partiel des pénalités par l'application immédiate par l'administration fiscale des dispositions plus douces de l'article 114 de la loi du 30 décembre 1996 ayant limité à 80 % le montant de l'amende prévue à l'article 1840 N quater du Code général des impôts ;

Que le second moyen, qui n'est pas fondé en sa deuxième branche, manque en fait en ses première et troisième branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi. »

 

1   La première décision a été rendue en matière d'impôt de solidarité sur la fortune tandis que la seconde concerne les droits de mutation par décès.

2   Article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique. lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».

3   Au cas particulier, la Cour a jugé que le cumul, au titre de la même période d'imposition, de plusieurs amendes prévues par l'article 1840 N quater du CGI en cas de défaut de vignette automobile n'était contraire à aucun texte interne ou conventionnel.