B.O.I. N° 109 du 24 JUIN 2002
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
13 N-3-02
N° 109 du 24 JUIN 2002
AVIS DU CONSEIL D'ETAT DU 12 AVRIL 2002 N° 239693
(CGI, art. 1727)
NOR ECO L 02 00085 J
Bureau T3
PRESENTATION
L'article 1727 du code général des impôts institue un intérêt de retard, applicable indépendamment de toutes sanctions, calculé au taux de 0,75 % par mois. Le Conseil d'Etat, saisi par le tribunal administratif de PAU, a rendu le 12 avril 2002 l'avis reproduit dans la présente instruction aux termes duquel : - d'une part, l'intérêt de retard prévu par les dispositions précitées n'a pas la nature d'une sanction ; - d'autre part, ne peut être accueilli un moyen tiré des stipulations combinées de l'article 1 er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de la même convention au regard de l'existence d'une différence de taux entre l'intérêt de retard et les intérêts moratoires mentionnés aux articles L. 207 et L. 208 du livre des procédures fiscales. • |
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En application de l'article L. 113-1 du Code de justice administrative, le tribunal administratif de PAU a partiellement sursis à statuer sur la demande de la SOCIETE ANONYME FINANCIERE LABEYRIE et saisi, pour avis, le Conseil d'Etat, des questions suivantes :
1° La part des intérêts de retard réclamés aux contribuables sur le fondement des articles 1727 et 1729 du Code général des impôts qui excède celle qui résulterait de l'application du taux de l'intérêt légal peut-elle être qualifiée de sanction au regard du droit interne et des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ?
2° La circonstance que le taux des intérêts de retard est supérieur au taux de l'intérêt légal constitue-t-elle une discrimination au sens de l'article 14 de la même convention ?
La Haute Assemblée a rendu le 12 avril 2002 l'avis suivant :
« 1. Dans sa rédaction en vigueur issue de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, l'article 1727 du code général des impôts dispose : « Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 p. 100 par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé ».
L'intérêt de retard par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié.
2.Aux termes de l'article L. 207 du livre des procédures fiscales : « Lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, le contribuable ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à des indemnités quelconques, à l'exception des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208. » ; qu'aux termes de l'article L. 208 du même code : « Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. (...)/ ».
Aux termes de l'article 1 er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel doit, en vertu de l'article 5 du même protocole, être regardé comme un article additionnel à cette convention : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».
Selon l'article 14 de la même convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus par la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».
Si les stipulations combinées des articles précités de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel peuvent être utilement invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables, elles sont en revanche sans portée dans les rapports institués entre la puissance publique et un contribuable à l'occasion de l'établissement et du recouvrement de l'impôt.
Dès lors, un moyen tiré de l'existence d'une différence de taux entre, d'une part, l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts et, d'autre part, les intérêts moratoires mentionnés aux articles L.207 et L. 208 du livre des procédures fiscales n'est pas susceptible d'être accueilli ».
Le Chef de Service
Philippe Durand