B.O.I. N° 140 du 2 août 1979
SECTION II. - LA PORTÉE DE LA LOI DU 2 JANVIER 1979
10. Remarques : Ne seront pas analysées dans le cadre de cette instruction les dispositions figurant sous les articles 2 et 8 de la loi, dont l'importance est certes très grande dans la mesure où l'article 2 apporte une exception au droit de préférence des créanciers inscrits, mais qui n'ont pas d'incidence directe sur la publicité foncière. De même, pour des raisons évidentes, seront écartés les articles 5 et 6 relatifs à l'application de la loi dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
11.Sous le bénéfice de ces remarques, la loi du 2 janvier 1979 s'articule autour d'une disposition principale (art. l er ) qui pose le principe général de la réforme et de dispositions complémentaires (art. 3 et 4) qui donnent une base légale à certaines conséquences que l'on peut tirer de ce principe en matière de publicité foncière. Par ailleurs, les articles 7 et 10, fixent, d'une part, les effets de la loi sur les droits existants lors de son entrée en vigueur et, d'autre part, la date de cette entrée en vigueur.
Sous-section I. - L'article 6-I de la loi du 10 juillet 1965
12.L'article l er de la loi du 2 janvier 1979 ajoute à la loi du 10 juillet 1965 un article 6-I qui contient en lui-même l'essentiel de la réforme dans la mesure où il fait état d'un principe dérogatoire aux règles générales du droit civil.
Désormais (alinéa l er ), « en cas de modification dans les quotes-parts des parties communes afférentes aux lots, quelle qu'en soit la cause, les droits soumis ou admis à publicité dont les lots sont l'objet s'éteignent sur les quotes-parts qui en sont détachées et s'étendent à celles qui y sont rattachées ». Par cette exception à la procédure normale de constitution ou d'extinction des droits réels, qui suppose un accord des parties ou une décision de justice, est atteint l'objectif de base, savoir : faire en sorte que les titulaires de droits aient toujours pour assiette de leurs prérogatives l'ensemble des « millièmes » inclus dans un lot et seulement ceux-ci.
13.Présenté en trois alinéas, l'article 6-I nouveau de la loi du 10 juillet 1965 énonce d'abord en son alinéa l er reproduit ci-avant le principe de la réforme, les alinéas suivants visant le cas particulier des changements d'emprise de la copropriété.
I. L'ALINÉA l er DE L'ARTICLE 6-I
14.De portée très générale, le principe édicté par l'alinéa l er de l'article 6-I va trouver à s'appliquer chaque fois que des changements quelconques vont intervenir aussi bien dans la quotité de parties communes incluse dans les lots que dans la consistance même de ces parties communes, et ceci quelle que soit l'origine des modifications intervenues.
15.On note, en premier lieu, que le texte vise toutes les modifications dans les (et non pas des ) quotes-parts de parties communes afférentes aux lots, qu'elles aient pour effet de changer l'expression arithmétique de ces quotes-parts ou, à fraction inchangée, d'accroître ou de restreindre l'étendue des biens matériels sur lesquels elles portent.
Il est, en effet, évident que modifier la substance des parties communes c'est modifier la quote-part qui en est l'expression au niveau de chacun des lots. Dès l'instant où la consistance de ces parties communes varie, la fraction qui représente le droit indivis en subit nécessairement le contre-coup en valeur absolue, alors même que ses numérateur et dénominateur demeurent inchangés.
Le texte recouvre un grand nombre de situations qui sont pour la plupart étudiées infra, chapitre II, section II :
- modifications ne portant que sur la quote-part ;
- transformation d'un lot en parties communes ;
- transformation de parties communes en un lot ;
- cession ou acquisition de parties communes entraînant changement de l'emprise de la copropriété ;
- réunion ou division de copropriétés.
16.La délimitation du champ d'application du texte appelle, toutefois, quelques précisions en ce qui concerne certaines opérations touchant à la fois aux parties privatives et aux quotes-parts de parties communes incluses dans les lots.
a. Pour les opérations de ce type figurant dans l'énumération donnée au numéro précédent (cas des deux transformations citées) le texte joue pleinement à l'égard aussi bien des parties privatives que des parties communes, car, dans tous les cas, ces parties privatives deviennent ou ont été des quotes-parts de parties communes et, comme telles, bénéficient ou ont bénéficié des dispositions de la loi à l'instant de leur transformation.
On prendra pour le montrer un exemple, celui de la transformation d'un appartement en loge de concierge.
Pour réaliser cette transformation, une double opération s'impose, au moins en analyse.
Il faut, tout d'abord, distribuer entre les lots subsistants les « millièmes » compris dans le lot à supprimer. Ces « millièmes », dûment fractionnés et libérés des droits qui les grevaient, entrent dans les lots d'accueil et se trouvent soumis aux mêmes droits que les « millièmes » auxquels ils s'ajoutent (en valeur et même arithmétiquement).
Il faut ensuite, pour que la partie privative de l'appartement devienne commune, la faire éclater en autant de quotes-parts de l'immeuble matériel qui entre dans les parties communes qu'il existe de lots d'accueil. Chacune de ces quotes-parts s'adjoint à celle qui vient d'être arithmétiquement modifiée dans son lot d'accueil (et qui ne l'est plus à ce second stade qu'en valeur absolue) et connaît le même sort, quant aux droits qui la grèvent, que les « millièmes » précédemment distribués.
b. En revanche, l'alinéa l er de l'article 6-I ne s'applique pas aux opérations qui impliquent une modification des quotes-parts (en fait toujours arithmétique) entraînée par une modification de parties privatives telle que celles-ci ne perdent à aucun moment leur caractère. Cette constatation est toute naturelle puisque le texte ne concerne que les quotes-parts de parties communes à l'exclusion des parties privatives en tant que telles.
Il ne peut ainsi être envisagé d'appliquer les règles nouvelles en cas, par exemple, de transfert d'une ou de plusieurs pièces d'un lot à un ou à plusieurs autres ; même si la partie de local cédée « emporte » avec elle une fraction de parties communes, l'opération doit être considérée dans son ensemble.
D'ailleurs, à supposer que l'on considérât un instant que la quote-part extraite, avec la partie de local, du lot originaire pour former un lot nouveau, fût libérée de tous droits, il n'en demeurerait pas moins que la partie privative resterait grevée. Dès lors, en vertu de l'article 6 de la loi du 10 juillet 1965 qui interdit de séparer quote-part de parties communes et parties privatives et des articles 2148-1 et 2217 du Code civil (cf. infra , n° 27 à 32 , sous-section II), la totalité du bien cédé (quote-part comprise) continuerait de faire partie du gage du créancier.
Pour parvenir à la réunion de ce bien et du lot d'accueil, il sera nécessaire d'obtenir le consentement des créanciers ou des titulaires de droits qui grèvent le lot divisé ainsi que, le cas échéant, le même consentement et celui du propriétaire pour l'extension des droits existant sur ce lot d'accueil.
17.Le texte joue, d'autre part, que la modification dans les quotes-parts concerne ou non la totalité ou une part importante de la copropriété.
Certes, la réforme a été imposée par la démesure de certaines opérations affectant un très grand nombre de lots. Mais aucune restriction n'étant faite par le texte lui-même, la loi doit trouver à s'appliquer quelle que soit l'étendue de l'opération par rapport à l'ensemble de l'immeuble. Ce serait aller à l'encontre tant de la lettre que de l'esprit du texte que de restreindre son application aux seuls cas où l'intégralité des lots ou une quantité plus ou moins importante de ces lots serait touchée par l'opération car la volonté du législateur a été d'apporter une solution radicale et générale à toutes les difficultés de même nature.
18.Le texte, d'une portée très générale, s'applique quelles que soient les causes des modifications affectant les parties communes (réparation d'une erreur dans la répartition des quotes-parts ; mutations, à titre onéreux ou à titre gratuit, volontaires ou forcées...).
19.De la même façon, les droits qui sont visés par le texte sont définis très largement.
Il s'agit de tous les droits soumis ou admis à publicité c'est-à-dire, d'une façon générale, de tous les droits susceptibles d'apparaître au fichier immobilier à la suite de la publication obligatoire ou facultative des actes, décisions judiciaires ou bordereaux qui les constatent.
20.Enfin, l'objet des droits atteints par les modifications dans les quotes-parts est défini comme étant le lot.
Il s'agit donc, d'abord, de tous les droits qui ont été publiés sur le lot lui-même. Mais le législateur, en employant l'expression « dont les lots sont l'objet », a voulu ne pas appréhender les seuls droits ou sûretés nés sur les lots eux-mêmes ; il a entendu atteindre également ceux qui sont nés sur l'ensemble immobilier et qui, par hypothèse, grèvent aussi l'intégralité des lots, que ces lots soient nés avant la mise en copropriété (ex. : hypothèque consentie sur le terrain et les constructions à venir par un « promoteur ») ou postérieurement.
21.En conclusion, on doit donc retenir que la loi concerne :
- toutes les modifications qui interviennent aussi bien au niveau de la substance des parties communes que de la fraction exprimant la quote-part incluse dans chacun des lots ;
• quelle que soit l'importance relative du nombre des lots intéressés ;
• quelle que soit la cause de ces modifications ;
- tous les droits réels ou personnels de nature à apparaître au fichier immobilier ;
• qu'ils soient nés sur ces lots ou sur des parties communes.
Malgré, mais peut-être aussi à cause, de la généralité de la formule utilisée, le législateur a cependant tenu à préciser dans les deux derniers alinéas du nouvel article 6-I de la loi du 10 juillet 1965 certaines modalités particulières d'application qui s'imposaient dans l'hypothèse où les modifications des parties communes ont pour effet d'entraîner un changement de l'emprise de la copropriété.
II. - LES ALINÉAS 2 ET 3 DE L'ARTICLE 6-I
22.Lorsqu'une acquisition ou une cession de parties communes emporte changement de l'emprise de la copropriété, deux restrictions sont apportées à l'extension ou à l'extinction automatique des droits. D'une part, les servitudes sont exclues des droits atteints par la loi et, d'autre part, mais seulement en cas d'acquisition, une formalité est nécessaire pour parvenir à l'extension des droits sur le bien acquis.
A.Exclusion des servitudes
23.Les opérations envisagées par ces deux alinéas modifient l'emprise même de la copropriété. Au contraire de tous les autres changements, qui se déroulent à l'intérieur de la copropriété, dans la « verticalité » de l'immeuble, ceux-ci font intervenir des éléments qui sont ou deviennent extérieurs à la copropriété. Il convenait donc de tenir compte de cette situation tout à fait particulière en ce qui concerne les servitudes.
24.La servitude, qu'elle soit conventionnelle ou légale, voire judiciaire, a le plus souvent une assiette bien définie et se limite strictement à cette assiette ; de même, le fonds qui profite de la servitude est généralement un immeuble (ou une fraction d'immeuble) déterminé(e). La situation est comparable lorsqu'il s'agit de servitudes dites « administratives » que le décret du 4 janvier 1955 comprend sous la dénomination de « limitations administratives au droit de propriété », encore qu'en ce qui les concerne, la recherche d'un fonds dominant aboutisse parfois à des résultats quelque peu artificiels.
Quoi qu'il en soit, le simple fait que le fonds servant ou dominant vienne à être cédé ou acquis, soit en totalité, soit par fraction après division, ne saurait conduire que dans des cas assez exceptionnels (ex. : acquisition du fonds servant par le fonds dominant) à effacer la servitude qui le grève ou dont il bénéficie, car les deux immeubles unis par ce rapport de service subsistent dans leur matérialité après la mutation dont l'un d'eux ou partie de l'un d'eux a fait l'objet.
Le législateur, conscient de cette situation, a estimé que, dans le cas où les modifications avaient pour résultat de modifier l'emprise de la copropriété, il était préférable de laisser les règles ordinaires s'appliquer aux servitudes constituées sur les parcelles cédées ou acquises par une copropriété. Il a, en conséquence, posé la règle que la cession ou l'acquisition d'une parcelle ou fraction de parcelle ne produit pas, à l'égard des servitudes, les effets d'extinction ou d'extension prévus à l'alinéa 1 er de l'article 6-I . La disparition ou la modification d'une servitude ne pourra dès lors résulter, conformément au droit commun, que de la configuration des lieux ou d'un acte constatant cette disparition ou modification.
En présence d'une cession de tout ou partie d'une parcelle d'assiette de la copropriété, il conviendra donc de faire apparaître sur la fiche d'immeuble, si elle n'y est pas déjà mentionnée (fiche renvoyant à la fiche générale) ou sur la fiche d'immeuble créée (en cas de division de parcelle) la ou les servitudes en cause ; il ne peut s'agir ici que des servitudes qui portent effectivement sur le terrain cédé et en aucun cas des servitudes constituées exclusivement sur un ou plusieurs lots.
Dans le cas d'une acquisition, la servitude figurant déjà sur la fiche d'immeuble, aucune annotation particulière n'aura à être effectuée. Le maintien des servitudes sur la parcelle acquise ne saurait constituer un obstacle à l'extension des droits résultant de la publication de la déclaration prévue à l'alinéa 3 de l'article 6-I .