B.O.I. N° 160 du 3 OCTOBRE 2005
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
7 S-7-05
N° 160 du 3 OCTOBRE 2005
COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE.
ARRÊTS DES 23 AVRIL 2003 (N° 638 F-D), 13 NOVEMBRE 2003 (BULL. IV n° 170) ET 21 JANVIER 2004 (N° 166 F-D).
COUR D'APPEL DE DOUAI, ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2003.
IMPOT DE SOLIDARITE SUR LA FORTUNE.
EXONERATION DES BIENS PROFESSIONNELS.
PROFESSIONS EXERCEES DANS LE CADRE D'UNE SOCIETE : REGIME DES PARTS OU ACTIONS DE SOCIETES.
PARTS ET ACTIONS DES SOCIETES SOUMISES A L'IMPOT SUR LES SOCIETES.
CONDITIONS RELATIVES AUX FONCTIONS EXERCEES.
CONDITIONS RELATIVES A LA REMUNERATION DES FONCTIONS.
(C.G.I., art 885 O bis)
NOR : BUD L 05 00200 J
Bureau J 2
PRESENTATION
Il résulte des dispositions de l'article 885 O bis du code général des impôts que les parts et actions soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent être qualifiées de biens professionnels si : - elles représentent au moins 25 % du capital de la société ou si leur valeur brute représente plus de 50 % de la valeur brute du patrimoine taxable du redevable, y compris les parts et actions en cause ; - leur détenteur exerce dans la société l'une des fonctions de direction énumérées par la loi ; - cette fonction est effectivement exercée et donne lieu à une rémunération normale qui doit représenter plus de la moitié des revenus professionnels du redevable à raison desquels celui-ci est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62. A la lumière de la jurisprudence récente, la présente instruction précise les modalités d'appréciation du respect de cette dernière condition (I) qui fait, en outre, l'objet de précisions doctrinales (II). • |
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I. PRECISIONS APPORTEES PAR LA JURISPRUDENCE EN MATIERE D'APPRECIATION DU RESPECT DE LA CONDITION DE REMUNERATION NORMALE.
A. La condition de rémunération normale doit notamment être appréciée au regard des autres rémunérations perçues au sein de la société.
1-De manière générale, une rémunération peut être considérée comme normale lorsque son montant est en rapport avec la rémunération courante des personnes exerçant pleinement une des fonctions considérées, compte tenu de la nature et de l'importance de l'activité de l'entreprise ainsi que de ses résultats.
Selon l'arrêt du 21 janvier 2004 de la Cour de cassation, lorsque l'administration entend démontrer que la condition de rémunération normale n'est pas satisfaite, elle doit, si elle fait référence aux autres rémunérations perçues au sein de la société, préciser en quoi la rémunération n'est pas normale compte tenu des fonctions exercées.
2-En pratique, lorsque le service entend remettre en cause l'exonération au titre des biens professionnels de parts de société au motif que la fonction dirigeante n'est pas normalement rémunérée, il doit d'abord procéder à une appréciation de la fonction exercée en tenant compte des pouvoirs et prérogatives réels de l'intéressé.
L'administration doit ensuite comparer la rémunération desdites fonctions avec celle des autres dirigeants - statutaires ou salariés - de l'entreprise afin de déterminer si la rémunération perçue est en adéquation avec l'importance des fonctions effectivement exercées.
Ces comparaisons internes peuvent être complétées par des rapprochements, dans le respect des exigences du secret professionnel, avec la rémunération de fonctions équivalentes dans des entreprises comparables (référence à des rémunérations publiées ou à une moyenne des rémunérations observées).
3-L'arrêt rendu le 20 octobre 2003 par la cour d'appel de Douai illustre la démarche à mettre en oeuvre : après une description circonstanciée des tâches, missions et responsabilités de la dirigeante qui exerçait les fonctions de P.D.G. et de présidente du conseil d'administration de la société, l'arrêt retient pour caractériser le niveau anormal de la rémunération perçue que cette dernière était très inférieure sur la période litigieuse à celle des directeurs salariés et était même inférieure à celle du responsable de magasin.
B. Le caractère normal de la rémunération doit être apprécié au regard de la seule fonction dirigeante.
4-Par une décision du 23 avril 2003, la Cour de cassation a censuré un arrêt qui prétendait apprécier la condition de rémunération normale en considération de l'exercice conjoint des fonctions de président du conseil de surveillance et d'une activité de conseil en stratégie commerciale au profit de la société en cause et de ses filiales.
Cela étant, la documentation de base (7 S 3322, paragraphe 15 , dernier alinéa) précise que si, en principe, seule la rémunération de la fonction dirigeante visée à l'article 885 O bis du C.G.I. est retenue pour apprécier le respect de la condition de rémunération normale, il est admis, lorsque le redevable exerce une autre activité au sein de la même société, de prendre également en compte la rémunération qui y est attachée.
Ainsi dans l'affaire jugée par l'arrêt précité du 23 avril 2003, l'administration aurait dû vérifier si le montant cumulé des rémunérations perçues par l'intéressé dans la société présentait un caractère normal au regard de la seule fonction de président du conseil de surveillance.
C. C'est la fonction dirigeante effectivement exercée au 1er janvier de l'année d'imposition qui doit être prise en compte pour la détermination du caractère normal de la rémunération.
5-Il s'ensuit, selon un arrêt de la Cour de cassation du 13 novembre 2003, que ne constituent pas des fonctions éligibles au régime des biens professionnels celles qui ne sont plus exercées au 1 er janvier de l'année d'imposition comme celles qui, quoique effectivement exercées à cette date, ne donnent lieu à aucune rémunération.
S'agissant de la période à prendre en compte pour apprécier le caractère normal de la rémunération perçue, il est précisé qu'elle est identique à celle à laquelle il est fait référence pour apprécier le respect de la condition relative au seuil de 50 % des revenus professionnels de l'intéressé.
6-A cet égard, il est rappelé qu'en cas de création ou de restructuration d'entreprise ou de prise de fonctions de direction au cours de l'année (N-1) précédant celle au titre de laquelle l'impôt est dû (N) ou au 1 er janvier de l'année N, il se peut que la condition relative au seuil des 50 % ne soit pas remplie lorsque sont pris en compte les revenus professionnels de l'année N-1. Dans cette hypothèse, cette condition est néanmoins considérée comme satisfaite lorsque le seuil des 50 % est franchi au titre de l'année N elle-même.
II. PRECISIONS DOCTRINALES.
A. Situation actuelle.
7-Une rémunération peut être considérée comme normale lorsque son montant est en rapport avec la rémunération courante des personnes exerçant pleinement une des fonctions considérées, compte tenu de la nature et de l'importance de l'activité de l'entreprise ainsi que de ses résultats.
L'appréciation du caractère normal des rémunérations doit être effectuée au vu de l'ensemble des rémunérations soumises à l'impôt sur le revenu.
Cette disposition doit être appliquée avec discernement. A cet égard, doivent être considérées comme anormales des rémunérations notablement insuffisantes compte tenu des caractéristiques de l'entreprise.
8- Remarques :
L'administration admet d'ores et déjà :
a - de faire masse, le cas échéant, des diverses rémunérations perçues par un dirigeant au titre de ses différentes fonctions au sein de sa société 1 (cf. B du I) ;
b - de ne pas exiger le respect de cette condition dans chacune des sociétés qui constituent un bien professionnel unique (B.P.U.), lorsque l'une de ces sociétés est en situation économique ou financière difficile 2 ;
c - de ne pas exiger le respect de cette condition au titre des fonctions de direction exercées dans une société holding animatrice, sous réserve que le cumul des rémunérations perçues dans la holding et dans les filiales excède 50 % des revenus professionnels 3 .
B. Précisions nouvelles.
9-Afin de permettre, lors de l'appréciation du caractère normal de la rémunération, la prise en compte de la situation économique et financière de l'entreprise et les modalités de fonctionnement de celle-ci, les assouplissements suivants sont apportés.
10- Dirigeant d'une entreprise en début d'activité ou d'une entreprise en difficulté.
Dans le cas d'une entreprise nouvellement créée 4 l'exonération des biens professionnels n'est pas remise en cause à raison du niveau de rémunération du dirigeant pendant deux ans.
Il en est de même s'agissant d'une entreprise rencontrant des difficultés économiques, commerciales ou financières (diminution du chiffre d'affaires, réduction des marges, charges financières excessives...), lorsque le contribuable en fait état dans sa déclaration.
Cette période de deux ans, décomptée depuis la première année au titre de laquelle les difficultés rencontrées ont été mentionnées dans la déclaration d'I.S.F., pourra être, le cas échéant, prorogée par voie de prise de position formelle de l'administration au sens de l' article L 80-B-1° du L.P.F.
11- Dirigeant d'une société qui forme, avec d'autres sociétés, un bien professionnel unique (B.P.U.).
Le dirigeant d'un groupe de sociétés n'est pas systématiquement rémunéré par l'ensemble des sociétés du groupe.
En cohérence avec les dispositions de l'article 885 O bis du C.G.I. et avec la doctrine applicable en matière de holdings animatrices, une approche globale des rémunérations perçues au sein des groupes de sociétés sera désormais retenue.
Le respect de la condition de rémunération normale sera ainsi apprécié au niveau de l'ensemble des sociétés constituant un bien professionnel unique (B.P.U.).
Sur ce point, toute référence à une condition tenant à la situation économique ou financière difficile de l'entreprise (cf. remarque b du A du II) est supprimée.
12- Dirigeant dont la rémunération est complétée par la perception de dividendes.
La prise en compte, dans la rémunération, des dividendes qui rémunèrent le capital investi -- et donc la possibilité de les prendre en considération pour l'appréciation de la règle des 50 % - n'est pas possible au regard des dispositions de l'article 885 O bis du C.G.I. selon lequel la rémunération, pour ouvrir droit à l'exonération, doit correspondre à des revenus soumis à l'impôt sur le revenu.
Néanmoins, le versement de dividendes pourra être pris en compte pour apprécier le caractère normal de la rémunération à la double condition que l'importance de ces derniers contrebalance la faiblesse de la rémunération et que cette situation résulte de motifs économiques.
C. Entrée en vigueur.
13-Les nouvelles règles énoncées au B du II ont vocation à s'appliquer aux contrôles en cours et au règlement des litiges consécutifs à des opérations de contrôle.
DB liée : 7 S 3322 n° 15 à 19 .
Le Chef de Service
Jean-Pierre LIEB
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cour de cassation, arrêt du 23 avril 2003
« Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 885 O bis, 1° du CGI :
Attendu que les actions d'une société sont considérées comme des biens professionnels à la condition notamment que leur propriétaire exerce les fonctions de président, de directeur général, de président du conseil de surveillance ou de membre du directoire de la société et que ces fonctions donnent lieu à une rémunération normale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a fait l'objet d'une procédure de redressement en matière d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), au titre des années 1993, 1994 et 1995 ; que l'administration fiscale a réintégré dans son patrimoine imposable à l'ISF la valeur de sa participation dans le capital de la SA L et compagnie ; que le tribunal de grande instance ayant rejeté sa demande de dégrèvement, M. X... a relevé appel du jugement ;
Attendu qu'en retenant que pour apprécier la condition posée par l'article 885 O bis du CGI relative au caractère normal de la rémunération, il y a lieu de considérer non seulement l'activité exercée par M. X... en sa qualité de président du conseil de surveillance, mais encore le concours apporté par l'intéressé, sur le plan de la stratégie commerciale, tant à la société L et compagnie qu'à sa filiale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE, ANNULE »
cour d'appel de Douai, 20 octobre 2003
« - Sur la nature des parts sociales soumises à redressement :
En application des articles 885 A, 885 N à 885 R du code général des impôts, les parts de société détenues par Madame X... dans la société CD dont elle était le PDG sont considérées comme biens professionnels et ne sont donc pas prises en compte pour l'assiette de l'impôt sur la fortune à condition notamment que les fonctions énumérées à l'article 885 O bis soient effectivement exercées et qu'elles donnent lieu à une rémunération normale.
La contestation porte en l'espèce exclusivement sur le caractère normal de la rémunération allouée à Madame X... en sa qualité de PDG et de Président du Conseil d'Administration.
Il ressort des éléments de la cause que selon procès-verbal de réunion du conseil d'administration du 25 octobre 1982, Madame X... a été investie à l'égard des tiers des pouvoirs les plus étendus pour représenter la société, contracter en son nom et l'engager pour tous les actes et opérations entrant dans l'objet social.
Le fait qu'un directeur adjoint ait également été désigné, auquel ont été conférés les mêmes pouvoirs que ceux délégués à la présidente du conseil d'administration, ne permet pas de remettre en cause l'effectivité et l'ampleur de la mission revenant à Madame X... .
Madame X... , elle-même, dans sa lettre de réclamation adressée le 13 mars 1998 à l'administration indiquait que les activités qu'elle exerçait étaient multiples et diverses, qu'elle avait repris toutes les activités de son mari décédé, qu'elle avait directement sous ses ordres une cinquantaine de personnes, dont plusieurs directeurs et cadres, qu'elle venait tous les jours au siège, regardait le courrier qui avait une influence sur le marché de l'entreprise, avait des rapports fréquents avec les administrateurs et l'expert comptable, signait tous les chèques de fournisseurs et frais généraux, ainsi que les documents afférents à la marche de la société et qu'elle était présente à toutes les assemblées et conseils d'administration.
Eu égard à l'importance de ces fonctions et même si Madame X... ne travaillait pas à temps complet et était aidée dans sa gestion de l'entreprise par des cadres aux compétences techniques affirmées, il apparaît que la rémunération par elle perçue (variant de 123 800 à 140 150 F annuels au cours de la période litigieuse) était manifestement insuffisante eu égard à l'usage et en comparaison avec les rémunérations des directeurs salariés de l'entreprise (546 120 F et 518 300 F en 1991 - 625 800 F et 586 500 F en 1995) et était même inférieure au salaire du responsable de magasin variant durant cette période de 144 600 F à 152 220 F.
Au vu de ces considérations, le jugement déféré doit être confirmé quant au caractère non professionnel des actions détenues par Madame X... . »