Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-CTX-ADM-10-40-10

CTX - Contentieux de l'assiette de l'impôt - Procédure devant le tribunal administratif- Mesure spéciale d'instruction – Recours à l'expertise

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L'expertise peut être ordonnée, avant dire droit, par le tribunal administratif, soit d'office, soit sur la demande du contribuable, soit sur la demande de l'Administration sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties, (article R621-1 du code de justice administrative (CJA)).

Le président de la juridiction peut désigner au sein de sa juridiction un magistrat chargé des questions d'expertise et du suivi des opérations d'expertise ( CJA, art. R621-1-1).

I. Expertise ordonnée d'office

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La faculté d'ordonner d'office une expertise est absolument générale pour le tribunal administratif, qui peut prescrire cette mesure d'instruction même si le requérant et l' Administration estiment qu'il n'y a pas lieu d'y recourir, mais à condition toutefois que ladite mesure soit utile à la solution du litige (CE, arrêt du 23 février 1895, n° 79348, RO, 6234, Leb. chron., p. 191, 2e esp. ; arrêt du 29 décembre 1978, n° 12039 en ce qui concerne plus particulièrement le montant des droits en jeu).

II. Expertise demandée par le contribuable ou par l' Administration

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Le contribuable et l'Administration peuvent, chacun en ce qui le concerne, demander qu'il soit procédé avant dire droit à une vérification par expert.

A. Forme et présentation de la demande

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La demande d'expertise peut être formulée à tout moment de la procédure avant la clôture de l'instruction (cf. BOI-CTX-ADM-10-30-I-G-1-§ 100 et suiv.).

B. Contenu de la demande

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La demande doit être conçue en termes suffisamment précis.

À cet égard, doit être considéré comme ayant suffisamment manifesté l'intention de recourir à l'expertise le contribuable qui demande, par exemple, cette mesure d'instruction :

- en vue de sauvegarder ses intérêts et sauf règlement amiable de l'affaire (CE, arrêt du 9 janvier 1907 n° 22996, RO, 4045, Leb. chron., p. 22, 2e esp.) ;

- à titre subsidiaire (CE, arrêt du 31 juillet 1908, n° 23578, RO, 6257, Leb. chron., p. 841, 3e esp.).

À défaut d'avoir manifesté clairement son intention, le contribuable n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal ait statué sans ordonner cette mesure d'instruction.

Il en va particulièrement ainsi lorsqu'il :

- n'a pas sollicité cette mesure d'instruction, d'ailleurs non obligatoire pour le tribunal (CE, arrêt du 10 janvier 1953, n°s 72343 et 72344, RJCI, 1953, p. 101, Leb. chron., p. 666) ;

- s'est abstenu de renouveler devant le tribunal administratif la demande d'expertise contenue dans la réclamation adressée à l'Administration (CE, arrêt du 29 avril 1932, RO, 5816) ;

- n'a pas précisé sur quels points devait porter l'expertise qu'il sollicitait, celle-ci étant d'ailleurs toujours facultative pour le tribunal et en l'espèce inutile (CE, arrêt du 25 janvier 1967, n° 60994, RJ, 2e partie, p. 28) ;

- s'est borné à déclarer qu'il se réservait la faculté de demander cette mesure d'instruction si l'on ne faisait pas droit à ses observations (CE, arrêt du 11 février 1903, n° 9859, Leb. chron., p. 114).

Par ailleurs, dans la mesure où le tribunal a statué sans ordonner l'expertise qui avait été régulièrement demandée par le contribuable, seul ce dernier, à l'exception de l'Administration, a qualité pour s'en plaindre devant la juridiction d'appel.

En ce sens : CE, arrêt du 1er décembre 1933, n° 35424, RO, 6062, Leb. chron., p. 1127, 2e esp..

Enfin, le fait pour un contribuable de ne pas solliciter une expertise n'implique pas, de sa part, la renonciation aux fins de sa demande

En ce sens : CE, arrêt du 30 novembre 1852, RO, 48, Leb. chron., p. 535.

C. Caractère facultatif de l'expertise

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Quels que soient les motifs sur lesquels s'appuie la demande d'expertise formulée par l'une quelconque des parties en présence, le tribunal administratif a toujours la faculté de passer outre à cette demande et de statuer au fond sans ordonner, au préalable, la mesure d'instruction sollicitée, à la condition de motiver son refus.

1. L'expertise n'est pas obligatoire

60

D'une manière générale, lorsqu'il s'estime suffisamment éclairé sur les faits de la cause par les éléments versés au dossier ou s'il lui apparaît que l'expertise demandée n'est pas utile à la solution du litige, le tribunal administratif peut valablement statuer au fond sans faire procéder à une expertise régulièrement sollicitée.

Ainsi le tribunal administratif a, à bon droit, refusé d'ordonner l'expertise ou statué immédiatement au fond sans faire procéder à la mesure d'instruction tout d'abord prescrite :

- lorsque, pour demander une expertise aux fins de lui permettre d'apporter, par des moyens extra-comptables, la preuve qui lui incombe, un contribuable, dont la comptabilité est entachée d'erreurs et d'omissions lui enlevant tout caractère probant, s'est borné à proposer un nouvel examen de certaines pièces de ladite comptabilité sans indiquer aucun document extra-comptable susceptible de constituer la preuve requise du caractère exagéré du bénéfice retenu par l' Administration (CE, arrêt du 13 juillet 1967, n° 68985) ;

- lorsqu'à la suite du jugement du tribunal administratif reconnaissant fondée la demande de dégrèvement du contribuable et ordonnant une expertise aux fins de préciser la réduction à laquelle l'intéressé avait droit, le directeur a transmis audit tribunal des éléments de calcul d'où il ressortait que, sans qu'il soit besoin de procéder à la mesure d'instruction prescrite, la réduction décidée, en principe, par le jugement précité entraînait la décharge de l'imposition litigieuse (CE, arrêt du 25 octobre 1968, n°s 73905 et 74657, RJ, 2e partie, p. 215).

En revanche, dans une espèce où le contribuable avait demandé, devant le tribunal administratif, qu'il soit, en cas de besoin, procédé à une mesure d'instruction afin de lui permettre de justifier le bien fondé de sa réclamation à l'aide de pièces comptables qu'il déclarait avoir en sa possession, le Conseil d'État a décidé que le tribunal était tenu soit de faire produire lesdites pièces comptables, soit d'ordonner une expertise

En ce sens : CE, arrêt du 3 décembre 1969, n° 77699, RJ, 2e partie, p. 150.

70

Le tribunal s'abstient également de prescrire une expertise lorsque la demande dont il est saisi se trouve entachée d'un vice de forme la rendant irrecevable, à moins, bien entendu, que la mesure d'instruction demandée ne doive précisément porter sur la réalité de ce vice de forme.

En ce sens : CE, arrêt du 23 mars 1908, n° 28232, RO, 6256, Leb. chron., p. 315, 2e esp., arrêt rendu dans un cas où l'expertise ne portait pas sur le vice de forme.

En effet, l'irrecevabilité résultant d'un vice de forme a pour effet de rendre l'expertise superflue pour la solution du litige.

C'est pourquoi lorsqu'une demande au tribunal présente à juger une question de recevabilité dont la solution pourrait rendre frustratoire une expertise sur le fond, le tribunal ne doit pas ordonner une telle mesure d'instruction sans s'être préalablement prononcé sur la recevabilité de la demande (CE, arrêt du 14 février 1949, n° 99773, RO, p. 148, Leb. chron., p. 75, 1re esp.).

80

Le tribunal administratif peut également s'abstenir d'ordonner une expertise lorsque, l'exactitude des faits invoqués n'étant pas contestée, le litige soulève seulement une question de principe ou de droit échappant à la compétence des experts

En ce sens :CE, arrêt du 10 janvier 1938, n° 48968, Bull. n° 7, 1938, p. 199, TJCA, n° 119017, Leb. chron., p. 5, 3e esp..

À cet égard, présentent le caractère de questions de droit échappant à la compétence des experts :

- une question d'interprétation des clauses d'un bail (CE, arrêt du 16 janvier 1920, n° 59981, RO, 4707, Leb. chron., p. 43, 1re esp.) ;

- le point de savoir si la pension versée par un contribuable, en vertu d'un acte dont l'existence n'est pas contestée par l'Administration, a le caractère d'une rente payée à titre obligatoire  (CE, arrêt du 15 décembre 1941, n° 64727, RO, p. 347, Leb. chron., p. 222, 4e esp.) ;

- la question posée au sujet d'un litige portant, non sur les conditions d'exécution des travaux effectués par un contribuable patentable mais sur leur caractère de travaux publics  (CE, arrêt du 15 novembre 1943, RO, p. 378) ;

- la question de la légalité des centimes additionnels communaux (CE, arrêt du 30 juin 1933, n°s 93911 et 95725, RO, 6015, Leb. chron., p. 713, 2e esp.) ;

- la question relative à la légalité d'un rectificatif inséré au Journal Officiel en vue de corriger une erreur matérielle commise dans la teneur d'un texte de loi (CE, arrêt du 19 juillet 1948, n° 89809, RO, p. 78) ;

- lorsqu'aucun désaccord n'existant entre les parties sur les conditions de fait dans lesquelles un contribuable a procédé aux opérations en cause, le point de savoir si l'intéressé a agi en qualité de commissionnaire ou en qualité de commerçant achetant ou revendant pour son propre compte (CE, arrêt du 22 octobre 1955, n° 56164, Leb. chron., p. 498) ou si le litige porte seulement sur une question d'interprétation de la loi  (CE, arrêt du 6 mars 1940, n° 23499, TJCA, n° 119029, Bull. n° 8, 1940, p. 128, Leb. chron., p. 89, 1re esp.) ;

- le point de savoir si un outillage industriel est ou non passible de la taxe foncière si aucun désaccord portant sur la matérialité des faits et notamment sur les conditions d'installation dudit outillage n'existe entre les parties (CE, arrêt du 28 mars 1938, RO, p. 205).

En revanche, constituent des questions de fait susceptibles de donner lieu à une expertise :

- le point de savoir si, en raison des changements survenus dans le cours des loyers, le prix de louage résultant d'un bail ne correspond plus à la valeur locative actuelle des locaux  (CE, arrêt du 27 juillet 1936,RO, 6532) ;

- le point de savoir s'il existe une société de fait entre un exploitant agricole et ses deux fils majeurs  (CE, arrêt du 24 janvier 1949, n° 97453, RO, p. 133) ;

- la question de la valeur à accorder aux justifications extra-comptables dont se prévaut un contribuable (CE, arrêt du 13 juillet 1967, n° 69817, RJ, 2e partie, p. 197).

Dans la mesure où une demande au tribunal administratif présente à juger une question de principe dont la solution pourrait rendre frustratoire une expertise sur le surplus du litige, les premiers juges ne peuvent ordonner cette mesure d'instruction sans s'être préalablement prononcés sur le point de droit (CE, arrêt du 3 mars 1956, n° 33171, RO, p. 43).

90

Le tribunal administratif peut également statuer sans ordonner d'expertise lorsqu'il n'existe pas de contestation sur les faits.

Il en va particulièrement ainsi :

- lorsqu'un litige ne comporte aucune contestation sérieuse sur la matérialité des faits de la cause (CE, arrêt du 24 janvier 1944, n° 70395, Rec., 1944, p. 103, TJCA, n° 119045, Leb. chron., p. 29) ;

- lorsque, en matière de contribution foncière des propriétés bâties, tous les points sur lesquels porte le désaccord ont déjà fait l'objet d'une vérification par experts à la suite d'un litige relatif à l'imposition d'une année précédente et que le contribuable ne conteste ni la persistance de l'état des lieux, ni l'exactitude des constatations des experts  (CE, arrêt du 12 février 1947, n° 77246, RO, p. 164, Leb. chron., p. 57) ;

- lorsque, en l'absence de tout désaccord sur les faits, l'imposition dépend de l'interprétation des statuts de la société requérante et de la qualification juridique des opérations réalisées par elle, ces questions n'étant pas de la compétence des experts  (CE, arrêt du 22 mai 1940, n° 40546, Bull., n° 9, 1940, p. 190, TJCA, n° 119034, Leb. chron., p. 176, 2e esp.) ;

- lorsque le tribunal prend pour base de sa décision les faits mêmes articulés par le requérant, et le moyen tiré de ce que ce tribunal aurait omis de statuer sur la demande d'expertise manque en fait si le jugement attaqué précise que « tous autres moyens et conclusions des parties sont rejetés » (CE, arrêt du 17 avril 1937, n° 34675, Bull., n° 13, 1937, p. 319, TJCA, n° 119015) ;

- à l'égard d'un directeur général de société anonyme qui, n'étant pas commerçant, ne tient aucune comptabilité, dès lors qu'en l'espèce une expertise a l'effet de rechercher si la comptabilité de l'intéressé peut être regardée comme probante est dénuée d'objet (CE, arrêt du 3 mai 1954, n° 15498, RO, p. 51, Leb. chron., p. 764).

100

Le tribunal administratif peut valablement statuer au fond sans ordonner d'expertise lorsque les faits invoqués ne sont pas de nature, même si l'exactitude en était reconnue, à motiver l'admission de la demande.

Il en est ainsi lorsque cette mesure d'instruction s'avère inutile parce que le contribuable a limité sa demande à une vérification sans intérêt pour trancher la question de fait en litige (CE, arrêt du 22 mai 1940, n° 34196, Bull., n° 9, 1940, p. 181, TJCA, n° 119033, Leb. chron., p. 175, 1re esp.). Ainsi jugé dans une espèce où un étranger demandait qu'il soit procédé à une expertise en vue d'établir qu'il n'avait pas effectivement résidé en France, alors que son assujettissement à l'impôt sur le revenu était justifié par le seul fait qu'il disposait en France d'une habitation à titre de propriétaire (CE, arrêt du 24 juillet 1939, n° 65912, RO, p. 432).

De même, les frais de réparation d'un véhicule automobile détérioré dans un accident n'entrent dans les charges déductibles du bénéfice imposable que si cet accident est survenu au cours d'un déplacement professionnel. Dès lors, est frustratoire l'expertise ordonnée par le tribunal administratif à l'effet de déterminer si le véhicule était utilisé de manière habituelle par le contribuable pour l'exercice de sa profession puisque cette circonstance ne suffirait pas pour établir le caractère professionnel du déplacement au cours duquel a eu lieu l'accident (CE, arrêt du 12 mars 1962, n° 53699, RO, p. 48).

110

Le tribunal administratif peut refuser d'ordonner l'expertise sollicitée par un contribuable lorsque l'intéressé n'a fourni aucune précision sur la nature des éléments de preuve qu'il pourrait soumettre utilement à des experts.

En ce sens :CE, arrêt du 22 juin 1983, n° 32438.

2. Motivation de la décision ordonnant ou refusant l'expertise

a. Motivation explicite ou implicite

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Lorsqu'il s'estime suffisamment informé en l'état du dossier pour trancher valablement le litige, le tribunal administratif n'est jamais tenu d'ordonner une expertise, même régulièrement demandée ; mais il doit normalement exposer d'une manière expresse les raisons pour lesquelles il refuse cette mesure d'instruction.

Toutefois, le Conseil d'État considère que lorsque le tribunal omet de répondre explicitement à des conclusions à fin d'expertise, cette circonstance n'est pas, par elle même, de nature à vicier le jugement, dès lors qu'il ressort clairement des motifs du jugement que le tribunal, qui a rejeté la demande en se fondant exclusivement sur des motifs de droit, sans mettre en cause les éléments de preuve dont le contribuable se prévalait, ni invoquer de faits autres que ceux admis par les parties, a entendu écarter l'expertise comme sans intérêt pour la solution du litige (CE, arrêt du 16 juin 1971, n° 79272).

Est suffisamment motivé le jugement du tribunal administratif qui s'est prononcé expressément sur la valeur probante de la comptabilité du contribuable et des pièces justificatives produites par celui-ci ou qui indique que le juge de l'impôt a estimé l'expertise demandée inutile en l'absence d'éléments sur lesquels elle aurait pu porter (CE, arrêt du 18 mai 1979, n° 8154).

b. Contrôle de la décision refusant l'expertise

130

Comme il a été indiqué précédemment, le tribunal peut refuser l'expertise s'il s'estime suffisamment éclairé en l'état du dossier mais sa décision est soumise au contrôle du juge d'appel.

À cet égard, un contribuable n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif a refusé l'expertise sollicitée des lors qu'il n'est pas établi que ce refus ait été fondé sur des motifs erronés en droit ou en fait. (CE, arrêt du 13 juillet 1966, n° 64247, RO, p. 229).

Il en va de même en cas de refus d'ordonner une nouvelle expertise dès lors que le contribuable n'établit pas que ce refus ait été fondé sur des motifs erronés en droit ou en fait (CE, arrêt du 5 février 1968, n° 71772, RJ, 2e partie, p. 32).

Mais un contribuable est fondé à demander l'annulation d'un jugement qui refuse d'ordonner une expertise :

- pour des motifs juridiquement erronés, en ce qui concerne la valeur de la comptabilité offerte (CE, arrêt du 11 juillet 1958, n° 34010, RO, p. 197, Leb. chron., p. 884) ou la possibilité d'apporter d'autres preuves  (CE, arrêt du 19 juin 1957, n° 31938, RO, p. 371, Leb. chron., p. 399) ;

- pour le motif que la comptabilité du contribuable ne serait pas probante, s'il ne l'a pas lui-même examinée (CE, arrêt du 9 novembre 1960, n° 45753, RO, p. 188) ou que seule une comptabilité régulière permettrait au contribuable d'apporter la preuve qui lui incombe, car cette preuve peut être faite par des moyens extra-comptables (CE, arrêt du 6 février1959, n° 24652, RO, p. 356).

III. Nombre et désignation des experts

140

En principe, l'expertise est faite par un seul expert. Toutefois, le tribunal peut estimer nécessaire d'en nommer plusieurs (CJA, art. R621-2).

Dans le cas où l'expertise doit être faite par un seul expert, celui-ci est désigné par le président du tribunal administratif.

Si l'expertise est confiée à trois experts, l'un d'eux est désigné par le président du tribunal administratif et chacune des parties est appelée à nommer un expert (LPF, art. R*200-9).

La désignation de l'expert de l'Administration incombe donc au directeur des finances publiques (CE, arrêt du 22 juillet 1910. n° 31707, RO, 4334, Leb. chron., p. 612, 1re esp.).

Si les parties ont fait connaître d'avance dans leurs requêtes ou mémoires la personne qu'elles choisissent comme expert ou si elles désignent leur expert à l'audience ou l'expertise est ordonnée, le président du tribunal ratifie le choix de l'expert ainsi effectué et désigne lui-même le troisième expert.

Les parties qui n'ont pas désigné leur expert dans leurs requêtes ou mémoires et qui ne sont pas présentes à l'audience sont invitées au moyen d'une notification (CJA, art. R 611-3, CJA, art. R 611-4), à procéder à cette désignation dans un délai de huit jours à compter de ladite notification. Le président du tribunal administratif procède d'office à la nomination de l'expert dont la désignation n'est pas parvenue au greffe dans ce délai (LPF, art. R*200-9).

À cet égard, une demande d'expertise ne saurait être considérée comme non avenue du fait que le contribuable n'a pas désigné son expert, si ce contribuable n'a pas été invité, par une mise en demeure spéciale, à faire ladite désignation (CE, arrêt du 3 février 1933, n°s 27392 et 27393, Bull., n° 8, 1933, p. 115, TJCA, n° 119005, Leb. chron., p. 154, 1re esp.).

IV. Choix des experts

150

Les fonctionnaires affectés à la direction à laquelle a incombé l'établissement de l'imposition contestée ne peuvent être désignés comme experts (LPF, art. R*200-10).

Il en est de même des personnes qui ont été constituées mandataires par l'une des parties au cours de l'instruction (LPF, art. R*200-10).

D'une manière générale, toutes les personnes qui ont eu à connaître de l'affaire à un titre quelconque sont tenues, avant d'accepter d'être désignées comme expert, de le faire connaître au tribunal ; celui-ci apprécie s'il y a empêchement (CJA, art. R621-5).

Toutes les personnes autres que celles visées ci-dessus peuvent, en principe, être désignées comme expert soit par le président du tribunal administratif, soit par le requérant, soit par l'Administration, sous réserve bien entendu de l'exercice éventuel par les parties de leur droit de récusation.

Rien ne s'oppose à ce que l'Administration choisisse notamment comme expert :

- l'architecte d'une commune, pour la vérification d'une réclamation concernant des propriétés situées dans cette commune  (CE, arrêt du 27 décembre 1854, RO, 113) ;

- un conseiller municipal (CE, arrêt du 18 juillet 1873, RO, 2490) ;

- un vérificateur des poids et mesures (CE, arrêt du 19 décembre 1930, n° 10784, RO, 5521, Leb. chron., p. 1080, 1re esp.) ;

- les agents voyers, les conducteurs des ponts et chaussées et autres préposés des administrations publiques (CE, arrêts des 14 juin 1861, RO, 1144, 7 novembre 1873, RO, 2447 et 29 mai 1861, RO, 1204).

Mais aucune disposition de loi n'impose au président du tribunal administratif ni à l'Administration de choisir des experts résidant dans un lieu aussi rapproché que possible de celui où l'expertise doit être faite (CE, arrêt du 7 mai 1945, RO, p. 266). De même, le président du tribunal, étant libre du choix du tiers expert, n'est pas tenu de désigner un technicien de la profession exercée par le contribuable (CE, arrêt du 22 décembre 1967, n° 70027, Leb. chron., p. 755).

Enfin, rien ne s'oppose à ce que l'Administration nomme le même expert pour la vérification des réclamations présentées deux années de suite par le même contribuable (CE, arrêt du 19 décembre 1861, n° 32818, RO, 1145, Leb. chron., p. 904) et à ce que le président du tribunal administratif choisisse le même expert pour deux expertises successives concernant le même litige (CE, section, arrêt du 6 mars 1970, req. n° 75541).

V. Jugement concernant l'expertise

A. Contenu du jugement concernant l'expertise

160

Le tribunal administratif rend un ou plusieurs jugements avant dire droit par lesquels il ordonne l'expertise soit d'office, soit sur la demande du contribuable ou de l'Administration, sur les points déterminés par sa décision. Il fixe la mission des experts et définit, le cas échéant, les moyens dont ils disposent pour effectuer leurs investigations. Le tribunal peut à cette occasion prévoir que les experts peuvent entendre toutes personnes qu'ils estiment utiles pour l'accomplissement de leur mission.

Le président du tribunal choisit les experts. Le cas échéant, il donne aux parties acte de la désignation qu'elles ont faite de leur expert, nomme s'il y a lieu l'expert de la partie défaillante et désigne l'expert de son choix. Il fixe le délai dans lequel le ou les experts seront tenus de déposer leur rapport au greffe (CJA, art. R621-2), .

Le délai imparti à l'expert pour la remise de son rapport est fixé par le président de la juridiction qui désigne l'expert.

B. Forme du jugement concernant l'expertise

170

Les jugements concernant l'expertise doivent être rendus en audience publique.

180

Le jugement par lequel le tribunal administratif statue au fond sur le litige opposant le requérant à l'administration fiscale, constitue une décision juridictionnelle distincte du jugement avant dire droit par lequel ce tribunal avait, dans le même litige, ordonné une expertise. Ainsi, la circonstance que la composition du tribunal aurait été différente à l'occasion de ces deux jugements est sans influence sur la régularité de la décision statuant sur le fond du litige (CE, arrêt du 17 mai 1961, n° 39006, Leb. chron., p. 324).

L'autorité de la chose jugée ne s'attache pas aux dispositions des jugements par lesquels les tribunaux administratifs définissent les modalités des expertises qu'ils ordonnent (CE, arrêt du 29 juin 1966, n° 67034, RO, p. 199).

C. Notification des jugements concernant l'expertise

190

Le ou les jugements intervenus sont notifiés au contribuable et à l'Administration dans les conditions indiquées ci-après BOI-CTX-ADM-10-70-50.

Par ailleurs, le greffier en chef notifie dans les dix jours à l'expert ou aux experts la décision qui les commet et fixe l'objet de leur mission (CJA, art. R621-3),

VI. Mission des experts

200

D'une manière générale, la mission des experts consiste essentiellement à vérifier les faits, évaluations, revenus ou chiffre d'affaires sur lesquels porte le litige.

Elle doit être utile à la solution de ce litige.

La mission confiée aux experts est soumise au contrôle de la juridiction d'appel (CE, arrêts des 3 mars 1956, n° 33171, RO, p. 43, 5 mars 1956, n° 34779, RO, p. 47, Leb. chron., p. 650 et 6 avril 1959, n° 43398).

En aucun cas, la mission des experts ne doit porter sur des questions de principe. Lorsque l'instance pose à la fois des questions de fait et des questions de droit, seules les questions de fait doivent être comprises dans la mission des experts.

La mission des experts est déterminée par l'état du litige.

Lorsqu'il ressort des pièces du dossier et des déclarations du contribuable que la méthode d'inscription des recettes et l'absence de pièces justificatives ne permet pas de contrôler le montant des ventes et, par suite, de regarder la comptabilité comme probante, c'est à tort que le tribunal administratif s'estime insuffisamment informé sur la valeur probante des documents comptables et qu'il charge les experts de donner leur avis sur ce point (CE, arrêt du 13 juillet 1967, n° 69817, RJ, 2e partie, p. 197).

Dans le cas où le requérant se prévaut de déficits anciens, aucune disposition de loi ou de règlement, en particulier l'article L123-22 du code de commerce relatif à la conservation de certains documents comptables, n'interdit au tribunal de faire porter les investigations des experts sur une période antérieure de plus de dix ans à la date de son jugement (CE, arrêt du 8 février 1967, n° 66716, RJ, 2e partie, p. 42).

Lorsque les redressements apportés à la déclaration de bénéfices d'un officier ministériel n'affectent que les dépenses professionnelles déduites par l'intéressé, ce dernier a seulement à démontrer, en cas de contestation devant la juridiction contentieuse, que le montant des dites dépenses est en réalité supérieur à celui qui a été retenu par l'Administration. Dès lors, en l'absence de conclusions expresses de l'Administration à fin de compensation dans les conditions prévues à l'article L203 du LPF, le tribunal administratif qui ordonne l'expertise doit en limiter l'objet à l'examen des justifications produites par le contribuable en vue d'établir l'importance des dépenses professionnelles litigieuses (CE, arrêt du 3 avril 1968, n° 70766).

L'Administration, qui ne fournit en appel aucun élément précis de nature à mettre en doute la sincérité des recettes non commerciales déclarées par un contribuable, n'est pas fondée à demander que la mission de l'expert limitée par le tribunal à l'examen des justifications produites en ce qui concerne les dépenses professionnelles soit étendue à l'examen des justifications tendant à établir le montant des recettes encaissées par l'intéressé (CE, arrêt du 30 juin 1971, n°s 80123 et 80124).

La mission confiée aux experts ne doit pas, en tout état de cause, méconnaître les règles relatives à la charge de la preuve.

Lorsqu'il incombe à l'Administration de prouver le bien-fondé des redressements opérés, le tribunal administratif peut à bon droit, dans son jugement ordonnant une expertise, donner mission aux experts de rechercher si les griefs formulés par l'Administration, quant au caractère probant de la comptabilité du contribuable sont fondés et, dans l'affirmative, leur prescrire de déterminer, exercice par exercice, si les redressements sont justifiés par la comparaison des éléments retenus par le service et de ceux résultant de l'expertise.

Pour ce faire, l'examen des experts peut valablement s'étendre tant aux documents que le contribuable serait tenu de présenter à l'occasion de l'exercice du droit de communication de l'Administration que de ceux spontanément produits par lui (CE, arrêt du 27 octobre 1967, n° 71911, RJ, 2e partie, p. 218).

Le tribunal administratif qui a admis que la charge de la preuve incombe au contribuable et qui ordonne une expertise afin de lui permettre d'établir l'exagération de l'évaluation administrative, peut charger l'expert de rechercher selon quelle méthode a été établie cette évaluation pour apprécier ensuite les justifications de toute nature produites par le contribuable en vue de critiquer ladite évaluation et d'en établir l'exagération En revanche, il ne peut donner mission à l'expert de recueillir les observations de l'administration tendant à justifier le bien-fondé de son évaluation, et mettre ainsi partiellement à la charge de l'Administration la preuve qui incombe au seul contribuable (CE, arrêt du 1er juillet 1970, n° 78751 ; voir également, sur le premier point, CE, arrêt du 10 novembre 1971, n° 81263).

En cas de taxation d'office, le tribunal administratif peut, à bon droit, définir la mission des experts de façon à autoriser ces derniers à obtenir de l'Administration les éléments ayant servi de base à l'imposition contestée, celle-ci étant tenue, s'il y a contestation, de faire connaître devant le juge de l'impôt, la méthode adoptée par elle et les calculs précis pour déterminer la base d'imposition afin de permettre au contribuable de la discuter et d'en établir, le cas échéant, l'exagération (CE, arrêt du 14 juin 1972, n° 81863).

Enfin, la circonstance que l'Administration procède, ainsi que le contribuable, à la désignation de l'un des trois experts ne saurait conférer à la mesure d'instruction prescrite par le juge le caractère d'une vérification administrative de la comptabilité litigieuse prévue par l'article L13 du LPF (CE, arrêt du 27 octobre 1967, n° 71911, RJ, 2e partie p 218) quand bien même le représentant de l' administration -qui peut être un inspecteur autre que le vérificateur- serait conduit à examiner les documents produits par le contribuable (CE, arrêt du 6 février 1970, n° 75832, RJ, n° IV, p. 22).