Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-ENR-DMTG-10-10-40-50

ENR - Mutations à titre gratuits - Successions – Champ d'application des droits de mutation par décès – Présomptions légales de propriété - Preuve du droit de propriété du défunt résultant de l'application de règles de droit civil

I. Théorie de la propriété apparente

A. Principe

1

L’administration est fondée à tenir pour propriétaire véritable d'un bien celui qui apparaît comme tel aux yeux des tiers, en vertu de clauses formelles de titres, de la loi ou de situations de fait résultant de ses agissements.

Pour plus de précisions, il convient de se reporter au BOI-ENR-DG-20-20-50 .

B. Application à l'impôt de mutation par décès

10

L'impôt de mutation par décès frappe donc, d'une manière générale, tous les biens dont le défunt était propriétaire en vertu de titres apparents.

20

L'application de la théorie de la propriété apparente en matière de droits de mutation par décès conduit aux conséquences suivantes :

1. Prête-nom

30

Les biens acquis par un prête-nom sont censés lui appartenir et doivent être compris dans la déclaration de sa succession même si avant son décès, le défunt a déclaré avoir acquis pour le compte d'un tiers, alors que celui-ci n'a pas accepté cette déclaration. Si l'acceptation intervient après le décès, elle n'a pas d'effet rétroactif.

2. Porte-fort

40

Les biens acquis par le porte-fort doivent être compris dans la déclaration de sa succession lorsque l'acquisition n'a pas été ratifiée, avant le décès, par le tiers pour le compte duquel le porte-fort a opéré.

En revanche, les biens acquis d'un porte-fort doivent être, même avant ratification, portés dans la déclaration de la succession de l'acquéreur.

3. Titres nominatifs - Créances

50

Sont considérés comme dépendant de la succession du défunt tous les titres nominatifs immatriculés à son nom et toutes les créances dont les titres constitutifs le désignent comme titulaire.

C'est ainsi que les sommes inscrites sur un livret de caisse d'épargne et à un compte bancaire ou postal ouverts au nom du de cujus sont présumées faire partie de sa succession.

Lorsque des livrets de caisse d'épargne ou des plans d'épargne-logement ont été ouverts au nom d'enfants mineurs par leurs parents dont l'un décède, les droits de mutation par décès ne peuvent, en principe, être perçus sur ces biens, le défunt n'en ayant pas la propriété apparente.

60

Toutefois, l'article 784 du code général des impôts (CGI) prévoit que les parties sont tenues de faire connaître, notamment dans toute déclaration de succession, s'il existe ou non des donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires et dans l'affirmative, le montant de ces donations (cf. BOI-ENR-DMTG-10-50-50). La perception à effectuer tient compte de ces libéralités. En application de ce texte, l’administration est donc fondée à faire rapporter fiscalement à la succession du défunt le montant des livrets de caisse d'épargne ou de comptes d'épargne-logement ouverts au nom d'enfants lorsqu'elle établit que les fonds ont été fournis par leur auteur.

4. Titres de propriété affectés d'une condition

a. Biens ayant fait l'objet d'une mutation sous condition suspensive

70

Les biens acquis par le défunt sous condition suspensive ne supportent pas les droits de mutation par décès, mais ces derniers deviennent exigibles dans le délai légal qui commence à courir à compter de la date de la réalisation de cette condition.

Les biens vendus par le défunt sous condition suspensive doivent être déclarés. Si la condition se réalise, les droits de succession correspondants peuvent être restitués dans le délai imparti par la loi.

b. Biens ayant fait l'objet d'une mutation sous condition résolutoire

80

Sont soumis à l'impôt les biens qui appartenaient au défunt sous condition résolutoire.

Au contraire, les biens vendus sous condition résolutoire n'ont pas à être compris dans la déclaration de succession du vendeur.

5. Immeubles saisis, expropriés, hypothéqués et délaissés, objets d'une folle enchère, d'une surenchère ou d'une promesse de vente

90

Dépendent de la succession du propriétaire :

- les biens saisis mais non encore adjugés et, après l'adjudication, le prix en provenant tant qu'il n'est pas réparti entre les créanciers ;

- les biens frappés d'expropriation lorsque l'ordonnance d'expropriation n'est pas rendue à la date du décès ;

- l'indemnité, y compris l'indemnité de remploi, lorsque l'exproprié décède postérieurement à l'ordonnance d'expropriation, même si celle-ci n'était pas encore signifiée au moment du décès. Si l'indemnité n'est pas encore fixée, elle doit être évaluée provisoirement.

100

Fait partie de la succession du tiers détenteur l'immeuble hypothéqué délaissé par ce dernier mais non encore vendu à son décès, et de celle de l'adjudicataire, l'immeuble faisant l'objet d'une procédure de folle enchère tant que l'adjudication n'est pas prononcée au profit d'un tiers ; lorsqu'elle est prononcée au profit d'un tiers, les droits de mutation par décès correspondants peuvent être restitués dans les limites de la prescription.

Les règles sont les mêmes en cas de surenchère du dixième sur aliénation volontaire. Mais, dans cette hypothèse, lorsque l'adjudication est prononcée au profit d'un tiers après le décès de l'adjudicataire surenchéri, la succession de ce dernier doit comprendre non seulement les frais et loyaux coûts du contrat qui doivent être restitués par l'adjudicataire sur surenchère mais encore la valeur de l'usufruit temporaire des biens jusqu'à la seconde adjudication.

110

En revanche, au cas de surenchère du dixième sur l'aliénation forcée qui rend immédiatement inexistante la première adjudication, lorsque le décès de l'adjudicataire surenchéri intervient avant la seconde adjudication, l'immeuble ne dépend pas de sa succession mais continue à appartenir au propriétaire primitif.

Les immeubles qui ont fait l'objet d'une promesse de vente non acceptée au décès du promettant font partie de sa succession.

6. Déchéance prononcée contre les acquéreurs des biens de l'État

120

L'immeuble acquis ne fait pas partie de la succession d'un tel acquéreur lorsque la déchéance pour non-paiement du prix aux échéances, a été prononcée avant son décès mais la déclaration de sa succession doit comprendre, le cas échéant, la partie du prix qui avait été payée et qui sera restituée.

7. Déclaration de command

130

Dans la déclaration de command, l'acheteur apparent (le commandé), indique au moment de la formation du contrat qu'il agit sur l'ordre d'un command, mais il se réserve la faculté de désigner, dans un certain délai, le nom de ce dernier.

Si l'acheteur fait la déclaration dans le délai convenu, et si elle est acceptée par le command, il est censé n'avoir pas acheté.

En application de ces principes, les droits de mutation par décès n'atteignent pas les biens acquis de son vivant par le défunt et pour lesquels il avait fait une déclaration régulière de command, lorsque cette déclaration a été acceptée, soit avant, soit après le décès, par le command déclaré. En cas de non-acceptation, les biens dépendent nécessairement de la succession de l'acquéreur.

8. Terrains dépendant d'un lotissement

140

Ne font pas partie de la succession du vendeur les terrains déjà lotis ou à lotir qui ont fait l'objet d'une promesse de vente lorsque les deux conditions prévues par l'article 1589 du code civil, paiement d'un acompte sur le prix et prise de possession, ont été accomplies avant le décès.

En revanche, lorsque le décès du vendeur survient après le versement d'un acompte, mais avant la prise de possession, le terrain dépend toujours de sa succession. Lorsque la prise de possession se réalise, elle a un effet rétroactif et la mutation est considérée comme accomplie à la date du premier paiement ; la déclaration de succession du vendeur doit être établie ou rectifiée en conséquence et comprendre seulement à l'actif sa créance contre l'acquéreur pour la partie du prix restant due.

9. Vente à réméré

150

La vente à réméré est une convention par laquelle le vendeur se réserve, pour un terme qui ne peut excéder cinq ans, de reprendre la chose vendue moyennant la restitution du prix principal et le remboursement des frais et loyaux coûts du contrat, des réparations nécessaires et de celles qui ont augmenté la valeur du fonds jusqu'à concurrence de cette augmentation.

Si l'acheteur décède pendant le délai de réméré, la chose vendue dépend de sa succession. Si le retrait de réméré est exercé après le décès et avant le dépôt de la déclaration de succession, c'est la somme remboursée par le vendeur qui doit être déclarée.

À l'inverse, si le vendeur décède pendant le délai de réméré, il n'y a pas lieu de déclarer et d'évaluer le droit de rachat que recueillent les héritiers, du moins tant qu'il n'est pas cédé. Mais si les héritiers cèdent à un tiers le droit à réméré qu'ils ont reçu de leur auteur, ils doivent souscrire une déclaration complémentaire dans le délai légal décompté du jour de la cession et acquitter l'impôt sur le prix.

10. Biens apportés à une société non encore existante

160

Lorsque l'apporteur décède avant le terme fixé comme point de départ de la société, il transmet à ses héritiers, non de simples droits sociaux, mais la propriété même des biens apportés.

Il est précisé que les sociétés n'acquièrent la personnalité morale que du jour de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

170

Biens dépendant d'une prétendue société de fait entre concubins :

La Cour de cassation a rejeté un pourvoi formé contre un jugement qui a refusé d'admettre l'existence d'une société de fait entre deux personnes, Mme M... et M. L..., ayant vécu en concubinage pendant de nombreuses années.

Au décès de M. L... sa succession était constituée d'un immeuble acheté à son nom. Après avoir payé les droits de mutation à titre gratuit sur ce bien qu'elle a recueilli en qualité de légataire, Mme M... a demandé la révision de cette perception en prétendant que l'immeuble en cause dépendait d'une société de fait qui aurait existé entre elle et son ancien concubin, de sorte que la succession n'aurait compris que la moitié de ce bien.

Le jugement déféré, approuvé par la Cour suprême, a écarté cette prétention en estimant, notamment, que les éléments du dossier ne pouvaient faire la preuve de l'existence d'apports, de la participation aux bénéfices et aux pertes, ainsi que de l'affectio societatis (Cass civ., 12 décembre 1978, Mme M..., RJ n° III, p. 199).

11. Biens apportés à une association déclarée

180

Ces biens ne sont pas compris dans la succession de l'apporteur et ses héritiers n'ont pas à déclarer de contrepartie active à cet apport puisque les membres de l'association n'ont pas de droit sur le patrimoine de celle-ci.

190

Toutefois, si à la dissolution de l'association, les biens apportés étaient repris par les héritiers de l'apporteur, il y aurait lieu de les considérer comme biens rentrés dans l'hérédité et une déclaration complémentaire devrait être souscrite dans le délai légal qui commence à courir à compter de l'événement ayant opéré la transmission au profit desdits héritiers.

12. Opérations de bourse

200

Les sommes provenant de la liquidation des positions fermes prises par le défunt et de la réalisation des valeurs qu'il avait achetées à terme dépendent de sa succession (cf. BOI-ENR-DMTG-10-10-20-10).

13. Offices ministériels

210

Une cession d'office ministériel n'est parfaite que lorsque le nouveau titulaire a été agréé par le gouvernement.

Par suite, l'office objet de la cession fait partie de la succession du cédant lorsque le cessionnaire n'est pas nommé au décès et de la succession du nouveau titulaire lorsqu'il est agréé avant son décès, même s'il n'avait pas encore prêté serment.

Remarque : Lorsque le Gouvernement agrée le nouveau titulaire, les droits de succession correspondants peuvent être restitués dans le délai imparti par la loi.

220

Un navire en construction appartient, jusqu'à son achèvement, au constructeur.

Mais un navire doit être compris dans la déclaration de la succession du propriétaire désigné dans l'acte de francisation et un aéronef dans celle du propriétaire désigné dans le certificat d'immatriculation.

15. Sommes déposées

230

Les sommes déposées ne doivent pas être déclarées dans la succession du dépositaire s'il est justifié du dépôt dans les formes du droit commun.

En revanche, ces sommes doivent être portées à l'actif successoral du déposant, exception faite, toutefois, de celles déposées à la Caisse des dépôts et consignations, dès l'instant que la consignation a été acceptée ou déclarée bonne et valable par jugement.

II. Théorie de l'accession

240

La preuve du droit de propriété du défunt résulte également des dispositions de l'article 546 du code civil selon lesquelles la propriété d'une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur ce qui s'y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement.

Ce droit d'accession s'applique essentiellement aux constructions.

A. Application aux constructions

250

Aux termes de l'article 553 du code civil, toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l'intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n'est pas prouvé.

Dès lors, les constructions existant sur un terrain sont légalement présumées faire partie de la succession du propriétaire du terrain, à moins qu'il ne soit prouvé qu'il ait renoncé à son droit d'accession.

B. Cas particulier des constructions élevées par le locataire sur le terrain du bailleur

260

La présomption de propriété des constructions au profit du propriétaire du terrain est écartée toutes les fois que les conventions intervenues entre les parties font apparaître que le propriétaire du sol a entendu renoncer temporairement ou définitivement à bénéficier du droit d'accession sur les constructions.

Le tiers, locataire le plus souvent, qui a édifié les constructions, en reste propriétaire jusqu'à l'époque fixée pour la réunion de la propriété des constructions à celle du terrain.

Ainsi en est-il des contrats de location prévoyant que le locataire, s'il édifie des constructions, n'a pas d'obligation de les conserver. Une telle convention ne donne pas, en effet, au bailleur un droit actuel. Le droit d'accession ne s'exerce donc qu'en fin de bail.

En revanche, les conventions qui privent le locataire, qui a l'obligation ou la simple faculté de construire, du droit de démolir transfèrent immédiatement la propriété des constructions au propriétaire du sol par l'effet de l'accession.

270

En application de ces principes, doivent être comprises dans la déclaration de succession du propriétaire du sol, les constructions qui, en vertu de conventions particulières, doivent rester au propriétaire en fin de bail et que le locataire avait soit l'obligation, soit même la simple faculté d'édifier dès l'instant qu'il n'avait pas ensuite le droit de les démolir.

Par contre, en cours de bail, sont à porter dans la déclaration de succession du constructeur, locataire du terrain, les élévations qu'il avait la faculté d'édifier lorsque le bail est muet sur le sort des constructions ou lorsque le locataire constructeur n'est tenu à aucune obligation de conservation permanente alors même que le bailleur aurait stipulé que les constructions resteront sa propriété à l'expiration du bail avec ou sans indemnité. Cette convention n'a pas, en effet, pour conséquence de conférer au bailleur un droit actuel et de déposséder ipso facto le preneur de la propriété des constructions au fur et à mesure de leur édification. À cet égard, la jurisprudence décide que le droit d'accession du propriétaire ne peut être exercé qu'en fin de bail.

D'une manière générale, dépendent de la succession du locataire constructeur les ouvrages pour lesquels le bailleur a renoncé expressément à son droit d'accession.

III. Présomption de propriété en faveur du possesseur dont la possession est paisible

A. Principe

280

Aux termes de l'article 2279 du code civil, les actions possessoires sont ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement.

Ce texte établit, en ce qui concerne notamment les biens meubles, une présomption de propriété en faveur du possesseur dont la possession est paisible.

B. Application à l'impôt de mutation par décès

1. Biens concernés

290

La présomption de l'article 2279 du code civil est susceptible de s'appliquer aux meubles corporels dont le défunt avait la possession et aux valeurs trouvées dans un coffre.

a. Meubles corporels

300

Sont présumés appartenir au de cujus les meubles corporels et, notamment, les meubles meublants qui garnissent son appartement.

La police d'assurance du mobilier n'est pas un titre de propriété, mais elle établit suffisamment la possession des meubles par l'assuré qui est dès lors présumé en être propriétaire.

b. Valeurs trouvées dans un coffre

310

Les valeurs placées dans un coffre sont présumées appartenir au locataire du coffre. C'est ainsi que les sommes et valeurs déposées dans le coffre loué au nom d'un époux marié sous le régime de la séparation de biens sont présumées dépendre en totalité de sa succession.

2. Administration de la preuve contraire

320

La preuve contraire est possible mais ne doit être admise qu'avec circonspection.

Aucune difficulté ne peut exister cependant lorsque les héritiers sont en mesure de produire un acte instrumentaire ayant pour objet direct d'établir que le de cujus possédait non pas pour lui mais pour des tiers en vertu d'un contrat de dépôt, si par ailleurs la sincérité de cet acte est hors de cause.

Il en est de même si, à défaut d'acte instrumentaire, les héritiers produisent des registres ou papiers domestiques du défunt constatant l'existence d'une obligation à la charge de ce dernier de leur restituer les titres ou valeurs, avec mention expresse, conformément à l'article 1331 du code civil, que la note invoquée a été écrite pour suppléer le défaut de titre en leur faveur.

330

Lorsque les prétendus propriétaires sont des tiers, un faisceau de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes est nécessaire.

340

En cas d'instance, les tribunaux apprécient souverainement les faits et circonstances. En tout état de cause, les témoignages et enquêtes sont exclus.