B.O.I. N° 77 du 4 juin 1984
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
13 A-1-84
N° 77 du 4 juin 1984
13 R.C./14 (A)
Instruction du 4 juin 1984
Relations entre l'Administration et les usagers
[D.G.I.- Bureaux I A 1, I B 3, II A 2, III A, III A 3, III A 4, III B 1, III B 2, III B 3, IV A 1, IV C, V A 1, V B 1, V B 2 et V B 3]
Le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 (J.O. du 3 décembre 1983) relatif aux relations entre l'Administration et les usagers a pour but, à partir des lois n° 78-753 du 17 juillet 1978 et n° 79-587 du 11 juillet 1979, de définir un nouveau statut de l'usager du service public.
Il vise à accorder des garanties nouvelles aux administrés, à assurer plus de transparence et d'ouverture aux services administratifs. Il s'inscrit dans le cadre de la recherche de l'amélioration des relations avec le public dont les modalités doivent être recherchées même en l'absence d'obligations légales ou réglementaires.
Il comprend trois séries de dispositions :
1° La première est relative aux exigences du principe d'égalité devant la loi.
Elle permet à chaque citoyen d'invoquer le bénéfice des circulaires, instructions ou directives de l'Administration, et définit les conséquences que l'Administration doit tirer dans les cas où certains actes réglementaires qu'elle a pris seraient illégaux.
a. Possibilité pour les administrés d'invoquer le bénéfice des instructions administratives.
Toute instruction, directive ou circulaire publiée au B.O.D.G.I., à l'exception des directives d'ordre interne ne régissant pas les rapports entre l'Administration et les contribuables, est désormais opposable à l'Administration quel que soit son objet (cf. n° 1 et suiv. ).
b. Conséquences de l'illégalité d'une disposition réglementaire.
Dès lors qu'une décision, émanant de la juridiction administrative, aura prononcé l'annulation d'une imposition par un motif tiré de l'illégalité des textes réglementaires ou des instructions administratives qui en constituaient le fondement, toute réclamation tendant au dégrèvement d'une imposition établie en application des mêmes textes et portant sur le même impôt sera recevable sans limite autre que la prescription trentenaire (cf. n° 5 et suiv. ) ;
2° La seconde série de dispositions est relative à la procédure administrative non contentieuse.
Elle vise à faciliter le dialogue entre l'Administration et ses usagers et à assurer une meilleure protection des administrés. La non-observation par l'Administration des nouvelles obligations mises à sa charge est susceptible d'avoir une incidence directe sur le délai ouvert aux intéressés pour introduire un éventuel recours contentieux.
a. Obligations de l'Administration en cas de demande non contentieuse.
En présence d'une demande non contentieuse d'un administré tendant à obtenir une décision administrative susceptible de donner lieu, le cas échéant, à l'engagement d'une procédure contentieuse tendant à réformer ou annuler cette décision (cf. n° 15 ), le service est tenu : 1° d'en accuser réception (cf. n° 17 ) ; 2° de la transmettre au véritable destinataire en cas d'incompétence (cf. n.° 20 ) .
Sont exclues du champ d'application du décret les demandes de renseignements dès lors qu'elles ne visent pas la prise d'une décision administrative susceptible de recours contentieux, les réclamations et les demandes gracieuses visées aux articles R. 190 et suivants, L. 247 et R. 247-1 du Livre des procédures fiscales ainsi que les contestations prévues aux articles L. 281 à L.283 et R.281-1 et suivants du même livre qui ressortissent au contentieux de l'impôt et de son recouvrement.
b. Obligations de l'Administration en cas de décision administrative non contentieuse.
Avant que les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 (cf. n° 24 ) ne soient prises, les administrés doivent être invités par lettre à présenter, par écrit, leurs éventuelles observations dans un délai de trente jours (cf. n° 25 ) .
Par ailleurs, les notifications de décisions susceptibles de recours devant la juridiction administrative doivent mentionner de façon précise les délais et voies de recours ouverts à l'intéressé (cf. n° 33 et suiv. ) ;
3° La troisième série de dispositions concerne le fonctionnement des organismes consultatifs placés auprès des autorités de l'Etat et de ses établissements publics administratifs.
Le décret édicte un certain nombre de règles en vue d'améliorer le fonctionnement des commissions (cf. n° 37 et suiv. ).
Ce fonctionnement est réglementé afin de permettre une meilleure prise en compte des avis rendus, de pallier les conséquences d'une éventuelle carence de ces organismes et d'assurer l'objectivité des avis qu'ils émettent.
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La présente instruction a pour objet de préciser la portée de ces nouvelles dispositions au regard des missions du service.
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A. - DISPOSITIONS TENDANT A SATISFAIRE AUX EXIGENCES DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
I. Possibilité pour les administrés d'invoquer le bénéfice des instructions administratives
1.L'article 1 er du décret dispose que tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'Administration, des instructions, directives et circulaires qui ne sont pas contraires aux lois et règlements dès lors qu'elles sont publiées dans les conditions prévues à l'article 9 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 c'est-à-dire dans des bulletins portant dans leur titre la mention « Bulletin officiel » ( art. 1 er du décret n° 79.834 du 22 septembre 1979 ).
2.Au regard des règles applicables en matière fiscale l'article 1 er du décret fait largement double emploi avec l'article L. 80 A du L.P.F. ( 2 e alinéa ) qui autorise déjà les contribuables à se prévaloir de l'interprétation d'un texte fiscal que l'Administration a fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées.
Toutefois le champ d'application du décret est à la fois plus large puisqu'il vise les procédures administratives et plus étroit puisque l'administré ne peut pas se prévaloir d'unc interprétation illégale.
3. Il s'ensuit que toute instruction, directice ou circulaire publiée au B.O.D.G.I. (édition publique ou administrative) peut, en principe, quel que soit son objet, être désormais invoquée par un contribuable dès lors qu'il y a intérêt.
4. Toutefois, les directives d'ordre interne adressées au service, même publiées au B.O.D.G,I., n'entrent pas dans le chamlp d'appplication du nouveau dispositif dans la mesure où elles n'ont pas pour objet de régler les rapports entre l'Administration et les contribuables. Ex. : B.O.D.G.I. 13 L-1-74 sur les conditions de mise en oeuvre de l'article 180 du Code général des Impôts (devenu l'article L.71 du Livre des procédures fiscales) et notamment sur l'intervention du directeur des Services fiscaux.
II. Conséquences de l'illégalité d'une disposition réglementaire au regard des actes individuels qui en font application
5.L'article 2 du décret du 28 novembre 1983 prévoit que, lorsqu'une décision juridictionnelle devenue définitive émanant des tribunaux administratifs ou du Conseil d'État a prononcé l'annulation d'un acte non réglementaire par un motif tiré de l'illégalité du règlement dont cet acte fait application. l'autorité compétente est tenue, nonobstant l'expiration des délais de recours, de faire droit à toute demande ayant un objet identique et fondée sur le même motif. lorsque l'acte concerné n'a pas créé de droits au profit des tiers.
6.Antérieurement à l'intervention du décret du 28 novembre 1983, une déclaration d'illégalité n'avait qu'un effet très limité pour le passé dans la mesure où ne pouvaient utilement s'en prévaloir que les administrés disposant encore d'une voie de recours contre les actes individuels pris à leur égard (non expiration du délai de réclamation, par exemple).
7. Désormais, dans le domaine fiscal, très lors qu'une décision, émanant de la juridiction administrative, aura prononcé l'annulation d'une imposition par un motif tiré de l'illégalité des textes réglementaires ou des instructions administratives qui en constituaient le fondement, toute réclamation tendant au dégrèvement d'une imposition établie en application des mêmes textes et portant sur le même impôt sera recevable sans limite, en principe, autre que la prescription trentenaire.
8. Il est rappelé, à cette occasion, que, tant dans les rapports avec les contribuables dans le cadre du contrôle fiscal que lors du traitement du contentieux, les textes légaux et réglementaires servent de référence à la justification de la position de l'Administration. Dans toute la mesure du possible, les instructions de l'Administration n'ont pas à être mentionnées : leur contenu doit par contre être utilisé pour l'argumentation.
III. Obligation pour l'Administration d'abroger un règlement illégal
9.Aux termes de l'article 3 du décret du 28 novembre 1983, l'autorité compétente est tenue de faire droit à toute demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, soit que le règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte des circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date.
10. Il s'ensuit que lorsqu'un acte réglementaire ne sera plus susceptible d'être attaqué par la voie du recours pour excès de pouvoir en raison de l'expiration du délai imparti à cet effet, il pourra néanmoins et en tout temps faire l'objet d'une demande d'abrogation adressée à l'Administration qui sera tenue d'y faire droit si l'illégalité est dûment établie.
11.La décision explicite ou implicite de rejet prise sur cette demande pourra, quant à elle, être déférée à la censure du juge de l'annulation, l'illégalité du règlement critiqué étant invoquée par voie d'exception à l'appui de ce recours.
12.L'annulation de la décision de rejet éventuellement opposée par l'Administration n'entraînera pas l'annulation du règlement lui-même mais la déclaration de son illégalité.
13.A cet égard, il y a lieu de souligner qu'une telle annulation n'autorisera pas pour autant les autres administrés à se prévaloir des dispositions de l'article 2 précité.
B. - DISPOSITIONS RELATIVES A LA PROCÉDURE ADMINISTRATIVE NON CONTENTIEUSE
Le chapitre II du décret traite des relations entre l'Administration et les administrés dans les cas de demandes formulées par un administré ou de décision administrative.
I. Les relations entre l'Administration et les usagers en cas de demande non contentieuse adressée à l'Administration
1. CHAMP D'APPLICATION.
14. Les dispositions des articles 5, 6 et 7 du décret s'appliquent à toute demande non contentieuse d'un administré tendant à obtenir une décision administrative susceptible de donner lieu, le cas échéant, à l'engagement d'une procédure contentieuse tendant à réformer ou à annuler cette décision.
15.S'agissant de la Direction générale des Impôts, entrent notamment dans le champ d'application de ces articles :
- les demandes d'agrément ;
- les demandes tendant à la communication des documents administratifs en application des dispositions du titre 1 er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- les demandes d'obtention du sursis de paiement présentées par les redevables qui n'en bénéficient pas de plein droit et qui sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir (cf. C.E. 10 février 1984, req. n os 46953, 46910 et 46954) ;
- les demandes de dispense de versement d'acomptes trimestriels en matière de profits de construction (art. 5 du décret n° 82-263 du 23 mars 1982).
16. Les demandes de renseignements, dès lors qu'elles ne visent pas à la prise d'une décision administrative susceptible de recours contentieux, les réclamations et les demandes gracieuses visées aux articles R. 190 et suivants, L. 247 et II. 247-1 du livre des procédures fiscales ainsi que les constatations prévues aux articles L. 281 à L.283 et R. 281-1 et suivants du même livre, qui ressortissent au contentieux de l'impôt et de son recouvrement, n'entrent pas dans le champ d'application de ce texte.
2. RÔLE DU SERVICE.
a. Accusés de réception des demandes (art. 5 et 6).
17. Les articles 5 et 6 précisent que les délais opposables à l'auteur d'une demande adressée à l'Administration ne courent que de la date de la transmission à l'auteur de cette demande d'un accusé de réception comportant les renseignements suivants :
- le service chargé du dossier ou l'agent à qui l'instruction du dossier a été confiée ;
- le délai à l'expiration duquel, à défaut d'une décision expresse, la demande sera réputée acceptée ou rejetée ;
- s'il y a lieu, les délais et voies de recours contre la décision implicite de rejet ; la juridiction compétente sera précisée ainsi que, le cas échéant, l'obligation de former un recours administratif préalable (ex. : consultation de la commission d'accès aux documents administratifs) ou la possibilité d'effectuer un recours hiérarchique ;
- éventuellement, l'indication des pièces manquantes ou de celles écrites en langue étrangère dont l'Administration demande la traduction en français.
18.Il y aura donc lieu, de prévoir ou de généraliser l'envoi d'accusés de réception dans les cas entrant dans le champ d'application de ce texte.
19. Ces accusés de réception dont un modèle est joint en annexe devront être établis dans les formes réglementaires, sauf à n'avoir aucune valeur juridique. Dans les cas où les risques contentieux apparaissent sérieux, ils devront être expédiés par pli recommandé avec accusé de réception sous enveloppes à fenêtres afin de pouvoir justifier, le cas échéant, de leur expédition.
19 bis. Il est toutefois précisé que l'Administration n'est pas tenue d'accuser réception des demandes répétitives ou manifestement abusives par leur nombre ou leur caractère systématique ( art. 5, 6° al. ).
L'application de cette disposition résulte de situations de fait qu'il appartiendra au service d'apprécier avec discernement.
b. Réorientation des demandes (art. 7).
20. Une demande adressée à une autorité incompétente pour procéder à son examen doit être transmise dans les meilleurs délais au véritable destinataire. La transmission est réputée faite dès le dépôt de la demande ( art. 7 ). Cette obligation de transmission est de même nature que celle prévue en matière contentieuse par l'article 55 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ( codifié sous l'article R*190-2 du L.P.F. ) pour les réclamations contentieuses relatives à l'assiette de l'impôt adressées par erreur au service du Recouvrement et inversement.
21. Le délai opposable à l'auteur d'une demande adressée à une autorité incompétente court :
- à compter de la date de la réception de la demande mentionnée dans l'accusé de réception adressé par l'autorité incompétente, lorsque le silence de l'Administration sur une demande vaut rejet tacite ;
- à compter de la date de réception par l'autorité compétente mentionnée dans l'accusé de réception rédigée par cette dernière, lorsque le silence de l'Administration vaut acceptation tacite.